courant. Ils me demandent au moins deux ans pour me remettre sur pied, et m'ont envoyé à Pau. Après deux mois, non seulement je n'en ai éprouvé aucun benefice, mais j'ai dépéri considérablement. Il est probable que devant cette expérience concluante, mon médecin d'ici, qui est un as et l'homme le plus humain, va m'envoyer ailleurs. Voilà le petit bulletin de santé, vieil ami. Depuis quatre à cinq mois, j'ai surtout vécu au lit, mais maintenant je ne le quitte plus. Je ne me décourage pas, pour si peu et continue à faire ce que je peux comme travail de l'esprit. Et de temps en temps je regarde si le point d'interrogation qui est devant moi se rapproche ou s'éloigne.
Vous me demandez si je ne me sens pas un peu isolé. Non. J'ai auprès de moi ma femme, ma chère vieille compagne, sans la présence perpétuelle et les soins et l'assistance de laquelle, je n'existerais plus depuis longtemps. Je n'ai pas plus de forces qu'un petit enfant.
Et puis comment se sentir isolé lorsqu' on reçoit des amis ces admirables lettres non seulement pleines d'affection mais de réconfort efficace et intelligent - et ces témoignages qui m'arrivent spontanément? Non, non, je me sens relié à vous tous aussi étroitement ici qu'ailleurs. (Mais le jour où je reprendrai le train du retour sera quand même un beau jour!)
[...] Il est midi et demi, j'attends que l'on me monte le plateau de mon déjeuner. Cela me fait un grand grand bien de causer un peu avec vous, qui connaissez les deux faces de la souffrance et nous avez montré comment il fallait la supporter. Je n'avais pour ainsi dire, jamais été malade de ma vie ou si peu. Et voilà deux ans que je poursuis un dur apprentissage (Il a commencé au temps de la mort de ma mère, dont c'est l'anniversaire dans dix jours, et ne s'est pas interrompu depuis.)
fermement, cher ami, d'un coeur encore chaud et toujours fidéle
LB
BNP.