Michel, ou l'hiver de guerre.
C'est en grande partie la personnalité même de l'auteur qui nous amène à présenter aux lecteurs de Septentrion un roman qui s'adresse en tout premier lieu à la jeunesse. En effet, cet auteur est un politicien notoire aux Pays-Bas, et chef de file de D 66. (Si vous ne réalisez pas tout de suite ce que signifie ce sigle exactement, veuillez consulter Septentrion, 5e année 1/76, p. 5: ‘Les mouvements de rénovation politique aux Pays-Bas’).
Jan C. Terlouw n'est pas entré d'emblée dans la vie politique néerlandaise. Né en 1931, il a fait des études de mathématique et de physique à l'université d'Utrecht, où il a passé sa thèse sur un sujet de la recherche thermo-nucléaire. C'est aussi dans la recherche technologique qu'il a travaillé les treize premières années de sa vie professionnelle (dont un an et demi auprès de l'illustre Massachusetts Institute of Technology, aux Etats-Unis). En 1967 seulement il entre dans la politique active. Etant donné son curriculum jusqu'à ce moment-là, personne ne sera étonné d'entendre qu'il s'occupe, en tant que politicien, avant tout de problèmes économiques et technologiques, d'écologie et de la politique de l'énergie.
Antérieurement déjà un livre de jeunesse de Terlouw a été publié en traduction française: Le chevalier de l'impossible, dans la collection Super 1000. On l'a interprété comme un récit un peu féerique, qui réfléchirait comme dans une allégorie le programme politique de D 66. L'auteur a déclaré à cet égard qu'il n'avait pas consciemment poursuivi ce but, mais qu'il est évident qu'il a pu être influencé par les problèmes et les options dont il s'occupait, et s'occupe encore, jour après jour.
D'ailleurs, Terlouw n'est actif comme écrivain pour la jeunesse que pendant son congé annuel, ‘quand le reste de la famille est à la plage et que je trouve, quant à moi, qu'un après-midi de plage par jour peut suffire’. Il estime que la chose la plus importante qu'on puisse apprendre à un enfant, c'est la langue, parce que la langue ouvre la porte vers le passé et contribue largement à la formation de la vie sentimentale. De là certainement l'excellent usage de la langue qui caractérise tous ses livres.
Le roman Michel (l'original est intitulé Oorlogswinter, ce qui signifie ‘hiver de guerre’ et se réfère à l'hiver de 1944-45) se déroule dans un petit village de la Veluwe (une région de bruyère pas loin de la Zuyderzee), à la fin donc de la seconde guerre mondiale. Un fils de maire de 16 ans ne peut plus visiter l'école, vu les circonstances. Il fait des petits travaux çà et là, jusqu'au moment où un ami, attrapé par les Allemands, lui signale qu'un soldat anglais blessé a besoin d'aide dans un bois du voisinage. Avant qu'il ne le sache, le garçon se trouve bel et bien dans la résistance. Les événements troublants autour de lui le rendent méfiant vis-à-vis de tout et de tous; il sortira de la guerre comme un jeune homme endurci, quoique resté très sensible.
Jan Terlouw a esquissé d'une façon éminente l'angoisse et l'agitation de cette génération-là, tout en apportant les nuances nécessaires que tant de livres pour la jeunesse tendent à oublier. Ou comme l'auteur l'exprime lui-même: ‘Si le livre ne transmet pas le message que la guerre est inhumaine et à rejeter, je suis convaincu que j'ai manqué le coup. Et si par contre il ne démontre pas que même en temps de déchéance et de destruction persiste la charité, je n'ai pas réussi non plus à mener mon projet à bonne fin’.
Jan Deloof.
Michel, par Jan Terlouw. Traduit du néerlandais par Robert Petit. Coll. Grand Angle des Editions G.P., Paris, 1976, 220 p.