Septentrion. Jaargang 10
(1981)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdLe prix Francqui et la recherche scientifique en FlandreLe 15 avril 1980, le prix Francqui fut décerné à J. Ysewijn, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven. Ce fut la première fois depuis son existence autonome que cette Université vit attribuer ce prix important à l'un de ses membres. S'agit-il ici de l'allergie traditionnelle de la Belgique officielle pour les activités culturelles de la Flandre? Non pas, car, outre le fait que le jury est composé exclusivement de spécialistes étrangers chez qui le réflexe anti-flamand ne joue sans doute pas, il faut remarquer que par le passé l'Université encore unitaire (donc à prédominance francophone) n'a guère été gâtée davantage. Il faut en effet remonter jusqu'en l'année 1951 pour trouver, en la personne du professeur Koch, le précédent lauréat lovaniste. Un réflexe anticatholique alors? Peut-être cela a-t-il joué - l'Université d'Etat de Gand s'est vu attribuer plusieurs fois le prix - mais il serait faux de chercher là la raison fondamentale de la parcimonie des jurys à l'égard de la K.U. Leuven. Nous nous en expliquerons plus loin. Mais d'abord, qui est ce lauréat?Ga naar eind(1) Jozef Ysewijn, né à Zwijndrecht en 1932, étudia la Philologie classique et l'Histoire ancienne à l'Université de Louvain. Attaché ensuite au F.N.R.S. (Fonds national de recherche scientifique), il se spécialisa d'abord dans la papyrologie, ce qui résulta dans un doctorat sur Les prêtres éponymes et leurs fonctions à Alexandrie et à Ptolemaüs Henniou au temps des Lagides (323-31 av. J.-C.). Ce travail parut en 1961, dans une version latine (!), sous les auspices de l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Et pourtant, malgré ces débuts prometteurs en papyrologie, le jeune chercheur alla virer de bord. Un jour, il rencontra à Rome monseigneur José Ruysschaert - ancien élève, comme lui, du professeur H. de Vocht - attaché à la Bibliotheca Vaticana. C'est lui qui orienta définitivement le chercheur vers l'étude de la langue et de la littérature des Humanistes. Ainsi, le professeur J. Ysewijn s'intégra dans une longue tradition de l'Université de Louvain: n'oublions pas en effet que c'est là qu'Erasme fonda le célèbre Collegium trilingue, que c'est là que furent actifs les grands humanistes Juste Lipse et Mercator. Chargé de cours en 1963 et professeur ordinaire en 1967, J. Ysewijn prit une série d'initiatives tendant à stimuler et à centraliser les études dans ce domaine. Ce fut d'abord le Seminarium Philologiae | |
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Jozef Ysewijn (o1932).
Humanisticae (en 1966): centre de documentation et trait d'union pour tous ceux qui s'intéressent aux textes latins écrits depuis Francesco Petrarca, fondateur de l'Humanisme; ensuite, la série de livres, les Humanistica Lovaniensia (fondée en 1928 par Mgr. de Vocht) fut transformée en une revue internationale; enfin ce furent les colloques annuels (depuis 1970) et les congrès internationaux (le premier à Louvain, en 1971). Lors du deuxième congrès international (à Amsterdam, en 1973) le professeur Ysewijn fut élu président d'une nouvelle société, la Societas Internationalis Studiis Neolatinis Provehendis. Les publications majeures du savant sont The Coming of Humanism to the Low Countries (1977) et le Companion to Neo-Latin Studies (1977). Le vendredi 21 novembre 1980, lors d'un hommage rendu par la Faculté au lauréat, celui-ci tenta lui-même de tirer les leçons de l'attribution de ce prix prestigieux à sa personne. Pourquoi lui et pas un autre? Sans doute parce que ses études, portant sur le latin et étant publiés en latin, sont écrites dans une langue accessible aux spécialistes du monde entier. D'où une première constatation intéressante: le savant néerlandophone est inévitablement discriminé du fait de sa langue. ‘Ils n'ont qu'à traduire leurs travaux’, direz-vous. En effet, seulement, le monde universitaire flamand ne dispose pas encore d'une University Press qui puisse se charger de la traduction, de la distribution et de la propagande de ses publications. Serait-ce le signe du désintérêt de ce peuple pour les choses de l'esprit? On serait tenté de le croire lorsqu'on constate que la B.R.T. (Radio et télévision néerlandophone) ne souffla mot de l'attribution de ce prix important, alors que la R.T.B.F. (Radio et télévision francophone) diffusa la nouvelle le soir même et fit même entendre une interview avec le lauréat. La presse flamande sembla s'être donné la consigne de ne point mentionner l'événement. Un peuple aurait-il les journalistes qu'il mérite? Le chercheur d'expression néerlandaise ne se sent donc nullement appuyé par la communauté qui l'a mandaté pour ce genre de travail. En outre, il s'avère qu'il est lui-même souvent trop timide et trop modeste. Trop timide dans ses entreprises, dans ses projets d'études, trop modeste dans ‘la propagande’ de ses résultats. Il faudra qu'à l'avenir le chercheur flamand noue davantage de contacts internationaux, qu'il participe de façon plus régulière aux congrès de sa spécialité, qu'il fasse mieux connaître les résultats de ses travaux, qu'il suive en d'autres mots l'exemple de ses collègues francophones qui profitent, eux, d'une longue tradition en ce domaine. | |
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L'Etat aussi devrait mieux comprendre la nécessité de la recherche, créer les circonstances favorables et avancer les fonds nécessaires. Il devrait d'abord adopter une attitude plus positive et plus constructive à l'égard des Universités au lieu de les présenter au grand public comme le tonneau des Danaïdes. Les Universités sont chères, c'est évident, mais un pays comme le nôtre ne peut pas ne pas exploiter à fond la seule matière première dont il dispose, l'intelligence de ses citoyens. L'Etat devrait ensuite concevoir une politique à long terme, formuler une ‘philosophie’ universitaire. Au lieu de surcharger le professeur belge d'un nombre d'heures de cours qui atteint souvent le double de ce qu'on lui impose à l'étranger, au lieu de lui faire enseigner des matières trop diverses qui le condamnent à n'être qu'un omnipracticien alors qu'il devrait être un spécialiste, au lieu de l'astreindre à examiner des centaines d'étudiants - pour certains, plus de mille étudiants par session! -, on devrait redéfinir les tâches et, sans doute, les redistribuer. L'Université ne devra-t-elle pas être plus que jamais un institut de recherche fondamentale et appliquée? L'Université, au contraire des instituts privés, met ses résultats au service de la communauté sans les asservir à des buts mercantiles, ce qui n'est que justice. Ne faudra-t-il donc pas distinguer, plus que par le passé, les professeurs qui dispensent le savoir et les chercheurs? Un premier pas dans la bonne direction sera fait le jour où les Universités ne dépendront plus du ministre de l'Education nationale - au même titre que les écoles gardiennes - mais d'un ministre de la Recherche Scientifique. Le recteur de la K.U. Leuven, le professeur P. De Somer, fit remarquer dans son discours inaugural du 6 octobre 1980Ga naar eind(2) que la politique scientifique est confiée en Belgique, comme une occupation marginale, à des ministres dont la responsabilité principale réside ailleurs: le Budget, les Classes moyennes, le Commerce extérieur, les Affaires intérieures, la Réforme des institutions et, aujourd'hui, le Plan! L'absence d'une politique à long terme est sans doute gênante pour l'ensemble du monde universitaire, flamand et francophone. Mais elle risque d'être simplement meurtrière pour les universités flamandes, si jeunes (la plus ancienne, celle de Gand, existe depuis cinquante ans!) et si mal soutenues par leur propre communauté. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre l'appel pour un ministère flamand - et non plus unitaire - de la recherche scientifique: on y voit, à juste titre semble-t-il, le seul remède au problème. VIC NACHTERGAELE |