De Gulden Passer. Jaargang 80
(2002)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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Praesim ut prosim: les livres de Guillaume-Philippe de Herzelles (1684-1744), abbé de Sainte-Gertrude á Louvain, évêque d'Anvers, et la vente Guillaume-Antoine-Joseph de Bezerra en 1750
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Guillaume-Philippe de Herzelles, ancien abbé de Sainte-Gertrude à Louvain. Ce document, reproduit en annexe, est conservé à Bruxelles aux Archives générales du Royaume et aux Archives de l'État à Namur, dans le fonds Corroy-le-Château.Ga naar voetnoot4 Pourquoi à Namur? Le château de Corroy-le-Château, propriété des marquis de Trazegnies, conservait de très riches archives familiales mais aussi celles des familles alliées. En 1793, ce fonds s'est enrichi des archives de la famille de Herzelles grâce au legs effectué par Christine-Philippine de Trazegnies, veuve d'Ambroise-Joseph, dernier marquis de Herzelles. | |||||||||||||||||||||||
1. Guillaume-Philippe de Herzelles, abbé de Sainte-Gertrude à Louvain.Guillaume-Philippe de Herzelles naquit à Nivelles le 22 janvier 1684, fils de Jean-Baptiste (1644-1689), capitaine des dragons au service de l'Espagne, et d'Anne-Marie van Couwenhoven, issue du patriciat de Louvain. Il naît dans une famille comptant plusieurs militaires et hauts fonctionnaires. Son oncle, prénommé Guillaume-Philippe (1642-1698) comme lui, devint échevin de Bruxelles puis conseiller de Brabant; il fut distingué par Charles II, qui le nomma au Conseil suprême des Pays-Bas à Madrid, ainsi que président du Grand Conseil de Malines, conseiller d'État et chancelier de Brabant; le Roi lui concéda la qualité de marquis de Herzelles en 1689. Ambroise-Joseph, marquis de Herzelles (1680-1759), frère aîné du futur évêque d'Anvers Guillaume-Philippe, était appelé à devenir un influent surintendant et directeur général des finances des Pays-Bas autrichiens. Quant à son frère puiné, Chrétien-Joseph (1682-1736), il fut officier dans les Gardes wallonnes, participa à la guerre de Succession d'Espagne, puis entra au service du roi de France, atteignant le grade de lieutenant-général.Ga naar voetnoot5 | |||||||||||||||||||||||
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Cadet de famille, Guillaume-Philippe fit ses humanités chez les jésuites, étudia la dialectique au collège de la Sainte-Trinité à Louvain, puis entra en 1701 à l'abbaye noble de Sainte-Gertrude, relevant de l'ordre de Saint-Augustin.Ga naar voetnoot6 Durant son noviciat, il suivit notamment les leçons de théologie de Jean-François de Le Loz de Buillemont, professeur de scolastique à l'université.Ga naar voetnoot7 Au sein de l'abbaye, il remplit les fonctions de proviseur puis de prieur, en 1716. Après le décès de l'abbé Alexandre de Pallant le 24 octobre 1720, il assuma la direction provisoire de la communauté. Il y eut trois élections pour régler la succession de l'abbé de Pallant. La première, le 28 octobre, dégagea trois candidats natifs de territoires étrangers aux Pays-Bas autrichiens; il furent tous trois évincés. Lors de la deuxième élection, le 28 novembre, les voix des chanoines se dispersèrent sur plusieurs candidats et il n'y eut pas de majorité tangible. La troisième, le 16 décembre, dégagea quatre candidats: le premier était M. de Baexem, le quatrième Guillaume-Philippe de Herzelles; les deux autres étaient des étrangers. L'empereur se prononça en faveur de Guillaume-Philippe de Herzelles. Celui-ci fut donc nommé abbé de Sainte-Gertrude en mars 1721 grâce à la faveur de Charles VI et grâce au soutien à Vienne du marquis de Rialp, et contre le premier candidat présenté par les chanoines réguliers et qui avait remporté l'élection. En conséquence, l'abbé de Herzelles rencontra une opposition immédiate de la part des chanoines réguliers, qui déclarèrent l'élection invalide et firent appel aux États de Brabant. Herzelles conserva cependant la direction provisoire de l'abbaye. Après une nouvelle intervention de Vienne, l'archevêque de Malines lui annonça sa nomination définitive et lui réclama le 31 décembre 1721 sa prestation de serment et son adhésion aux décrets pontificaux contre le jansénisme. La bénédiction abbatiale put avoir lieu le 25 janvier 1722.Ga naar voetnoot8 L'abbé de Herzelles portait les armes familiales, de gueules au chevron d'or, et adopta la devise Praesim ut prosim. Deux placards portant des poè- | |||||||||||||||||||||||
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mes de circonstance furent publiés à Louvain chez Pierre-Auguste Denique. Le premier, imprimé en 1721, porte deux poèmes en français sur deux colonnes et un poème en latin formant l'acrostiche de son nom: Guilielmus d'Herzelles.Ga naar voetnoot9 L'autre, imprimé en 1722 par le même Denique, porte un poème en latin sur deux colonnes.Ga naar voetnoot10 Comme abbé de Sainte-Gertrude, Herzelles était député de l'état ecclésiastique aux États de Brabant. Juste retour des choses, on sait qu'il appuya fortement une demande de subsides extraordinaires soumise aux États en 1738 par Charles VI, à qui il devait sa nomination.Ga naar voetnoot11 L'abbé de Herzelles fut également nommé conservateur des privilèges de l'Université en 1730 et à ce titre intervint dans plusieurs conflits portant sur les biens des collèges. Son abbatiat fut également marqué par un conflit avec l'archevêque de Malines, qui voulait appliquer son droit de visite à l'abbaye, droit que lui dénia Herzelles en 1726. Il s'ensuivit un procès au Conseil de Brabant et une nouvelle intervention de l'empereur, qui cette fois se prononça en faveur de l'archevêque de Malines. Un autre procès encore, en 1730, porta sur le pouvoir pastoral de l'abbaye face au Chapitre de Cambrai. Comme il est d'usage dans beaucoup de communautés religieuses, l'abbé disposait de sa bibliothèque particulière et des livres se trouvaient également dans les cellules des moines. La bibliothèque de Sainte-Gertrude avait été réorganisée au XVIe siècle par l'abbé Philippe de Hosden (1553-1569), qui avait donné aux livres des reliures uniformes, quelquefois enchaînées, décorées d'une plaque à l'effigie de sainte Gertrude et d'une plaque aux armes HosdenGa naar voetnoot12. Son successeur Louis d'Eynatten, abbé de 1607 à 1626, fit de même en commandant une plaque à ses armes, sur le même modèle mais à une époque où ce type de technique sans or était quelque peu passé de | |||||||||||||||||||||||
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mode. Les abbés Joseph-Geldolphe de Ryckel (1626-1642) et Maximilien de Leefdael (1664-1668) enrichirent eux aussi les collections. L'abbé de Ryckel, en particulier, avait également écrit et publié à ses frais une érudite vie de sainte Gertrude, à Bruxelles chez Godefridus Schovart en 1637: Historia S. Gertrudis Virginis primae Nivellensis abbatissae, dédiée au cardinal-infant Ferdinand. À la fin du xviie et au début du xviiie siècle, cependant, les abbés semblent avoir montré moins d'intérêt pour leurs livres, au point que la réorganisation de la bibliothèque figurait dans un projet de réforme de l'abbaye conçu dans les années 1760. La collection était ainsi décrite: ‘La Bibliothèque a présent très négligée sera remise en bon état et duëment entretenue; on y placera les livres de la maison, qui sont tels qu'on pourroit former une des belles bibliotheques du Païs; on travaillera à la completter comme on avoit commencé il y a vingt cinq ans; le Prieur et le bibliothécaire en auront la clé.’ Le gouverneur général Charles de Lorraine intervint en effet le 25 juin 1764 et pria l'abbé Louis-Ernest de Leefdael, successeur de Herzelles, de remettre de l'ordre dans la bibliothèque, comme on l'avait déjà tenté vingt-cinq ans auparavant, semble-t-il, sous l'abbatiat de Guillaume-Philippe de Herzelles.Ga naar voetnoot13 Après la suppression des communautés religieuses sous le régime français, les livres de Sainte-Gertrude furent en partie transférés à Bruxelles à l'école centrale du département de la Dyle, puis firent partie des collections de la bibliothèque de la ville de Bruxelles, acquise par l'État pour la Bibliothèque royale de Belgique. D'autres ne prirent pas ce chemin et entrèrent dans le circuit du marché du livre. C'est ce qui explique que les livres de Sainte-Gertrude se trouvent aujourd'hui à la fois dans les bibliothèques publiques et dans les collections privées.Ga naar voetnoot14 | |||||||||||||||||||||||
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2. Évêque d'AnversL'abbé Guillaume-Philippe de Herzelles fut pressenti à plusieurs reprises pour occuper un siège épiscopal dans les Pays-Bas autrichiens, celui de Namur en 1740, puis de Ruremonde en 1741 et celui de Bruges en 1742.Ga naar voetnoot15 À la suite du décès de l'évêque d'Anvers Charles d'Espinosa, le 31 juillet 1742,Ga naar voetnoot16 une procédure de nomination fut entamée. Guillaume-Philippe de Herzelles était le premier candidat du Chapitre d'Anvers et de l'évêque de Namur; son nom avait également été proposé par l'évêque de Tournai et le Chapitre de Bruges. Sa candidature fut proposée à l'impératrice Marie-Thérèse successivement par les États de Brabant, le Conseil privé, le Conseil d'État, le ministre plénipotentiaire Harrach et le Conseil suprême des Pays-Bas à Vienne. Les consultes et la correspondance rappellaient que l'évêché d'Anvers était un poste important au sein des États de Brabant, le deuxième après l'archevêque de Malines; la nomination était donc délicate et politique. Les documents officiels signalaient également que Herzelles était bien né, considéré comme un bon gestionnaire de son abbaye et l'on évoquait incidemment les services qu'il avait rendus à l'empereur comme abbé de Sainte-Gertrude et député aux États de Brabant, autant de facteurs qui sont intervenus dans les nominations d'autres évêques des Pays-Bas autrichiens sous Marie-Thérèse. En conséquence, Herzelles fut nommé évêque d'Anvers par l'impératrice en 1742 et sacré à Malines le 19 mai 1743 par le cardinal d'Alsace. Une publication de circonstance fut diffusée à cette occasion, un long poème en latin imprimé sur deux colonnes et en forme de placard.Ga naar voetnoot17 Herzelles se démit de sa charge abbatiale et le prieur de Sainte-Gertrude, Louis-Ernest de Leefdael, fut nommé abbé en lieu et place de Herzelles.Ga naar voetnoot18 | |||||||||||||||||||||||
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1. Illustrissimo ac reverendissimo domino D. Guilielmo Philippo ex marchionibus de Herzelles..., Antverpiae, haeredes viduae Petri Grangé, [1743], titre. KBR II 12.188 A no 9.
2. Illustrissimo ac reverendissimo domino D. Guilielmo Philippo ex marchionibus de Herzelles..., Antverpiae, haeredes viduae Petri Grangé, [1743], emblème 1. KBR II 12.188 A no 9.
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Les appartements de l'évêque furent préparés au palais épiscopal en attendant l'arrivée de Herzelles; celui-ci séjournait à Bruxelles avant de gagner Anvers et il assista notamment en compagnie de son frère à un dîner de gala chez le gouverneur général par intérim, le comte de Königsegg-Erps, à l'occasion de la fête de Marie-Thérèse.Ga naar voetnoot19 Ses biens mobiliers furent transportés à Anvers en plusieurs voyages, dont sa bibliothèque, réceptionnée par son secrétaire Petrus Wouters.Ga naar voetnoot20 L'entrée solennelle de l'évêque dans son diocèse eut lieu en juin 1743 et un nouveau poème de circonstance célébra l'événement.Ga naar voetnoot21 En outre, les élèves du collège des Augustins jouèrent une pièce en l'honneur de leur nouvel évêque: Mercure et des génies y annonçaient le décès de Charles d'Espinosa et célébraient la venue et les vertus de Guillaume-Philippe de Herzelles, le tout agrémenté de pièces de musique. Le texte a été édité par les héritiers de la Veuve Petrus Grangé; il se termine par un recueil composé de douze emblèmes gravés sur cuivre aux armes du nouvel évêque, de poèmes latins et de chronogrammes célébrant l'année 1743 (illus. 1, 2).Ga naar voetnoot22 Les capucins anversois célébrèrent également Herzelles en publiant chez la Veuve Hieronymus Verdussen un recueil similaire comprenant quatre emblèmes accompagnés de poèmes latins (illus. 3, 4, 5).Ga naar voetnoot23 Le genre emblématique a en effet été très pratiqué à Anvers et survit ainsi au xviiie siècle à l'occasion de pièces de circonstance.Ga naar voetnoot24 | |||||||||||||||||||||||
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3. Applausus emblematicus fratrum minorum ordinis sancti Francisci capucinorum... episcopo Guilielmo Philippo ex marchionibus de Herzelles..., Antverpiae, Vidua Hieronymi Verdussen [1743], titre. KBR II 12.188 A no 10.
4. Applausus emblematicus fratrum minorum ordinis sancti Francisci capucinorum... episcopo Guilielmo Philippo ex marchionibus de Herzelles..., Antverpiae, Vidua Hieronymi Verdussen [1743], armoiries Herzelles. KBR II 12.188 A no 10.
5. Applausus emblematicus fratrum minorum ordinis sancti Francisci capucinorum... episcopo Guilielmo Philippo ex marchionibus de Herzelles..., Antverpiae, Vidua Hieronymi Verdussen [1743], armoiries Herzelles et Renommée. KBR II 12.188 A no 10.
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Herzelles a acquis quelques livres à cette époque. Il s'est fourni à Bruxelles chez le libraire Charles De Vos, qui en mai 1743 lui a livré un missel relié en maroquin rouge, les actes du synode de Cambrai et la généalogie de la maison de Tour et Tassis de Flacchio; il a en outre fourni à l'évêque quatre reliures en veau fauve sur des ouvrages non précisés. Dans une vente publique (auctione) à Anvers en novembre, il acquiert quatre titres: la Praxis beneficiaria de Corradius, les Arrêts de Louet, le Ius ecclesiasticum de Van Espen et le De matrimonio de Sanchez. Un récipissé de Petrus Wouters du même mois mentionne l'achat de six autres livres: De simonia, De pensionibus ecclesiasticis, De peculiaritate et Repagulum de Van Espen, les Resolutiones de Bertrand Loth et le Repagulum canonicum de Jacques de Saint-Antoine.Ga naar voetnoot25 Tous ces livres sont bien mentionnés dans l'inventaire après décès. Herzelles n'occupa cependant le siège épiscopal que très peu de temps.Ga naar voetnoot26 Malade, il testa le 12 août 1744.Ga naar voetnoot27 Il léguait ses tapisseries et biens meubles à son frère, le marquis Ambroise-Joseph de Herzelles, à l'exception de quelques pièces léguées à des tiers: ses ornements épiscopaux à son successeur, un carosse et une paire de chevaux à l'abbé de Sainte-Gertrude, des candélabres en argent et des pièces d'argenterie à son secrétaire le chanoine Joseph Verroten, des pièces d'argenterie à son deuxième secrétaire Petrus Wouters et à son intendant Maximilien Hanraert, ainsi que des sommes en argent à ses domestiques. Il décéda peu de temps après, à Anvers, le 2 septembre 1744 et fut inhumé dans la cathédrale. Son portrait est reproduit en miniature dans un livre de confrérie conservé dans les archives cathédrales à Anvers; un autre est conservé à Sainte-Gertrude à Louvain.Ga naar voetnoot28 Un autre portrait gravé par Petrus Balthasar Boutats (1672-1756) sert de frontispice à l'oraison funèbre de l'évêque, prononcée par le pléban et chanoine de | |||||||||||||||||||||||
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Notre-Dame Jean-François Van Ey, un portrait très sobre, très dépouillé, sans ornement liturgique, ni bibliothèque à l'arrière-plan, ni même un livre à la main (illus. 6, 7).Ga naar voetnoot29 Son successeur fut l'évêque de Ruremonde, Joseph-Anselme-François Werbrouck, qui n'occupa lui-même le siège épiscopal que très peu de temps, étant décédé accidentellement. | |||||||||||||||||||||||
3. Les livres de Guillaume-Philippe de Herzelles3.1. Un inventaire après décès: 138 titresLe document énumérant les livres de l'évêque d'Anvers est un inventaire après décès réalisé à la demande du frère du défunt, le marquis Ambroise-Joseph de Herzelles, qui s'occupa de la succession et fit procéder à l'inventaire de tous les biens privés de l'évêque au palais épiscopal.Ga naar voetnoot30 Cet inventaire s'imposait pour deux raisons: d'une part en raison des modalités successorales habituelles, d'autre part car le nouvel abbé de Sainte-Gertrude et successeur de Herzelles, Louis-Ernest de Leefdael, prétendait que son prédécesseur était parti à Anvers en emportant des meubles, effets, papiers, crédits, obligations et d'autres documents appartenant à l'abbaye, et en laissant derrière lui quelques dettes.Ga naar voetnoot31 C'est ce qui explique la rédaction d'un inventaire en deux exemplaires, l'un destiné à la famille, l'autre à l'abbaye. Les feuillets 57 à 72 de cet inventaire s'intitulent Livres trouves en la bibliotheque et mis en ordre par le sieur Jean-Baptiste Verdussen libraire en la ville d'Anvers. Jean-Baptiste ii Verdussen (1665-1759) est bien connu sur la place d'Anvers. Descendant d'une prolifique lignée d'imprimeurs remontant à Hieronymus i à la fin du xvie siècle, Jean-Baptiste ii possède toujours des presses d'imprimerie et a également des activités de libraire importan- | |||||||||||||||||||||||
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6. Portrait de Guillaume de Herzelles par Bouttats, in: J.F. Van Ey, Oratio funebris... Guilielmi Philippi è marchionibus de Herzelles xiii. Antverpiensium episcopi..., Anvers, Veuve Jérôme Verdussen, 1744. KBR VH 25.095 C.
7. Page de titre de J.F. Van Ey, Oratio funebris... Guilielmi Philippi è marchionibus de Herzelles xiii. Antverpiensium episocopi..., Anvers, Veuve Jérôme Verdussen, 1744. KBR VH 25.095 C.
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tes.Ga naar voetnoot32 Le titre de l'inventaire est en français, car le document est destiné au marquis de Herzelles. Quant aux descriptions, elles sont généralement rédigées dans la langue de l'ouvrage décrit. Verdussen donne l'auteur, le titre, le lieu d'édition, la date, le format, le nombre de volumes et la condition de la reliure. Ces données ne sont toutefois pas systématiques et ont tendance à être moins nombreuses à la fin de l'inventaire. La bibliothèque se répartit en cinq genres, très inégalement représentés. La théologie occupe 72 titres sur 138 unités, soit 52,17% de l'ensemble de la bibliothèque. Le droit comprend 35 titres (25,36%), les sciences et arts 3 (2,17%), les belles-lettres 7 (5, 07%) et l'histoire 19 titres (13,76%). Il faut y ajouter 2 unités (1,44%) de varia, soit les deux derniers numéros de l'inventaire, réunissant des thèses et pièces de poésie, ainsi qu'un lot de 20 volumes dépareillés et décrits en bloc (gebroken boecken). L'ensemble représente au moins 250 volumes, ce qui n'est pas très important et range la collection parmi les petites bibliothèques, mais elles ne sont pas nécessairement les moins nombreuses à Anvers: on a calculé que 22% des ventes publiques entre 1750 et 1800 comprenaient de 100 à 200 lots.Ga naar voetnoot33 Les archives, en outre, ne révèlent aucun autre lieu de conservation et il semble bien que l'on se trouve en présence de toute la bibliothèque de Herzelles, non d'une partie. Malgré sa petite taille, il n'est pas inutile d'en donner un rapide aperçu, en dépassant parfois le cadre des catégories et en effectuant quelques rapprochements entre livres. | |||||||||||||||||||||||
3.2. Théologie et droit canon: foi et administration de l'ÉgliseLa théologie occupe pratiquement la moitié des rayons. Herzelles possédait trois bibles de grand format, in-folio. Une bible éditée de 1646 à 1657 à Anvers par Pieter Jacob Paets était en langue néerlandaise. Cette édition | |||||||||||||||||||||||
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était illustrée de gravures sur bois de Christophe van Sichem. Herzelles possédait également deux exemplaires d'une autre bible, en latin, imprimée à Louvain cette fois, en 1740, d'après la version de Jean-Baptiste Duhamel (1624-1706). L'imprimeur Martin Van Overbeke avait particulièrement soigné l'édition en la munissant de nombreux bandeaux et culs-de-lampe. Cette réédition de la Bible avait été commandée par le cardinal d'Alsace à une équipe de théologiens de Louvain comprenant Jean-Joseph Guyaux, André Henckhuysen et Henri Gabriel van Gameren.Ga naar voetnoot34 Il en existait un tirage courant et quelques exemplaires de luxe sur grand papier comprenant un portrait du dédicataire, l'archevêque de Malines, trois cartes et une centaine de vignettes reconstituant l'histoire sainte. Herzelles possédait un exemplaire du tirage courant (folio parvo) et un exemplaire de luxe (folio magno cum figuris). Aux côtés de ces ouvrages de grand format, Herzelles avait rangé un petit Abrégé de la Bible du bénédictin dom Robert Guerard (1641-1715), peut-être car celui-ci s'est tout particulièrement intéressé durant sa carrière à l'édition des oeuvres de saint Augustin. La bibliothèque inclut plusieurs livres liturgiques: missels, bréviaires, cérémoniaires destinés aux évêques, canons, pontificaux, heures ou offices, édités à Anvers chez les Moretus et les Verdussen, mais aussi dans des éditions parisiennes ou italiennes. D'autres ouvrages traitent de la signification des rites, de leur histoire et de leur exercice, dont un traité d'André Du Saussay (1589-1675), évêque de Toul, consacré aux ornements liturgiques des évêques. Pour les conciles, la bibliothèque se limite aux extrêmes chronologiques. Herzelles part de l'origine de la réforme catholique: il possède les actes du concile de Trente, décisif pour la contre-réforme dans les Pays-Bas espagnols. L'autre extrême est un ouvrage relatif au récent concile convoqué à la basilique du Latran par Benoît xiii à l'occasion de l'année jubilaire de 1725 et de la première année de son pontificat. Quant aux synodes, ils recouvrent une partie des Pays-Bas espagnols et autrichiens, ainsi que le diocèse de Liège. La bibliothèque renferme des éditions relatives aux synodes de Cambrai (1565), d'Ypres (1609), Gand (1613), ainsi qu'Anvers, Malines, Liège et Bois-le-Duc. Le Père de l'Église dominant dans la bibliothèque est saint Augustin, dont Herzelles possède les oeuvres complètes éditées par les bénédictins de Saint-Maur en 1689, ainsi qu'une édition des Méditations en néerlandais et | |||||||||||||||||||||||
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la règle de l'ordre éditée par le Père Antoine Cloche. Ces ouvrages sont à mettre en relation avec la carrière de Herzelles à Sainte-Gertrude. Un théologien médiéval, Hugues de Saint-Victor, né près d'Ypres et mort en 1141 à Paris, figure dans la bibliothèque par le biais de ses oeuvres complètes, dans une édition de Rouen de 1648. Parmi les traités de théologie modernes, on distinguera Jean Polman, un chanoine de Cambrai du xviie siècle, né à Tubize, qui dans son Breviarium theologicum donne les définitions et explications nécessaires au théologien et au bon pasteur; une nouvelle édition est donnée par le Père Marcelin Chéry. La Theologia de Charles-Ghislain Daelman (1670-1730) est un cours de théologie fournissant notamment des commentaires sur saint Thomas d'Aquin. Herzelles en possède deux éditions dans deux formats différents; la présence de ces deux livres est très probablement le résultat de contacts personnels avec Daelman, qui résidait à Louvain comme chanoine de Saint-Pierre, président du collège du Pape et recteur de l'université. C'est dans une perspective pastorale que Jean-Henri Manigard (1615-1682), curé de Saint-Remy à Liège et aumônier du prince-évêque, traite des sept sacrements et des péchés. Un des sacrements, l'eucharistie, est étudié par Tommaso Tamburini (1591-1675) dans son De sacrificio missae, ainsi que par le cardinal Bona (1609-1674) dans son De sacrificio missae tractatus asceticus. Léonard Lessius (1554-1623) étudie quant à lui les vertus cardinales et en particulier la Justice. Le dominicain Louis-Bertrand Loth (†1652) publie ses Resolutiones theologicae à Douai en 1653 mais l'ouvrage développe des thèses de théologie morale quelque peu audacieuses et il est prohibé. Une version corrigée paraît à Bruges en 1687: c'est celle que possède Herzelles. La théologie morale et les problèmes de conscience sont traités par Martino Bonacina (†1631) dans Operum de morali theologia, dont il existe plusieurs éditions tout au long du xviie siècle. Depuis sa publication en 1715, le Dictionnaire des cas de conscience de Jean Pontas (1638-1728) figurait dans la plupart des bibliothèques des ecclésiastiques au xviiie siècle car il était l'ouvrage le plus complet en matière de casuistique. Herzelles semble avoir porté une attention particulière aux écrits du Père Godeau, évêque de Vence; il lisait sa Morale chrétienne, destinée aux titulaires des paroisses, ainsi que ses Lettres sur divers sujets, ses Discours sur les ordres sacrez, ses Prières chrétiennes et ses Instructions et prières chrétiennes. On relève un même intérêt pour le cardinal Bona, dont Herzelles possède, outre son traité sur la messe, deux éditions des principes de la vie chrétienne. La pratique de la morale chrétienne s'est également développée dans différents ouvrages de | |||||||||||||||||||||||
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piété évoquant des modèles destinés à l'édification des fidèles. Jean-Pierre Camus (1582-1653) publie L'Esprit de Saint François de Sales, qu'il a personnellement connu. Une Vie de Sainte Anne de Barthélemy, compagne de Thérèse de Jésus, a été rééditée à Bruxelles en 1703. Plus surprenant, peutêtre, la présence de l'Avis d'une mère à son fils, et à sa fille d'Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles, marquise de Lambert (1647-1733); l'ouvrage est récent, paru en 1726, et donne un aspect exceptionnellement mondain aux lectures de Herzelles, qui ne paraît pas avoir été un abbé ni un évêque de cour, bien que d'origine noble. La bibliothèque laisse peu de place aux polémiques, mais elle recueille cependant quelques échos du jansénisme, un mouvement que Herzelles a personnellement connu au début de sa carrière. Herzelles connaît Antoine Arnauld (1612-1694) et Pierre Nicole (1625-1695), auteurs d'un traité sur la perpétuité de la foi. Il possède également le Venin des 101 propositions tirées des réflexions morales du Père Quesnel sur chaque verset du Nouveau Testament, qui constitue une réponse aux propositions jansénistes développées par l'oratorien Pasquier Quesnel (1634-1719) dans son Nouveau Testament en français, avec des réflexions morales sur chaque verset (1693-1694). Ces cent une propositions des Réflexions morales furent condamnées en 1713 par Clément xi dans la bulle Unigenitus. Mais Herzelles ne possède que la réponse; apparemment aucun livre du Père Quesnel ne figure parmi ses lectures. Un autre ouvrage polémique, célèbre et lié au jansénisme, figure dans la bibliothèque, les Lettres provinciales. Herzelles s'est peu intéressé aux remous de l'Église gallicane par le biais des oeuvres de Bossuet, ni au problème du quiétisme et à d'autres polémiques. On chercherait également en vain des livres sur les cultes protestants. Quant à l'Orient, ce ne sont pas les liturgies chrétiennes qui ont retenu son attention, mais le Coran édité par Du Ryer, unique ouvrage sortant de la foi chrétienne et de l'Église catholique. Le livre, il est vrai, est rapidement devenu un succès de librairie et c'est probablement une des rares occasions pour notre abbé et évêque de sacrifier à un effet de mode. Les ouvrages de théologie de Herzelles traduisent un relatif vieillissement de ses lectures et on n'y relève pratiquement aucun théologien moderne. C'est après 1730, il est vrai, que la faculté de théologie de Louvain produira de nouvelles générations de théologiens.Ga naar voetnoot35 | |||||||||||||||||||||||
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Toute la rubrique juridique s'articule autour de traités de droit canon ou d'ouvrages abordant des points particuliers intéressant l'Église. La bibliothèque accueille le volumineux corps de droit canon de Jean-Pierre Gibert (1660-1736), dans une édition de Cologne de 1735, mais en revanche aucun corpus iuris civilis, son correspondant logique. Jean de Chokier (1571-1656), chanoine de Saint-Lambert à Liège et vicaire-général du diocèse, a publié des Commentaria in regulas Cancellariae apostolicae, sive in glossemata Alphonsi Sotto glossatoris nuncupati; son frère Erasmus Chokier (1569-1625) est l'auteur d'un Tractatus de juridictione ordinarii in exemptos, deque illorum exemptione ab ordinaria juridictione, un recueil de cas relevant du droit civil. Un traité d'Arnold Corvinus van Beldern, Jus canonicum, étudie lui aussi les matières canoniques mais par aphorismes et les éditions se présentent dans un petit format; son succès doit également beaucoup à la personnalité de ce professeur de droit à l'université de Mayence qui, né protestant, s'est converti à la religion catholique. Le casuiste Thomas Sanchez (1550-1610) traite de tous les péchés commis par l'homme et la femme en état de mariage dans son De matrimonio publié en 1592 et dont Herzelles possède une édition d'Anvers, 1614. Ce traité a dépassé le cercle restreint des casuistes en raison de l'abondance de la matière traitée par Sanchez et de ses nombreux exemples. L'intérêt pour le droit provient notamment des procès auxquels Herzelles dut faire face, relatifs au droit d'exemption, notamment, comme abbé et comme évêque. Usant de son droit de patronnat, il avait procédé à des nominations aux cures de Tielt-Notre-Dame, Langdorp, Ottenburg, Betekom et Aerschot.Ga naar voetnoot36 Franciscus de Fargna traite du droit de patronnat, précisément, dans son De iure patronatus. L'ouvrage sur les paroisses et les oeuvres complètes du chanoine d'Anvers Frans van der Zype ou Zypaeus (1580-1650) figurent également dans la bibliothèque.Ga naar voetnoot37 Le traité de l'avocat Mathieu Mareschal (†1703) sur le droit des seigneurs dans les églises traite du droit de patronnat; il contient en outre un traité sur les dîmes par Denis Simon ainsi qu'un recueil de sentences du Conseil de Brabant sur ces matières composé par Jean-Baptiste Christyn. On en rapprochera un ouvrage de François-Ignace Dunod de Charnage (1679-1752), Traité de l'aliénation & | |||||||||||||||||||||||
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de la prescription des biens de l'Eglise, de la dixme et comment elle se prescrit, Dijon, 1730: il s'agit là d'un ouvrage périphérique dans l'oeuvre de ce magistrat de Besançon, qui a surtout travaillé sur la coutume de Franche-Comté. Les prérogatives des évêques ont également retenu l'attention de Herzelles, par le biais du jésuite Jean Bagot (1580-1664) et de sa Défense du droit épiscopal et de la liberté des fidèles touchant les messes et les confessions d'obligation, contre l'écrit d'un certain docteur anonyme, une oeuvre de polémique et de circonstance qui répond à un traité de Rousse, curé de Saint-Roch à Paris, intitulé De l'obligation des Fidelles de se congfesser à leur curé, suivant le chapitre 21 du concile général de Latran, publié en 1655. La bibliothèque, surtout, accueille les oeuvres très controversées du canoniste janséniste Zeger-Bernard Van Espen (1646-1728): son grand traité de droit canon édité à Louvain en 1700, ses écrits sur le recours au prince parus en 1725, sur les droits des évêques, les revenus ecclésiastiques, la simonie, l'administration des sacrements et la messe, ainsi que sur la censure ecclésiastique.Ga naar voetnoot38 D'autres ouvrages rappellent les polémiques survenues à Louvain à la fin du xviie et au début du xviiie siècle, au moment où Herzelles accomplissait son noviciat: le Certamen ecclesiasticum de Pierre Govaerts (1644-1726)Ga naar voetnoot39 et le Pastor primitivus de Nicolas Richard, curé de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, qui avait critiqué Van Espen et sa Dissertatio canonica de pristinis altarium (1711) en publiant un Jus pastorum titularium et ecclesiarum parochialium en 1716. De même, le Repagulum canonicum (1689) du carme Jacques de Saint-Antoine constitue une réponse directe au Repagulum de Van Espen.Ga naar voetnoot40 Mais Herzelles achète ces ouvrages très tard, en 1743, chez le libraire De Vos à Bruxelles, ce qui témoigne du poids des polémiques jansénistes chez ceux qui les ont vécues. Enfin, une édition des Privilegia Academiae Lovaniensis, Louvain, 1728, rappelle sa fonction de conservateur des privilèges de l'université. Les livres juridiques laissent peu de place au droit naturel, international, civil et criminel. Cet évêque d'Anvers possède cependant une édition des Rechten en costumen van Antwerpen, éditée par Plantin en 1582. Membre | |||||||||||||||||||||||
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actif des États de Brabant pendant son abbatiat, Herzelles s'est intéressé au droit brabançon. Il avait acquis les oeuvres complètes du juriste Antoine Anselmo (1589-1668) et les Decisiones curiae Brabantiae de Pierre Stockmans (1608-1671). Quant au droit civil français, son influence a dépassé les frontières car il traitait de matières liées à l'Église. On s'explique ainsi la présence des arrêts du Parlement de Paris publiés par Georges Louet (1540-1608) et enrichies par Julien Brodeau (†1653), d'un commentaire des coutumes de Paris et des oeuvres complètes d'un des meilleurs spécialistes du droit coutumier français, Charles Du Moulin (1500-1566), dans une édition de Paris de 1648. | |||||||||||||||||||||||
3.3. Sciences, arts et lettres: nihilAlors que les sciences et arts connaissent un développement important au sein des bibliothèques privées au xviiie siècle, surtout dans la seconde moitié, ce domaine du savoir est pratiquement inexistant dans la bibliothèque de Herzelles. Il n'est représenté que par un ancien traité de trigonométrie d'Adrien Vlacq, par des Règles sur la santé, autrement dit un recueil synthétisant un savoir médical pratique, et par un livre de philosophie morale à forte portée littéraire, l'Esprit de Sénèque ou les plus belles pensées de ce grand philosophe, publié par Puget de la Serre. Des ouvrages du siècle précédent, donc, vieillis, qui dans le cas des règles sur la santé témoignent d'un savoir médical pratique, et dans le cas de Puget de La Serre d'une culture quelque peu mondaine et passée de mode au début du siècle des Lumières, mais Sénèque a longtemps eu une réputation de chrétien. Herzelles ne se rapproche un peu du monde qu'en acquérant une édition du Nederlandsche negociant, car un évêque d'origine noble a un rang social à tenir, un train de vie à mener, et délaisse parfois les lettres pastorales au profit des lettres de change. Les belles-lettres, elles aussi, sont pratiquement absentes. Elles ne contiennent aucune oeuvre littéraire, même des recueils de poésie chrétienne, et se résument à des ouvrages de philologie nécessaires à la compréhension des langues, autrement dit à des dictionnaires: le dictionnaire français-latin de Pierre Danet (†1709) et son correspondant le Dictionarium latinogallicum du même, le dictionnaire de la langue française d'Antoine Furetières (1620-1688), le Grand dictionnaire françois et flamand publié à Bruxelles en 1739 d'après Richelet (1631-1698) et le Woordenboek der | |||||||||||||||||||||||
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nederduitsche en fransche taalen de 1729 par Franciscus Halma (1653-1722). Dans les instruments de travail que constituent les dictionnaires de Richelet et Halma, on peut percevoir les origines wallonnes et francophones de Herzelles, qui a accompli toute sa carrière ecclésiastique en pays flamand. En outre, français, néerlandais et latin semblent les trois langues pratiquées par le prélat dans ses lectures, car la bibliothèque ne contient aucun ouvrage dans une autre langue: rien en italien, en espagnol, en allemand ou en anglais, pas même un ouvrage ancien hérité d'une bibliothèque antérieure au fil des générations, et aucun texte en grec. Le dictionnaire de Trévoux, enfin, conçu par le Père Etienne Souciet (1671-1744), occupe une place particulière car ses ambitions universelles et encyclopédiques vont bien audelà d'un simple instrument philologique. Herzelles en possède la troisième édition, celle de 1732; la quatrième paraît en 1740, de son vivant, mais il ne semble pas vouloir rafraîchir sa bibliothèque en acquérant des éditions mises à jour. | |||||||||||||||||||||||
3.4. L'histoire: origines nobiliaires et carrièreL'histoire est une matière généralement très riche et très diversifiée dans les bibliothèques privées. Sa composition est ici très particulière. Elle ne comprend aucun ouvrage de géographie, aucun atlas, aucun récit de voyage, comme si le propriétaire de la bibliothèque ne se situait pas dans le monde. La bibliothèque accueille en revanche quelques grands ouvrages de topographie publiés dans les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies, qui constituent comme des substituts aux recueils de cartes géographiques. Les livres de topographie associent en effet la géographie et l'histoire, un texte à des cartes et des planches. Herzelles n'a toutefois pas reconstitué la géographie et l'histoire de nos régions en remontant jusqu'à la Descrittione di tutti i Paesi bassi de Guicciardini, dont il ne possède aucune édition, même une réédition tardive du xviie siècle, alors que l'ouvrage est récurrent dans les bibliothèques privées. Il se concentre essentiellement sur le duché de Brabant et en particulier sur la ville de Louvain et l'abbaye de Sainte-Gertrude, par le biais des textes mais aussi de l'illustration.Ga naar voetnoot41 Herzelles possédait de grands classiques de la topographie, dont les Antiquitates illustrissimi ducatus Brabantiae de Jean-Baptiste Gramaye dans | |||||||||||||||||||||||
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8. Abbaye de Sainte-Gertrude (détail), in: A. Sanderus, Chorographia sacra Brabantiae. La Haye, 1727; ou Grand théâtre sacré du duché de Brabant, La Haye, 1729. KBR VH 27.226 C RP.
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9. Abbaye de Sainte-Gertrude (détail), in: A. Sanderus, Chorographia sacra Brabantiae. La Haye, 1727; ou Grand théâtre sacré du duché de Brabant, La Haye, 1729. Détail, dédicace à Herzelles. KBR VH 27.226 C RP.
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la réédition de Louvain en 1708. Une planche de la Chorographia sacra Brabantiae de Sanderus, rééditée à La Haye en 1726, représente l'abbaye, à vol d'oiseau. Signée R. Bokhuizen, la gravure est en outre dédiée à l'abbé en fonction au moment de la réédition, Guillaume-Philippe de Herzelles, dont elle porte les armoiries (illus. 8, 9).Ga naar voetnoot42 La même planche figure dans le Grand Théâtre sacré du duché de Brabant (La Haye, 1729), qui décrit les communautés religieuses brabançonnes. Issu d'une famille du Brabant wallon, Herzelles en possédait l'édition française et non la version en langue néerlandaise, le Groot kerkelijk toneel.Ga naar voetnoot43 Herzelles fait de même pour l'autre partie de cette oeuvre: il acquiert le Grand théâtre profane de Brabant (La Haye, 1730). Herzelles ne s'éloigne finalement du Brabant que par le biais de la Flandria illustrata (La Haye, 1735) de Sanderus. On y rattachera aussi la Notitia marchionatus Sacri Romani Imperii (Amsterdam, 1678), du baron Le Roy (1633-1719), qui décrit le marquisat d'Anvers. Herzelles ne paraît pas s'être intéressé au Hainaut, au Namurois, au Luxembourg ni à la principauté de Liège, dont l'histoire et la géographie ne sont pas représentés dans la bibliothèque. Pour les traités spécifiquement historiques, Herzelles se concentre également sur le duché de Brabant, comme en témoignent les Annales ducum Brabantiae (Anvers, 1623) de Franciscus Haraeus et le traité de Jean-Nicolas de Parival sur la ville de Louvain, publié en 1667. Quant aux oeuvres diplomatiques de Miraeus, elles ont été rééditées à Louvain en 1723 par Gilles Denique et l'ouvrage est lui aussi entré dans la bibliothèque. Un autre pôle de la rubrique histoire est l'histoire ecclésiastique, qui vient renforcer l'intérêt de Herzelles pour la théologie, le droit canon et d'autres matières liées à son état et à sa biographie personnelle. L'Historia episcopatuum Foederati Belgii de Van Heussen retrace l'histoire des évêchés dans les Provinces-Unies. Jean-François Foppens, quant à lui, a reconstitué l'histoire des évêques d'Anvers, prédécesseurs de Herzelles, dans son Historia episcopatus Antverpiensis, publiée à Bruxelles en 1717. Dom Augustin Calmet (1672-1757) publie en 1718 une Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament et des Juifs servant d'introduction à l'Histoire ecclésiastique de l'abbé Fleury, mais Herzelles ne possède pas l'Histoire ecclésiastique de celui-ci. Enfin, on trouve une autre trace de dédicace dans la Vénérable histoire du très-saint sacrement de Miracle, Bruxelles, 1735: l'ouvrage est dédié aux États de Brabant, dont Herzelles était membre comme abbé de | |||||||||||||||||||||||
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Sainte-Gertrude puis comme évêque d'Anvers. On en rapprochera une luxueuse Histoire du Vieux et du Nouveau Testament de David Martin éditée en 1700 et illustrées de vignettes retraçant l'histoire sainte. Enfin, pour le grand traité illustré d'emblèmes commémorant le centenaire de la société des jésuites, publié en 1640 chez les Moretus, Herzelles en possède l'édition en néerlandais, Af-Beeldinghe van d'Eerste Eeuwe der Societeyt Iesu, alors qu'il en existe aussi une édition latine parue la même année. La rubrique histoire contient quelques ouvrages généalogiques et héraldiques. Ce type d'ouvrage entre généralement en force dans les bibliothèques formées par des membres de la noblesse, plus que chez des membres de la bourgeoisie, car ils permettent de se situer socialement dans le monde et de reconstituer les liens établis avec les autres familles et les institutions civiles et ecclésiastiques des Pays-Bas espagnols et autrichiens. Les marques d'honneur et de noblesse accordées aux Herzelles et les familles avec lesquelles ils avaient fait des alliances sont en effet citées dans différents ouvrages: Le Théâtre de la noblesse du Brabant (Liège, 1705) de Jean Le Roux donne les généalogies de familles nobles brabançonnes mais aussi leurs alliances. L'auteur, roi d'armes du comté de Flandre, a également publié à Lille en 1708 un Théâtre de la noblesse de Flandre & d'Artois, qui ne figure pas dans la bibliothèque, car Herzelles semble reconstituer les origines et alliances de sa famille uniquement, en Brabant. Enfin, un traité de Jean-Baptiste Maurice sur la Toison d'Or (La Haye, 1665) et une luxueuse généalogie de la maison de Tour et Tassis (Bruxelles, 1709) de Flacchio fournissent également des précisions généalogiques sur les maisons des Pays-Bas. L'histoire repose ainsi sur trois piliers: l'histoire ecclésiastique, les livres d'histoire régionale et de topographie, et les traités relatifs à la noblesse. Herzelles a exclu de ses lectures toute autre considération, comme la géographie, les voyages, l'histoire littéraire, l'histoire étrangère. Le seul ouvrage faisant allusion à un pays proche est lié à l'histoire politique des Provinces-Unies au xviie siècle: les Mémoires de Jean de Wit, grand pensionnaire de Hollande, publiés à La Haye en 1709. Le livre est devenu un succès de librairie au début du siècle. | |||||||||||||||||||||||
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3.5. Veau brun, veau fauveQuant à la présentation matérielle de la bibliothèque, elle est très simple. Verdussen décrit quelquefois les reliures, surtout dans la première moitié de l'inventaire, même s'il donne peu d'éléments. Les livres reliés en maroquin, au nombre de 8, sont minoritaires: il s'agit de livres de liturgie, de bibles ou de traités de dévotion, ainsi que les oeuvres de saint Augustin et un traité sur la messe du cardinal Bona habillés de maroquin rouge ou noir (corio tursico rubro, corio hispanico nigro, en maroquin rouge). Le fait de voir apparaître des livres liturgiques habillés de maroquin n'est pas à mettre nécessairement en liaison avec une pratique bibliophilique. Il existe à l'époque tout un commerce de livres liturgiques, de missels, de bréviaires et livres d'heures, et ceux-ci se présentent souvent dans des reliures en maroquin, plus luxueuses que d'autres types de livre, même chez les particuliers ne possédant pas de bibliothèque mais quelques livres seulement, en raison de la valeur affective portée à ce type d'ouvrage et de sa longue durée d'usage, au point de les voir cités dans les testaments.Ga naar voetnoot44 Les oeuvres de saint Augustin et de Giovanni Bona ont tendance à renforcer cette idée que chez Herzelles le maroquin habillait par préférence des ouvrages liés à la pratique de la foi, sans plus. Le reste de la bibliothèque est en veau (16 livres, en veau) et plus rarement en parchemin (un livre, in pergameno). Les mentions de ligatura gallica ou Franschen band évoquent très probablement des reliures en veau, dos à cinq nerfs orné et doré, soit un modèle de reliure très répandu (24 livres). Certaines reliures sont qualifiées de ouden band, vielle ligature ou antiqua ligatura, car l'ouvrage est ancien et a été acquis relié par Herzelles, vraisemblablement en veau ou en parchemin (18 livres). Enfin, pour 71 titres, Verdussen ne donne aucune indication, mais il s'agit probablement de reliures courantes en veau ou en parchemin. Herzelles n'a donc pas donné de reliure particulière à ses ouvrages et lorsqu'il effectue une commande de quatre reliures chez Charles De Vos à Bruxelles, il s'agit de simple veau fauve. D'autres ecclésiastiques anversois, en revanche, ont montré un intérêt marqué pour les travaux de reliure. On se contentera de rappeler ici le souvenir du chanoine de Cano, qui a habillé ses livres de luxueu- | |||||||||||||||||||||||
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ses reliures en maroquin et en veau portant de grands décors dorés sur les plats, à la roulette et aux petits fers, et qui n'hésitait pas à faire appel à des relieurs extérieurs à Anvers, dont Jacques-Thomas Deflinne à Tournai.Ga naar voetnoot45 Au contraire de certains de ses prédécesseurs et successeurs à l'abbaye de Sainte-Gertrude et à l'évêché d'Anvers, Guillaume-Philippe de Herzelles ne paraît pas avoir fait usage d'une plaque de reliure ni d'un ex-libris gravé à ses armes ou à son nom, au contraire de ses successeurs Dominique Gentis, Van Gameren, Wellens et Nélis. On pourrait faire observer qu'il n'en eut matériellement pas le temps en raison de la brièveté de son épiscopat, mais les archives ont cependant conservé un compte du graveur Bouttats, payé pour avoir gravé les armes du xiiie évêque d'Anvers sur des couverts.Ga naar voetnoot46 Herzelles n'était donc pas un bibliophile, malgré le fait qu'il ait disposé d'une bibliothèque. En témoignent l'absence d'ex-libris et de plaque de reliure, la nature relativement commune des reliures, le nombre peu élevé de livres, l'absence de manuscrits et d'incunables, de livres précieux à gravures, d'ouvrages rares, et surtout la nature éminemment professionnelle de la bibliothèque, tournée vers les matières techniques, c'est-à-dire théologiques et canoniques. Ce petit ensemble de livres, finalement, constitue comme un résumé de la biographie de Herzelles. On y trouve un noyau central et personnel, constitué de quelques traités généalogiques et héraldiques rappelant les origines sociales de leur propriétaire. On y découvre de rares éléments plus privés, comme des règles sur la santé et un traité de trigonométrie, peut-être un reste de son éducation. Mais, ensuite, toute la bibliothèque s'articule sur le Brabant et le marquisat d'Anvers, autrement dit sur sa carrière: saine administration d'une abbaye et d'un diocèse, droits des évêques, activités pastorales, rapports entre l'Église et l'État. Ses livres expriment aussi sa dévotion personnelle et la pratique de la morale chrétienne, le tout traduisant sans ambiguïté une orthodoxie catholique sans faille, dont Herzelles ne s'éloigne jamais, même si on décèle quelques échos du jansénisme ou quelques polémiques datant de la fin du xviie et du début du xviiie siècle. Ce relatif détachement du monde, du moins quand il n'est pas question des droits et biens de l'Église, se traduit notamment par l'absence de périodiques littéraires et de journaux, d'atlas et de récits de voyages, de tout ouvrage scientifique récent, de toute oeuvre littéraire ancienne ou moderne, même chrétienne | |||||||||||||||||||||||
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comme l'art poétique de Vida, de recueils de sermons de Massillon ou Bourdaloue. Cette orthodoxie est à ce point marquée qu'il ne s'intéresse pas aux écrits de Bossuet ou de Louis de Maimbourg sur les protestants. Ce détachement s'explique probablement par la carrière d'abbé augustin de Herzelles avant son accession à l'épiscopat. | |||||||||||||||||||||||
4. La vente Guillaume-Antoine-Joseph de Bezerra à Anvers en 1750Dans les dispositions testamentaires de Guillaume-Philippe de Herzelles, une clause explicite concerne la bibliothèque: elle est léguée au chanoine Antoine-Joseph de Bezerra. Originaire de Bruxelles, licencié en droit, de Bezerra devint successivement chanoine de l'église Saint-Jacques à Anvers en 1717 puis chanoine gradué de la cathédrale Notre-Dame en 1720, garde des sceaux du Chapitre, protonotaire apostolique et official du diocèse. Il exerçait également la fonction de censeur des livres. De Bezerra utilisait deux ex-libris à ses armes, un de petit format (77 × 60 mm), sans signature de graveur, l'autre de grand module (152 × 100 mm) gravé par Petrus-Balthasar Bouttats.Ga naar voetnoot47 En outre, il apposait son ex-libris manuscrit, les initiales de ses prénoms et son nom élégamment calligraphiés, sur le premier feuillet de garde. Le chanoine de Bezerra décéda à Anvers le 29 janvier 1750 et sa bibliothèque fut vendue aux enchères le 9 mars suivant (illus. 10).Ga naar voetnoot48 Le catalogue fut dressé par les soins du libraire Joannes Grangé (1720-1794). Cet impri- | |||||||||||||||||||||||
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10. Catalogus librorum... bibliothecae... Guilielmi Antonii Josephi de Bezerra..., Anverpiae, apud Joannem Grangé, (1750), page de titre.
KBR VI 87.084 A 373 | |||||||||||||||||||||||
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meur et libraire a joué un rôle très important sur la place d'Anvers dans la seconde moitié du xviiie siècle, comme imprimeur, libraire et en particulier comme organisateur de ventes publiques: entre 1750 et 1791, il imprime pas moins de 66 catalogues.Ga naar voetnoot49 Le catalogue de la vente de Bezzera comporte 505 lots. Une comparaison entre l'inventaire manuscrit de la bibliothèque de Herzelles et le catalogue de vente de la collection de Bezerra s'impose: elle révèle que pratiquement tous les livres de l'évêque d'Anvers, soit 131 titres sur 138, figurent bien dans la collection vendue en 1750 et que le legs a effectivement été appliqué. Nous n'avons cependant pas retrouvé chez de Bezerra les numéros 13, 14, 48, 49, 94, 127 et 131 mentionnés dans l'inventaire Herzelles et qui ont peut-être été égarés, donnés, prêtés et non restitués au chanoine. Le catalogue de vente compte ainsi un quart de lots (25,94%) qui sont pollués par la présence de livres provenant de l'évêque de Herzelles: ces livres sont donc le résultat d'un legs et non d'un choix personnel du chanoine de Bezzera. Ce chiffre est en réalité plus faible. Le catalogue de vente comporte souvent plusieurs titres par lot, ce qui porte le nombre de titres dans la collection de Bezerra à 717, sauf erreur. La proportion de titres hérités de Herzelles représente encore près d'un cinquième de la bibliothèque, soit 18,27%. C'est ce legs qui explique, parfois, la présence de deux exemplaires de la même édition dans la bibliothèque du chanoine de Bezzera, car il a bien évidemment acquis certains livres avant qu'il n'hérite de la bibliothèque de Herzelles. Il possédait par exemple deux exemplaires de la Notitia du baron Jacques Le Roy consacrée au marquisat d'Anvers et publiée en 1678: un exemplaire acquis par lui et un second hérité de Herzelles. On découvre également dans le catalogue de vente deux exemplaires du De recursu ad principem de Van Espen. Pour les Decisiones curiae Brabantiae de Petrus Stockmans, le chanoine de Bezerra possédait même trois exemplaires de la même édition, dont un provenant de Herzelles. Dans d'autres cas, les éditions sont différentes mais se complètent. De Bezerra avait acquis une édition de 1737 de l'Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament de Calmet | |||||||||||||||||||||||
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puis hérité d'une édition de 1719 du même ouvrage; cela ne témoigne donc pas chez de Bezerra d'une volonté de réactualiser sa bibliothèque et ses lectures, en acquérant une édition de 1719 puis une version plus moderne: il s'agit tout simplement de la conséquence d'un legs et d'un effet du hasard. Le catalogue de vente de Bezerra apporte quelquefois des données qui manquent dans l'inventaire manuscrit de la collection de Herzelles: certains noms d'auteur, quelques lieux et dates d'édition, ou quelques précisions concernant la reliure. Pour les numéros 7, 11 et 76 de l'inventaire manuscrit, Verdussen signalait du maroquin rouge; Grangé précise: ‘doré sur tranche & sur le plat’. En fait, Grangé ne décrit que les reliures remarquables, celles en maroquin, car ces livres sont en meilleure condition et appellent des enchères plus élevées. Les reliures en veau, en basane ou en parchemin ne sont pas décrites car il s'agit de la présentation la plus courante et ces mentions sont donc implicites. Souvent, c'est l'inventaire Herzelles qui apporte des précisions sur les livres du chanoine de Bezerra, ce qui est le cas pour les reliures en veau et en parchemin, décrites par Verdussen et omises par Grangé. En effet, l'important pour un libraire est de vendre et d'établir un catalogue de vente en comprimant les frais d'impression. Grangé, ou du moins son prote, a donc adopté certaines pratiques typographiques et de mise en page particulières afin de gagner de la place, comme des marges minimales; de même, la première ligne du texte suit immédiatement la pagination imprimée en tête de page. Même si ces pratiques ne sont pas systématiques, certaines données sont omises afin d'éviter des blancs inutiles. Pour le lot 42 page 3, un ouvrage de Lessius, Grangé mentionne le lieu d'impression, Anvers, mais pas la date, car le compositeur arrive en bout de ligne et aurait du reporter la date d'édition au début de la ligne suivante, créant un blanc superflu. L'inventaire Herzelles nous apprend qu'il s'agit d'une édition de 1621. Il en est de même pour d'autres lots. Pour un ouvrage du général des chartreux Innocent Le Masson, Grangé se contente de mentionner un Enchiridion Salutis operandae. Dans l'inventaire manuscrit, Verdussen précise le format et la date, ce qui permet d'identifier l'édition de 1700 et d'éliminer toutes les autres. Les exemples de ce type sont assez nombreux. Enfin, pour certains ouvrages, ni l'inventaire Herzelles ni le catalogue de vente de Bezerra ne donnent d'indication d'édition, par exemple pour les livres d'Antoine Godeau et d'autres auteurs qui connurent de nombreuses éditions dès le xviie siècle. Les ex-libris aux armes de Bezerra permettent aujourd'hui de retrouver des livres portant cette provenance, et indirectement ceux de Herzelles. Un | |||||||||||||||||||||||
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ouvrage lui ayant appartenu est conservé à la bibliothèque du séminaire épiscopal de Tournai, sur Gavantus, Thesaurus sacrorum rituum, Anvers, Moretus, 1646, mais il ne paraît pas provenir de Herzelles car il n'est pas mentionné dans l'inventaire.Ga naar voetnoot50 D'autres, malheureusement, ne seront jamais retrouvés car l'ex-libris a été perdu. C'est le cas pour un ouvrage acquis par Franciscus Bruynincx à la vente de Bezzera en 1750, un Pontificale Romanum. Après quoi, l'exemplaire passa dans la collection d'un curé de Saint-Willibrordt, G. Kumps, puis l'ex-libris de Bezzera a été... décollé pour entrer dans la collection d'ex-libris de Benjamin Linnig.Ga naar voetnoot51 Nous ne nous étendrons pas davantage sur le contenu de la bibliothèque du chanoine de Bezzera, dans la mesure où l'étude de cette collection entre dans le projet de recherche sur la lecture entrepris depuis quelques années par l'ufsia à Anvers pour la période 1750-1800. | |||||||||||||||||||||||
5. ConclusionsOn a déjà montré à plusieurs reprises que l'utilisation des catalogues de ventes publiques devait s'accompagner de prudence.Ga naar voetnoot52 Lorsque l'on dispose des archives et registres des libraires, force est de constater qu'une seule vente publique réunit parfois des livres provenant de différents propriétaires, et on ne vend pas nécessairement l'ensemble des livres leur ayant appartenu.Ga naar voetnoot53 En étudiant attentivement un catalogue de vente publique en le confrontant à des archives, on a également pu démontrer que certaines bibliothèques avaient été constituées par plusieurs générations, comme dans le cas de Petrus Knyff (1713-1784), bibliophile et amateur d'art anversois, | |||||||||||||||||||||||
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qui a hérité une partie de ses livres de son père Jacobus (1681-1756).Ga naar voetnoot54 Avec les bibliothèques de Herzelles et de Bezzera, on se trouve un peu dans le même cas de figure que les Knyff père et fils, si ce n'est que les chemins empruntés par les livres sont techniquement différents: il s'agit ici du legs d'un évêque à un chanoine. On trouve ici un exemple supplémentaire de nécessaire déconstruction d'un catalogue de vente. Cet inventaire manuscrit de la bibliothèque d'un évêque permet de mieux comprendre une autre collection, celle du chanoine de Bezerra. Pour des raisons techniques, tout d'abord. L'inventaire identifie plus précisément des éditions en fournissant des dates, et donc des officines d'imprimeurs ou des éditeurs scientifiques qui contribuent à la publication d'un texte lu ou consulté par un lecteur. Pour des raisons d'interprétation, ensuite. L'inventaire, par exemple, explique pourquoi certaines lectures du chanoine de Bezerra paraissent quelquefois vieillies: Herzelles acquérait encore en vente publique des ouvrages imprimés au xviie siècle et ce phénomène de vieillissement n'a fait que s'accentuer d'une bibliothèque à une autre, mais il est imputable à Herzelles et non à de Bezerra. Il faut donc recourir à l'inventaire de la collection de Herzelles afin d'identifier ses livres au sein de la collection de Bezerra, car les livres du xiiie évêque d'Anvers ont quelque peu tendance à fausser les statistiques portant sur la bibliothèque de son légataire et à nuancer l'interprétation que l'on pourrait donner aux chiffres. Les livres de Guillaume-Philippe de Herzelles s'insèrent ainsi dans une succession d'études sur des bibliothèques formées par plusieurs évêques d'Anvers au xviiie siècle: Joseph Werbrouck, Henri-Gabriel van Gameren, Jacques-Thomas-Joseph Wellens et Corneille-François Nelis. Le catalogue de la vente Werbrouck (1692-1747), dont on a publié un fac-similé récemment, énumérait 581 lots, ce qui représentait 1.084 titres ou 2.193 volumes, répartis de la manière suivante: 387 lots pour les libri ecclesiastici, 62 lots pour les libri canonici & juridici et 132 lots pour les libri historici & miscellanei.Ga naar voetnoot55 Comme dans la collection Herzelles, les matières théologiques et canoniques y dominaient largement, mais au contraire de son prédécesseur, | |||||||||||||||||||||||
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Werbrouck élargissait ses préoccupations au gallicanisme de Bossuet, aux écrits historiques de Louis de Maimbourg sur le luthéranisme, le calvinisme, l'arianisme ou les iconoclastes. Il s'insérait aussi mieux dans le monde par rapport à son contemporain Herzelles, qui était pratiquement de la même génération. Werbrouck possédait un atlas de Mercator, des Délices des Pays-Bas. Il lisait l'Histoire de Charles xii de Voltaire, les oeuvres de Molière, Racine, Corneille, Boileau, Regnard, le théâtre de Destouches ou, dans un autre registre, Descartes et Fontenelle et des sermons de Bourdaloue, Fléchier, La Colombière et Massillon, qui transcendent les catégories en cumulant morale chrétienne, art oratoire et genre littéraire. La bibliothèque Herzelles est aussi comparable par son contenu érudit à celle de Henri-Gabriel van Gameren (1700-1775), qui quantitativement était cependant quatre fois plus importante: elle comptait 550 titres.Ga naar voetnoot56 Les 1.323 lots du catalogue de vente de la bibliothèque formée par le xviie évêque Wellens (1726-1784) témoignaient quant à eux de son ancrage dans te siècle. Elle était marquée par les débats nés des Lumières, comme en témoignait la présence de périodiques, de l'Encyclopédie, d'oeuvres de Voltaire, Rousseau et Montesquieu et de leurs détracteurs.Ga naar voetnoot57 La collection Herzelles, enfin, était sans commune mesure avec la bibliothèque (4.330 lots) formée par le dernier évêque d'Anvers d'Ancien Régime, Corneille-François Nelis (1736-1798), qui joua un rôle crucial comme bibliothécaire de l'université de Louvain, créateur d'une typographie académique, membre de l'Académie impériale et royale de Bruxelles, et qui avait des ambitions philosophiques et littéraires et fit éditer certaines de ses oeuvres par Bodoni à Parme.Ga naar voetnoot58 Autant de visions contrastées et d'approches de la lecture pour les titulaires d'une même fonction. | |||||||||||||||||||||||
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En chiffres, la bibliothèque de Herzelles n'était donc pas très importante ni très riche face à celles de ses successeurs au siège épiscopal d'Anvers: la taille d'une bibliothèque n'est pas systématiquement proportionnelle au rang social et aux revenus de son propriétaire. Son contenu, très traditionnel, est également très différent car la collection a été formée dans la première moitié du siècle, à une période charnière, au moment où les polémiques jansénistes sont pratiquement éteintes, mais encore influentes chez ceux qui les ont connues, et avant que ne soient diffusées les grandes - et petites - oeuvres des Lumières et celles de leurs détracteurs. C'est dans la seconde moitié du siècle que les Lumières atteignent les membres de l'épiscopat, titulaires du diocèse d'Anvers, et l'inflation du nombre de titres que l'on observe de la bibliothèque Herzelles à la collection Nelis y contribue certainement. L'inventaire publié en annexe permettra certainement de constater d'autres évolutions encore dans les lectures des derniers évêques d'Anvers sous l'Ancien Régime. | |||||||||||||||||||||||
AnnexeInventaire des livres de Guillaume-Philippe de Herzelles (Archives de l'État à Namur, Fonds Corroy-le-Château, 505). Les identifications sont données en retrait. Nous avons indiqué les références à la vente de Bezzera, page et lot dans lequel figure l'exemplaire Herzelles. Abréviation: BCNI: Bibliotheca Catholica Neerlandica impressa, 1500-1727, La Haye, 1954.
Livres trouvés dans la bibliothecque et mis en ordre par le sieur Jean Baptiste Verdussen libraire en la ville d'Anvers.
Prima biblia sacra du hamel folio magno 2 tomi cum figuris Lovanij mille sept cent quarante ligatura gallica.
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Koninklijke Bibliotheek van België Afdeling Kostbare Werken Keizerslaan 4, B-1000 Brussel Claude.Sorgeloos@kbr.be | |||||||||||||||||||||||
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SamenvattingGuillaume-Philippe de Herzelles (1684-1744) was abt van Sint-Geertrui in Leuven van 1720 tot 1743 en dertiende bisschop van Antwerpen van 1743 tot aan zijn dood een jaar later. De Rijksarchieven van Namen en Brussel bewaren een afschrift van zijn bibliotheekinventaris: 138 titels of 250 volumes die voornamelijk tot het domein van de theologie, het kerkelijk recht en de kerkgeschiedenis behoren, en nauwelijks enkele wetenschappelijke of literaire werken, met andere woorden een kleine verzameling traditionele lectuur, nog steeds onder invloed van het jansenisme, niet van de Verlichting. De bibliotheek van De Herzelles werd bij testament nagelaten aan Guillaume-Antoine-Joseph de Bezerra, kanunnik te Antwerpen. Bij diens dood in 1750 werden de boeken van De Herzelles en De Bezerra samen geveild in Antwerpen. 25% van de aangeboden loten bevatten boeken afkomstig van De Herzelles, wat een identificatie met zijn inventaris mogelijk maakt, en meteen ook een andere interpretatie van de statistieken die alleen op de veiling van De Bezerra steunen. Men kan de bibliotheek van De Herzelles vergelijken met die van andere Antwerpse bisschoppen in de tweede helft van de zeventiende eeuw. | |||||||||||||||||||||||
AbstractGuillaume-Philippe de Herzelles (1684-1744) was abbot of Sainte-Gertrude in Leuven from 1720 to 1743 and 13th bishop of Antwerp from 1743 until his death one year later. The Public Record Offices in Namur and Brussels have preserved a copy of the inventory of his library: 138 titles or 250 volumes, principally of theology, canon law and Church history, with only a very few books about sciences and literature, in other words a small collection with very traditional lectures still influenced by the jansenism, not yet by the Enlightenment. The Herzelles library was bequeathed to Guillaume-Antoine-Joseph de Bezerra, canon of Antwerp. When he died in 1750, the books of Herzelles and De Bezerra were auctioned together in Antwerp. 25% of the lots in that auction include books coming from Herzelles, so that an identification is possible with this inventory and will give another interpretation of the statistics based only on the De Bezerra auction catalogue. The Herzelles library can be compared with other libraries formed by bishops of Antwerp in the second half of the 18th century. |
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