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L'école des ‘Annales’ et l'historiographie néerlandaise
Né en 1934 à Zelzate (province de Flandre orientale). Docteur en histoire à l'Université de l'Etat de Gand en 1962. Etudes à l'Ecole des chartes de Paris. Professeur ordinaire à l'Université de l'Etat de Gand et professeur extraordinaire à la ‘Vrije Universiteit Brussel’. Secrétaire général du fonds culturel flamand de tendance libérale, le ‘Willemsfonds’. Publications: De leden en de Staten van Vlaanderen (1961 - Les membres et les Etats de Flandre), De oorkonden der graven van Vlaanderen, 1191-1205 (1965-1971 - Les chartes des comtes de Flandre, 3 vol.), Armoede in de Nederlanden, 14e-16e eeuw (La pauvreté dans les Pays-Bas du quatorzième au seizième siècle) dans Tijdschrift voor Geschiedenis, 1975.
Adresse:
Vlieguit 14, 9830 Sint-Martens-Latem (Belgique).
L'école des Annales, l'un des courants qui ont le plus inspiré l'historiographie actuelle, s'est développée autour de la revue française Annales d'histoire économique et sociale, fondée en 1929 et rebaptisée par la suite Annales, Economies, Sociétés, Civilisations. Avant d'examiner l'influence qu'elle peut avoir exercée sur l'historiographie néerlandaise aux Pays-Bas comme en Belgique, essayons de définir brièvement sa philosophie.
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Philosophie des ‘Annales’.
Le nouveau message qu'apportèrent Marc Bloch et Lucien Febvre à partir de 1929 constituait en fait une réaction contre le dogme de l'unicité qui prévalait dans l'historisme, et contre une certaine forme de positivisme. Il comportait en outre un plaidoyer en faveur du travail interdisciplinaire au lieu du travail en vase clos. L'idée selon laquelle des faits dits anodins, des événements banals n'en acquièrent pas moins une signification de par leur répétition ou par l'échelle à laquelle ils se sont produits, aboutit à une approche sociologique. Elle amena aussi les historiens à distinguer, dans le passé, la réalité consciemment vécue comme la vit le contemporain et la réalité subie inconsciemment qu'il perçoit avec moins de netteté, sinon pas du tout, aussi réelle qu'elle soit. Enfin, non seulement les ‘faits’ étaient considérés comme importants, mais également les différentes opinions et interprétations qu'ils suscitent. Telles étaient les bases d'une histoire des mentalités.
A la suite de l'attention portée aux faits banals et à leur récurrence, qu'avait soulignée François Simiand dès 1903, le courant structuraliste s'accentua dans les Annales. A côté de la couche des faits concrets - à laquelle se limitait l'histoire événementielle -, celui-ci distinguait en ordre décroissant dans la perceptibilité par le contemporain, le niveau des conjonctures - les mouvements à la hausse et
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Lucien Febvre (1878-1956).
à la baisse des prix et des salaires, par exemple - et celui des structures. Alors que les sociologues ne voyaient souvent dans les structures qu'une régularité constatée dans les faits de l'un ou l'autre processus ou des événements synchroniques, les Annales y ont adjoint la notion de dynamique du temps, prouvant en même temps que les structures se modifient en fonction du contexte historique et culturel.
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Les Pays-Bas: zone d'influence ou originalité?
Comme en témoignent nombre de revues, congrès et projets communs - notamment l'ancienne et la nouvelle Histoire générale des Pays-Bas -, les Pays-Bas septentrionaux et méridionaux constituent un ensemble assez homogène du point de vue de l'historiographie. Bien sûr, il y a des différences d'accent manifestes. Aux Pays-Bas, l'historiographie a connu une approche plus littéraire, tandis qu'en Belgique - tant au nord qu'au sud de la frontière linguistique -, elle poursuit la grande tradition du dix-neuvième siècle, caractérisée par une approche plus positiviste. Les Pays-Bas excellent dans l'histoire culturelle, dans l'histoire des idées et dans les polémiques ayant trait aux théories et à la méthodologie. Les historiens belges, pour leur part, excellent dans l'exploration toujours plus poussée des faits par le dépouillement de nouvelles archives et s'intéressent davantage à l'étude de réalités politiques et socioéconomiques. Ces deux attitudes expliquent en même temps comment les historiographes néerlandais subissaient de plus en plus l'influence anglo-saxonne, et l'influence allemande pour ce qui est de la théorie, tandis que les historiens belges travaillaient davantage dans la ligne du travail de séminaire techniquement perfectionné d'inspiration allemande et française, dans le culte des sciences auxiliaires et d'une critique des sources positiviste. Au nord comme au sud, les Pays-Bas subirent dans une mesure à peu près équivalente l'influence des Annales. Toutefois, cette multitude d'impulsions n'a pas abouti à un mélange désordonné. L'historiographie néerlandaise septentrionale et méridionale a toujours su conserver son propre visage,
trouver son propre chemin, aboutir à sa propre synthèse, et elle s'est trouvée souvent à la pointe de l'évolution internationale. Il faut dès lors se garder de considérer comme un emprunt aux Annales tout ce qui, dans l'historiographie néerlandaise, présente des ressemblances, des analogies avec la philosophie de celles-ci. D'autres influences aussi ont joué, et il est également arrivé que l'école française lui empruntât quelque chose. Lorsque parut en 1919 l'analyse unique de ‘milieux’ et de ‘climats’ médiévaux qu'est l'ouvrage de Johan Huizinga (1872-1945), Herfsttij der middeleeuwen (L'automne du Moyen Age), les Annales n'existaient pas encore et l'historiographie française ne pouvait pas encore présenter des ouvrages importants de ce genre. Les Français
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François Simiand (1873-1935).
ont mis du temps à découvrir Huizinga. En 1933, Lucien Febvre demanda à celuici une contribution pour sa revue. En 1932 avait paru en effet la traduction française de l'ouvrage de Huizinga, sous le titre Le déclin du Moyen Age, qui connut quatre éditions; et la nouvelle édition de 1975, sous le titre L'automne du Moyen Age, qui comprend une introduction du rédacteur des Annales Jacques Le Goff, constitue un geste tardif de la part des Annales. Huizinga, qui ne s'inspirait pas de la France, mais plutôt du spécialiste suisse de la Renaissance Jacob Burckhardt, et du pessimisme culturel de l'ouvrage d'Oswald Spengler Le déclin de l'Occident, était très proche de ce qui deviendrait par la suite l'histoire des mentalités des Annales. Comme Lucien Febvre, il mit l'accent, dans son approche, sur l'intuition et sur la revalorisation des éléments éthiques, esthétiques et psychologiques en tant que mobiles des actions humaines. Comme les Annales, Huizinga portait une attention particulière aux éléments récurrents et aux constantes du passé. Chaque siècle crée une forme nouvelle pour les valeurs idéelles qu'il prône et défend, mais il arrive souvent que cette forme persiste longtemps encore après que le contenu s'est éteint ou profondément modifié. Tel est le cas de la figure du chevalier dans L'automne du Moyen Age ou de l'élément ludique dans cet autre ouvrage de Huizinga qu'est Homo ludens (1938).
Les premiers stimulants de l'histoire socio-économique aux Pays-Bas ne venaient pas non plus de la France. Le promoteur de cette discipline, l'historien belge Henri Pirenne (1862-1935), s'inspirait plutôt de la tradition des séminaires allemands et du marxisme allemand par l'intermédiaire du déterministe de la culture Karl Lamprecht (1856-1915). Il fut aussi séduit par des sociologues à part entière tels qu'Emil Durkheim (1858-1917) et Max Weber (1864-1920). Dans la ligne de la typologie qualitative de Weber, et en travaillant avec des types de groupes et de sociétés idéaux, Pirenne élaborait des modèles du type du marchand - entrepreneur médiéval. Ce fut son point de départ pour une abstraction plus poussée, - notamment dans le sens du modèle des capitalistes en tant que groupe social -, et fondée sur la théorie attrayante qu'en économie, chaque phase ascendante crée sa propre nouvelle génération d'entrepreneurs. Dès 1900, Pirenne s'intéressa aux aspects collectifs que comportent les phénomènes démographiques et socioéconomiques.
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Echos des ‘Annales’ dans l'historiographie néerlandaise actuelle.
L'aspect interdisciplinaire.
Quant à l'idée clé d'‘interdisciplinarité’ qui prévalait dans les Annales, c'est certainement par les archéologues qu'elle a été accueillie avec le plus de succès. Ainsi, c'est à l'école gantoise du professeur S.J. De Laet que revient le mérite particulier d'avoir établi des contacts avec des
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Johan Huizinga (1872-1945).
spécialistes des disciplines en marge de l'archéologie telles que la photographie aérienne, l'anthropologie, la cartographie, la paléobotanique, la géologie et la paléontologie. Elle a en outre eu le mérite de s'intégrer complètement à l'histoire et, contrairement à ce qu'ont fait certains archéologues néerlandais, elle a refusé d'écrire une histoire archéologique à côté d'une histoire faite à partir des sources écrites. De son côté, le Centre belge d'histoire rurale lui aussi, sous l'impulsion des professeurs Léopold Genicot (de l'université de Louvain) et Adrien Verhulst (de l'université de Gand), a fait le pont entre l'histoire de l'agriculture classique et une approche globale assez analogue de la méthode des Annales, avec utilisation de photos aériennes, de l'archéologie, de la toponymie, de la géographie de la circulation et de la géologie.
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L'étude des mentalités et l'histoire psychologique.
Dans ces domaines-ci, les Pays-Bas constituaient un meilleur sol nourricier que le sud. Dans son ouvrage posthume Op het breukvlak van twee eeuwen (1967 - La rupture entre deux siècles), Jan Romein (1893-1962), disciple de Huizinga, réalisa une synthèse telle que l'aurait rêvée Marc Bloch, où l'art, l'économie et la politique, etc., étaient traités comme autant de composantes indissociables. Sa théorie sur l'Europese geschiedenis, als afwijking van het algemeen menselijk patroon (1954 - L'histoire européenne considérée comme une déviation du modèle humain général) constitue une recherche de l'élément récurrent, des structures et de leurs mutations. Jacques Presser (1899-1970) a démontré quelle peut être l'importance des documents ‘égotistes’ tels que journaux et mémoires pour la connaissance de climats spirituels. F.W.N. Hugenholtz a étudié l'essence et la récurrence du phénomène des jacqueries dans l'Europe occidentale médiévale; son disciple H. Teunis s'est penché sur les modifications de structures et de normes dans la France des douzième et treizième siècles.
En Belgique, cette tendance a mis du temps à se développer. R. Van Caenegem et H. Gaus (à l'université de Gand) ont encouragé les études méthodologiques et théoriques. De plus, Gaus est passé de la théorie à la pratique avec sa thèse sur la fonction que jouait au dix-neuvième siècle la littérature de fiction. Son maître Jan Dhondt (1915-1972) a aussi écrit des articles savoureux sur la mentalité des épouses de plusieurs rois français du Moyen Age et sur les opinions qu'elles suscitaient, ainsi que sur le rationalisme du clerc Galbert de Bruges, qui vécut au douzième siècle. Parmi les médiévistes, R. Van Caenegem et L. Milis travaillent dans le sens de l'étude des mentalités.
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Henri Pirenne (1862-1935).
L'école louvaniste a toujours orienté cette étude des mentalités vers l'Eglise et la religion. Ainsi J.M. De Smet a-t-il nuancé le rationalisme que Dhondt croyait percevoir chez Galbert en situant le fonctionnaire du comte brugeois dans la tradition de la théorie et de la mentalité religieuses du douzième siècle. Je suis frappé par le fait que dans quelques thèses récentes présentées à l'université de Louvain, les sources hagiographiques sont étudiées moins en fonction de leur valeur en tant que source d'information que pour le message et pour l'idéal qu'elles entendaient apporter à un public spécifique. Pour ce qui est de l'histoire ecclésiastique récente, le chanoine R. Aubert est très proche des Annales avec son analyse des changements de mentalité au sein de l'Eglise belge aux dix-neuvième et vingtième siècles. Plusieurs jeunes historiens travaillent dans la même ligne, tel E. Lamberts, qui a su esquisser avec beaucoup de subtilité la relation entre les milieux sociologiques et les milieux idéologiques au sein du catholicisme libéral au dixneuvième siècle.
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Mutations politiques et sociales.
Depuis La société féodale (1939-1940) de Marc Bloch, l'une des grandes spécialités des Annales, c'est la recherche du comment et du pourquoi des mutations sociales et des formes d société qui est à l'honneur. Un des historiens belges qui l'a pratiquée très tôt, de manière excellente du reste, dans ses grandes synthèses et dans une série d'études sur la noblesse, est le médiéviste louvaniste Léopold Genicot.
A Gand, Jan Dhondt était très proche des Annales, notamment dans ses études sur la représentation du peuple au Moyen Age. A l'encontre du corporatisme d'Emile Lousse (à Louvain) et d'autres auteurs, il a renouvelé l'approche parlementariste en expliquant l'origine et le fonctionnement des Etats comme un jeu de groupes politiques et de groupes sociaux. Dans les Annales parut sa vision rénovatrice des groupes de pression au Moyen Age, les ‘solidarités’, qui se présentaient sous la forme d'un clan, d'une famille ou de ligues nobles ou ‘bourgeoises’ Dhondt a exercé aussi une forte influence sur les études ultérieures sur les Etats de W. Blockmans et W. Prevenier (de Gand), et de A. Uyttebrouck et R. Wellens (de Bruxelles). Ses conceptions ont également percé à l'université de Gand, où il réunissait autour de lui, en sa qualité de professeur d'histoire contemporaine, un vaste groupe de disciples. Des accents qui font songer aux Annales sont sensibles dans les travaux de Herman Balthazar sur les mutations dans le personnel politique aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, d'Yvan Van den Berghe sur les tensions que suscita la notion de révolution parmi les Jacobins et les traditionalistes à Bruges à la fin du dix-huitième siècle, d'Els Witte sur la lutte pour le pouvoir politique dans les grandes villes belges entre 1830 et 1840. Il ressort d'un compte rendu assez virulent que Lode
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J. Dhondt (1915-1972).
Wils a consacré à ce dernier ouvrage que l'école louvaniste n'est guère favorable à cette approche et qu'à son avis, la sélection du matériel et des faits fortement orientée en fonction du thème choisi aboutit à des conclusions hâtives et à la technique de l'à-peu-près.
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Mutations et structures économiques.
Les historiens de l'économie belges et néerlandais ont en grande partie assimilé la philosophie des Annales concernant l'approche structuraliste, tout en l'atténuant par leur forte tradition positiviste et par la confrontation avec d'autres courants, plus particulièrement la cliométrie anglo-saxonne de la New Economie History.
Les traditions économiques les plus anciennes des Annales dans l'historiographie néerlandaise, nous les rencontrons dans l'école gantoise, dans la ligne de Pirenne, chez Hans Van Werveke (1898-1974), qui publia dès 1931-1932 dans les Annales des études relatives à la fonction de l'argent dans l'économie et à la relation entre l'économie-nature et l'économie-argent. Van Werveke cherchait les éléments récurrents et les constantes dans la naissance et la croissance de la cité médiévale, la famine au Moyen Age et la mobilité sociale dans les corporations. Un autre disciple de Pirenne, Charles Verlinden (o1907) a fait école dans le domaine de l'histoire des prix avec une monumentale série de recueils, mais aussi avec un article de synthèse sur les cycles de prix, paru dans les Annales de 1955, en collaboration avec ses disciples J. Craeybeckx et E. Scholliers (actuellement à la ‘Vrije Universiteit Brussel’), qui ont eux-mêmes étudié de manière particulièrement originale les structures et les conjonctures, le premier en ce qui concerne la société rurale des dix-huitième et dix-neuvième siècles, le second pour ce qui est de la faim et du niveau de vie aux quinzième et seizième siècles. A leur tour, leurs disciples ont étudié la pauvreté et le logement (C. Lis, de Bruxelles) et les problèmes de l'alimentation (C. Vandenbroecke, de Gand, qui a également collaboré à un dossier que les Annales ont consacré à ce sujet). Dans ses études sur les commerçants anversois, l'historien des temps modernes W. Brulez (de l'université de Gand) insiste sur la
mutation de la fortune commerciale en fortune immobilière et sur la rapide évolution technique au seizième siècle, qui a permis aux homines novi de faire rapidement carrière. Nous percevons là des échos des Annales, mais également de la conception que nous avons déjà soulignée de Henri Pirenne. Cette même approche, nous la retrouvons chez l'historien des temps modernes J. Everaert, dans ses travaux sur le commerce colonial, mais elle est présente de manière plus stricte encore chez le disciple de Brulez, H. Soly, dans son ouvrage sur le comportement des entrepreneurs anversois au seizième siècle, qui rappelle la typologie des générations de marchands de Pirenne. Grâce à J.A. Van Houtte, Louvain a, depuis
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Hans Van Werveke (1898-1974).
les années trente, mis sur pied ex nihilo une tradition analogue. Comme Van Werveke et Brulez, Van Houtte travaillait essentiellement sur le commerce et l'industrie du bas Moyen Age et des temps modernes. Il ne négligeait pas la méthode structurelle pour ce qui touche aux structures sociales, à l'essor et au déclin des centres commerciaux, sujet sur lequel il présenta lui-même une synthèse dans les Annales de 1961. Ses zones d'intérêt furent élargies par ses disciples R. Van Uytven, surtout en ce qui concerne l'industrie, les finances et les structures sociales des quinzième et seizième siècles, et E. Stols pour ce qui touche à l'histoire coloniale telle qu'elle est pratiquée également à Gand par Verlinden et Everaert. Un autre disciple de Van Houtte, H. Van der Wee, qui a aussi acquis une formation d'économiste, a résolument opté en faveur de la méthode quantitative, très proche du structuralisme anglo-saxon et français, avec application de l'économétrie et de modèles dynamiques pour la compréhension des tendances séculaires dans le commerce et dans l'évolution des prix, dans la ligne de ce que faisaient W. Rostow et E. Labrousse dans les Annales.
L'université de Liège n'a pas non plus laissé passer le train de l'approche quantitative et structuraliste, avec surtout les études d'Et. Hélin sur la démographie et sur le synchronisme dans les crises qu'a connues la région liégeoise au dixhuitième siècle; ni l'école louvaniste, avec les travaux de J. Ruwet sur les rapports entre la morale et la démographie.
Aux Pays-Bas, le grand promoteur du courant des Annales fut le professeur B.H. Slicher van Bath, qui, dans son centre réputé de Wageningen, recommandait tout spécialement la méthode structuraliste pour l'histoire de l'agriculture. Sa thèse de doctorat sur la campagne d'Overijssel, Een samenleving onder spanning (1957 - Une communauté sous tension), était déjà marquée par les Annales, notamment dans le fait qu'il y met l'accent sur les changements de mentalité dans les groupes de la population. La série de travaux présentés par le centre de Wageningen depuis 1958, notamment avec les ouvrages de ses disciples A.M. Van der Woude et J.A. Faber, s'est orientée résolument vers la méthode quantitative, notamment en ce qui concerne le résultat des récoltes, les facteurs constants et variables dans la production et la consommation des produits agricoles, la stratification sociale dans la société rurale, la relation entre le climat, la conjoncture et les récoltes. En résumé, ce courant peut être ramené à la quantification, la généralisation et l'historiographie intégrée. Comme il ressort d'un article récent, de 1975, Slicher semble être revenu assez sérieusement de sa foi dans la méthode quantitative hors de laquelle il n'y aurait pas de salut, et il ne veut plus aller aussi loin que nombre d'adeptes de la cliométrie. D'autres historiens comme H. Baudet et J.W. Drukker (de Groningue), ne reculent pas devant le recours
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à des modèles de simulation pour vérifier à quelles variantes aurait pu aboutir l'évolution à partir d'un même point de départ réel.
Les Annales ont certainement influencé d'une manière fondamentale l'historiographie néerlandaise tant aux Pays-Bas qu'en Belgique, mais ce ne fut pas le seul canal d'influence. Traditionnellement, les historiens y sont également très ouverts aux méthodes suivies par leurs collègues anglo-saxons et allemands. On ne peut certes pas nier à cet amalgame d'impulsions et d'influences une certaine identité et originalité spécifiques.
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Bibliographie:
Sont notamment d'excellents plaidoyers en faveur de la philosophie des Annales:
M. Bloch: Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, 1964 (4e éd.).
L. Febvre: Combats pour l'histoire, 1953.
Sur le structuralisme, un numéro complet des Annales, 1971, livraisons 3-4.
Sur l'école des Annales:
I. Schöffer: Nieuwe richtingen in het historisch onderzoek (Des orientations nouvelles dans la recherche historique), dans Tijdschrift voor Geschiedenis, LXXVII, 1964, p. 1-24.
M. Wüstemeyer: Die Annales, Grundsätze und Methoden ihrer ‘neuen Geschichtswissenschaft’, dans Vierteljahrschrift für Sozial und Wirtschaftsgeschichte, LIV, 1967, p. 1-45.
J. Glénisson: L'historiographie française contemporaine, dans 25 ans de Recherche historique en France 1940-1965, CNRS, 1965, I, p. IX-LXIV.
T. Stoianovich: French historical method: the ‘Annale’ paradigm, 1976.
Ouvrages caractéristiques dus à des membres des Annales (outre ceux qui ont déjà été signalés):
L. Febvre: Le problème de l'incroyance au XVIe siècle, 1942.
F. Braudel: La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, 1949.
R. Mandrou: Essai de psychologie historique (1500-1640), 1961.
J. Le Goff: La civilisation de l'Occident médiéval, 1964.
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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