De Gulden Passer. Jaargang 57
(1979)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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[De Gulden Passer 1979]La cabale de l'édition 1720 du Dictionnaire de BayleGa naar eind*
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On ne peut saisir tous les éléments de la cabale du Dictionnaire de 1720 qu'en la plaçant dans le cadre plus large de l'ensemble des éditions de Bayle dues à Marchand. Il publia en effet chez Fritsch et Böhm, le Commentaire philosophique en 1713 (app. 1) et les Lettres choisies en 1714 (app. 3), puis, chez Böhm seul, le Dictionnaire en 1720 (app. 42). Plusieurs spécialistes de Bayle signalent au passage les vives réactions provoquées par les deux dernières éditions citées mais ils ne mentionnent pas le rapport direct qui existe entre ces réactions et l'édition du Commentaire philosophique en 1713Ga naar eind4. Pourtant, les levées de boucliers qui accueillirent les trois éditions de Bayle réalisées par Marchand présentent tant de points communs et s'enchevêtrent de manière tellement inextricable qu'il nous a paru nécessaire de relever d'abord les critiques - et les louanges - émises à l'encontre des deux premières éditions avant de nous pencher sur le cas spécifique du Dictionnaire. Pour ce faire, deux types de sources s'offrent à nous: tout d'abord, les journaux littéraires de l'époque, qui publient de nombreuses passes d'armes sans aménité entre partisans et adversaires des éditions de Marchand. En outre, grâce aux collections Des Maizeaux de Londres (British Library) et Marchand de Leyde (Universiteitsbibliotheek), nous sommes en mesure de relever dans la correspondance des deux principaux protagonistes plusieurs allusions inédites à cette affaireGa naar eind5. Dans l'avertissement de l'édition 1713 du Commentaire philosophique, qu'il signe de ses initiales, Marchand déclare être tellement mécontent de la première édition de cet ouvrage (Cantorbéry, T. Litwell 1686-1688), qu'il s'est vu obligé, dans la deuxième, de rétablir ‘le sens de l'auteur en une infinité d'endroits, où il se trouvoit fort altéré tant par les fautes d'impression que par le peu d'exactitude de ceux qui avoient pris soin de la première édition’ (app. 1, p. VII-VIII). Il y a également ajouté des notes marginales dont il donne la liste avec les pages où l'on peut les trouver et une table du petit ouvrage Ce que c'est que la France toute catholique, qui précède le Commentaire proprement dit. En fait, nous venons d'indiquer ici la source de la plupart des critiques qui seront formulées par la suite contre la façon d'éditer de Marchand. Car | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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ce qu'on va principalement lui reprocher, ce sont justement, d'une part, les changements apportés au texte initial et, d'autre part, l'adjonction de notes de son cru qui modifient, diront ses adversaires, l'essence même de l'ouvrage. Dans une lettre écrite de Genève au sujet de la nouvelle édition du Commentaire, lettre parue d'abord en 1714 dans l'Histoire critique de la République des Lettres (app. 5) et rééditée ensuite dans l'Histoire de Mr. Bayle et de ses ouvrages (app. 27), Pierre Des MaizeauxGa naar eind6 accuse Marchand d'avoir gâté entièrement l'édition ‘par des changemens faits dans le texte très mal à propos’ (app. 5, p. 363), d'avoir modifié le style pour le rendre grammaticalement plus correct et adapté les expressions désuètes à la langue moderne. Ce faisant, dit Des Maizeaux qui affirme que l'auteur a affecté d'être un Anglais écrivant en français (ibidem p. 367), l'éditeur n'a tenu aucun compte de cette fiction anglaise. Remarquons en passant que Des Maizeaux se trompe ici car, comme le titre de la première édition - plus complet que celui de la deuxième - le laisse entendre, le Commentaire serait en fait une traduction de l'anglais: Commentaire philosophique sur ces paroles de Jesus-Christ Contrain-les d'entrer; où l'on prouve qu'il n'y a rien de plus abominable que de faire des conversions par la contrainte... traduit de l'anglois du sieur Jean Fox de Bruggs, par M.J.F. 3 t. Cantorbery, T. Litwell 1686-1688. Quoiqu'il en soit, Des Maizeaux considère tout changement apporté au texte d'un tiers par un éditeur comme une intervention non seulement téméraire, mais même des plus dangereuses: ‘Où en seroient les belles-lettres si à chaque édition qu'on fait d'un auteur, on se donnoit des libertés de cette nature?’ (app. 27, p. 372). Un ami et correspondant de Des Maizeaux à Amsterdam, lui-même correcteur d'imprimerie, Charles de la MotteGa naar eind7, ira jusqu'à dire: ‘Marchand a changé à sa fantaisie tout ce qu'il a voulu’Ga naar eind8. Quant aux notes personnelles de Marchand, Des Maizeaux reconnaît qu'elles contiennent des précisions bibliographiques fort utiles au lecteur, telles ‘le lieu et l'année de l'impression, et le nom du libraire et de l'imprimeur’ (app. 27, p. 375), mais il n'est cependant pas rare, poursuit-il, que l'éditeur commette en cela quelque erreur ou bien qu'il fasse mal à propos étalage d'une | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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inutile érudition (ibidem, p. 376-377). Des Maizeaux termine en dénigrant la personne même de l'éditeur du Commentaire: ‘Un libraire nommé Marchand, qui avoit quitté Paris pour se retirer en Hollande où il est présentement correcteur d'imprimerie chez les sieurs Fritsch et Böhm’ (ibidem p. 380)Ga naar eind9. Plusieurs correspondants de Des Maizeaux se font l'écho de ces critiques. Ainsi, le jurisconsulte français réfugié en Suisse, Jean BarbeyracGa naar eind10 craint ‘de trouver à chaque page les pensées du correcteur au lieu de celles de l'auteur’Ga naar eind11. Barbeyrac minimise d'ailleurs la valeur de l' ‘exactitude vétilleuse’ des précisions bibliographiques fournies par Marchand: ‘la connoissance qu'il a du titre des livres, en qualité de libraire, fait qu'il se croit fort habile homme; Quoiqu'il ait très peu de connoissance des choses’Ga naar eind12. L'édition du Commentaire ne déchaîna cependant pas que des critiques. Le premier en date des extraits parus dans la presse, celui du Journal littéraire de septembre/octobre 1713, est plus qu'élogieux, ‘tant pour la beauté de l'impression que pour l'exactitude de la correction’ (app. 2, p. 167). Mais à propos du Journal littéraire en général et de cet extrait en particulier, Marchand se voit accusé par ses adversaires d'avoir abusé de son influence au sein de la rédaction - dont il faisait partie depuis sa fondationGa naar eind13 - pour y faire insérer des extraits favorables aux éditions de Fritsch et Böhm, ses employeurs (app. 30, p. 514 et app. 40, p. 291). Il est plus que probable, en effet, que cet extrait soit de la main de Marchand lui-mêmeGa naar eind14. D'ailleurs, dans la correspondance conservée à Leyde, on relève également des échos très favorables à l'édition. Ainsi, un correspondant suisse de Marchand, Sebastien Hogguer, la trouve ‘admirable’Ga naar eind15. Ce genre d'appréciation doit, pourtant, être sujet à caution, car nombreux sont les exemples, et nous en relèverons quelques-uns plus loin, de déclarations parfaitement contradictoires faites par le même correspondant selon qu'il s'adresse à l'un ou à l'autre des antagonistes. Par ailleurs, un critique n'ayant aucun intérêt dans l'affaire, l'historien français J.P. Nicéron, auteur des Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres, affirmera: ‘Cette nouvelle édition est fort belle. Tous les efforts qu'ont fait les ennemis du sieur Marchand qui en a eu soin et la lettre qui a été | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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insérée dans le sixième tome de l'Histoire de la République des Lettres p. 229 pour la discréditer ne lui ont fait aucun tort’ (app. 46, p. 278). Des ennemis acharnés et de chauds partisans - qui, parfois, n'hésitent pas à changer de parti lorsque cela leur paraît opportun - voilà ce que valut à Marchand son édition du Commentaire philosophique. Cette situation n'est peut-être pas sans rapport avec l'édition, en 1714, des Lettres choisies. J.H. Broome brosse un tableau de la querelle ‘comic but unedifying ‘qui s'éleva entre Des Maizeaux et Marchand à propos de cette éditionGa naar eind16 et E. Labrousse y consacre également plusieurs pagesGa naar eind17. Nous nous contenterons donc d'en résumer brièvement les faits principaux en mentionnant au passage les éléments nouveaux qu'il nous a été possible de découvrir et qui expliquent pour une part, croyons-nous, la férocité de la cabale du Dictionnaire. Peu après la mort de Bayle, Des Maizeaux entre en contact avec Fritsch par l'intermédiaire de son ami de la Motte, pour publier un recueil de lettres de Bayle qu'il rassemble fiévreusement. Des Maizeaux concevait ce recueil comme une préparation à la Vie de Bayle qu'il avait l'intention de publier et comme une ‘Chronique de la République des Lettres propre à intéresser au plus haut point le monde savant’Ga naar eind18. L'avertissement de l'édition de 1714 montre que Marchand partageait cette opinion (app. 3). Le libraire tergiverse longtempsGa naar eind19. De la Motte tente par tous les moyens de le persuader d'entreprendre l'ouvrage et sollicite même l'intervention de Marchand pour décider FritschGa naar eind20. Après de longues tractations, le contrat est signé et l'ouvrage mis sous presseGa naar eind21. Dans une lettre du 20 mars 1713, Des Maizeaux accorde pratiquement à Marchand carte blanche: ‘Continuez, Monsieur, à perfectionner ce recueil, et surtout à retrancher, sans acception de personne (barré: toutes) les lettres qui ne vous paroitront pas intéressantes’Ga naar eind22. Mais bientôt, ni de La Motte ni Des Maizeaux n'entendent plus parler de l'éditionGa naar eind23. E. Labrousse émet l'hypothèse selon laquelle cette interruption serait due au plan de l'abbé Vertot de publier en France un recueil de lettres de Bayle. Quoiqu'il en soit, ce n'est que le 14 octobre 1713 que de la Motte écrit à Des Maizeaux: ‘Mr. Marchand qui fut ici il y a quelques semaines | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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me dit qu'on continuoit presentement les lettres de Mr. Bayle qu'on avoit discontinué et qu'on en avoit reçu beaucoup d'autres que celles que vous avez fournies dont on a retranché plusieurs du commencement’Ga naar eind24. En fait, ces suppressions pouvaient se réclamer de l'autorisation accordée par Des Maizeaux à MarchandGa naar eind25 et jusqu'ici, les relations entre les deux hommes s'étaient déroulées dans un climat amical. La mésentente éclatera lorsque Fritsch et Böhm décident unilatéralement de cesser d'envoyer les feuilles d'épreuves en AngleterreGa naar eind26. À ce propos, nous avons découvert, en comparant les collections de Londres et de Leyde, une preuve significative du petit jeu de cache-cache peu édifiant auquel se livra Marchand à l'égard de Des Maizeaux. Ce dernier avait adressé personnellement à Marchand quelques suggestions pour l'édition en coursGa naar eind27. À sa grande surprise, il reçoit en réponse une lettre anonyme du ‘véritable éditeur’ des Lettres choisies, en date d'Aix la Chapelle, le 14 mai 1713, dans laquelle ce mystérieux personnage accepte les suggestions contenues dans la lettre que Des Maizeaux avait adressée - abusivement à Marchand et que celui-ci avait fait suivre... Et il ajoute, en s'excusant de ne pouvoir se faire connaître de son correspondant: ‘Mais, Monsieur, je ne saurois faire autrement et je suis mesme persuadé que vous ne trouverez pas mauvais quand je vous aurai dit que j'ai des raisons très particulières qui ne me permettent point de recevoir cet honneur présentement. Dès que je le pourrai, je serai le premier à le rechercher et à vous témoigner ma reconnaissance’. Or, cette lettre anonyme est incontestablement de la main de MarchandGa naar eind28. Soigneusement camouflée au début, son écriture est tout à fait reconnaissable à la fin. Michel Böhm se fait complice de cette mystificationGa naar eind29 dont Des Maizeaux n'est pourtant pas dupe, puisque le 22 décembre 1713, ayant appris par de la Motte que l'impression avait repris, il s'adresse de nouveau directement à Marchand, n'ayant, écrit-il, ‘aucun lieu de douter que vous ne soyez l'auteur des notes sur les lettres de Mr. Bayle’Ga naar eind30. Dans cette lettre, Des Maizeaux se plaint à Marchand de la ‘conduite surprenante’ de Fritsch et Böhm qui ne lui envoyent plus les épreuves au fur et à mesure de leur impression. Il lui demande avec insistance d'intervenir auprès d'eux pour faire | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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reprendre ces envois, croyant Marchand ‘incapable d'avoir la moindre part à la manière dont ils en usent avec moi’. Il relève néanmoins deux motifs - bien invraisemblables s'empresse-t-il d'ajouter - pour lesquels Marchand aurait quelque intérêt à faire suspendre les envois: le désir de s'approprier l'édition ou encore la crainte des critiques de Des Maizeaux à la lecture de notes rédigées par Marchand, peut-être calomnieuses à l'égard des correspondants de Bayle. Mais, répète-t-il, un tel soupçon ne saurait l'effleurer... Quelques années plus tard, il confiera à un correspondant inconnu que tous les compliments adressés à Marchand dans ses lettres n'étaient que pure ironie...Ga naar eind31. En réponse, Des Maizeaux reçoit une nouvelle lettre anonyme - indubitablement de la même main - où il se voit reprocher d'attribuer ‘trop affirmativement’ le soin de l'édition à un certain Marchand...Ga naar eind32 L'auteur de cette lettre, l' ‘éditeur véritable’, est d'ailleurs fort mortifié d'apprendre toutes les vilenies dont Des Maizeaux semble le croire capable. Il a communiqué à Fritsch et Böhm les griefs de son correspondant londonien mais ne peut faire plus ‘ne me mêlant’, affirme-t-il, ‘en aucune façon de leur commerce ni de leurs affaires’. Il assure, d'ailleurs, à Des Maizeaux, qu'il s'alarme bien inutilement puisque la préface de l'édition lui rendra entière justiceGa naar eind33. Cette lettre est, à notre connaissance, la dernière échangée directement entre Marchand et Des Maizeaux. Celui-ci ne va pas tarder à apprendre par BasnageGa naar eind34 le motif du mécontentement des libraires: un informateur de Londres leur aurait révélé que Des Maizeaux vendait, dès leur arrivée en Angleterre, les feuilles d'épreuves à un libraire désireux de publier une traduction anglaise des Lettres de Bayle. Ce soupçon de double-jeu atteint Des Maizeaux au plus profond de son honneur et, le 9 mars, il envoie une lettre circonstanciée aux libraires de Rotterdam où il exige le nom de l'informateur et dément formellement l'accusation dont il fait l'objet: ‘Je ne me plaindrai pas ici de la mauvaise opinion qu'il faut que vous ayiez eue de moi en me croyant capable de vendre deux fois la même copie; et je vous dirai seulement que cet avis, que vous assurés qu'on vous a donné est la plus infâme de toutes les calomnies’Ga naar eind35. Il retrace ensuite l'historique de l'édition en regrettant | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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que Marchand ait mal pris sa dernière lettreGa naar eind36: ‘S'il [Marchand] se redonne la peine de relire ma lettre, il verra qu'en parcourant abstraitement les motifs tirés des notes qui auroient pu le porter à faire cesser l'envoi des feuilles, je déclare dans les termes les plus clairs, que je suis très éloigné de lui en attribuer aucun qui soit indigne d'un honnête homme’Ga naar eind37. L'édition sortie de presse, à peine un mois plus tard, Fritsch et Böhm envoyent à Des Maizeaux une dernière lettre où ils détaillent le compte finalGa naar eind38. Ils relèvent négligemment au passage que la notion de double vente n'est nullement étrangère à Des Maizeaux puisqu'il n'a pas agi autrement avec sa Vie de Boileau et que même pour l'édition des Lettres, il avait chargé de la Motte de prendre également contact avec des libraires d'Amsterdam susceptibles de payer plus que ceux de RotterdamGa naar eind39. Les émoluments dus à Des Maizeaux s'élèvent à 241 florins, puisque du total des feuilles, il faut déduire les notes qui constituent à elles seules un tiers du volume, la préface et la table, ces trois éléments étant dus à Prosper Marchand. Furieux à la fois de perdre une bonne partie de la somme qu'il escomptait, de s'être vu évincé comme annotateur, et fort probablement aussi d'avoir été l'objet de la petite comédie jouée par Marchand, Des Maizeaux oublie la bienveillance qu'il lui avait montrée jusque là et l'accuse désormais d'avoir fomenté toute l'affaire contre luiGa naar eind40. Il n'est pas impossible, à notre avis, que la lettre critique sur le Commentaire philosophique, parue en 1714, soit à mettre en rapport avec l'affaire des Lettres et n'ait été écrite qu'après elleGa naar eind41. Car si nous nous penchons sur les critiques de fond émises à l'encontre de l'édition des Lettres, nous verrons qu'elles ont en partie la même teneur que celles formulées à l'encontre du Commentaire philosophique. Marchand aurait, de son propre chef et de manière tout à fait subjective, supprimé certains passages des Lettres (app. 6, p. 394), modifié sans scrupules les endroits qui ne lui plaisaient pas (app. 29, p. 472; app. 49, p. ix), ajouté de sa main une préface et une table démesuréeGa naar eind42. Cette dernière étant présentée comme banc d'essai de la table du Dictionnaire dont on envisage une nouvelle édition, Des Maizeaux s'en inquiète doublement car, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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dit-il, elle est contraire aux souhaits de Bayle (app. 29, p. 472, 476; app. 47, p. x). Mais ce sont surtout les notes destinées à éclaircir certains passages des Lettres qui soulèvent l'indignation de Des Maizeaux et de ses partisans. Marchand n'aurait tenu généralement aucun compte des notes envoyées d'Angleterre par Des Maizeaux à la demande expresse de de La MotteGa naar eind43. Il en aurait parfois modifié le texte de son propre chef (app. 29, p. 486-493). Et de plus, il aurait pris sur lui d'en ajouter des nouvelles, de nature bibliographique. Pour Des Maizeaux cependant, les lecteurs incapables de reconnaître du premier coup les allusions parfois sybillines de Bayle à tel ou tel ouvrage ne méritent pas l'honneur de le lire... Aussi les notes de Marchand lui semblent-elles totalement inutiles (app. 29, p. 476)Ga naar eind44. De plus, dans ses références bibliographiques mêmes, Marchand se tromperait parfois lourdement, faisant preuve d'une ‘ignorance crasse’ (app. 29, p. 479. Également app. 24, p. 219-220 et app. 28, p. 389-405). Quelqu'un comme l'abbé Bignon considère la valeur de ces notes comme inexistante et fait état de la mauvaise réputation de Marchand à Paris, surtout depuis sa conversion à la Réforme et son passage en HollandeGa naar eind45. Marchand se voit traiter de ‘brocheur de notes’, qui a eu l'audace de ‘barbouiller les Lettres de Monsieur Bayle’ (app. 26, p. 158, 247). En fait, conclut un de ses censeurs, ‘La vérité est qu'il ne consulte pas les livres mêmes dont il prétend donner les titres: ce n'est nullement d'après les originaux qu'il les rapporte, mais sur la foi de quelque catalogue de libraire ou de quelque autre écrit de cette nature’ (app. 28, p. 398. Également app. 50, p. 417). Un reproche tout particulier est la nonchalance avec laquelle des personnes illustres et des auteurs de renom comme Boileau, Arnauld ou encore FontenelleGa naar eind46 y voient leur réputation attaquée et d'anciennes querelles ravivéesGa naar eind47. En résumé, ignorance, forfanterie et irrévérence feraient l'essence de ces notes de Marchand dont l'autorité est qualifiée de ‘directement au dessous de rien’ (app. 26, p. 249). Ces terribles critiques se heurtent de plein front - comme dans le cas du Commentaire philosophique - aux avis diamétralement opposés des partisans de Marchand. N'ira-t-on pas jusqu'à écrire dans les Memoirs of literature que les notes de Marchand pourraient | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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même s'avérer plus utiles à l'historien littéraire que les lettres de Bayle elles-mêmes... (app. 44, p. 75). Les Deutsche acta eruditorum trouvent ces notes en tout cas excellentes, opinion partagée par d'autres critiquesGa naar eind48. Quant aux fautes qui s'y sont glissées, il est impossible de les éviter dans un travail de cette envergureGa naar eind49. La table recueille l'adhésion enthousiaste des journalistes du Journal Littéraire qui se réjouissent de voir dresser celle du Dictionnaire avec la même exactitudeGa naar eind50, car, comme l'écrit Barbeyrac: ‘Jamais livre n'eut tant besoin d'un large indice’Ga naar eind51. Et enfin, s'il faut reprocher à quelqu'un l'indiscrétion avec laquelle certaines personnes illustres voient publiées des allusions peu flatteuses à leur endroit, ce n'est ni à Des Maizeaux, ni à Marchand qu'il faut le faire mais bien aux amis de Bayle qui se sont crus autorisés à rendre publiques des lettres de caractère privé que leur avait adressées le grand philosophe (app. 7, p. 360-362). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La querelle de l'édition 1720: éventail chronologiqueC'est sur cette querelle, et comme lui faisant naturellement suite, que vient se greffer la cabale du Dictionnaire. Fritsch et Böhm, qui avaient repris le fonds de Renier Leers en 1709, projettent très rapidement de publier le supplément du Dictionnaire qui en faisait partieGa naar eind52. Ils en confient le soin à Prosper Marchand qui, au début du moins, ne se montre guère enthousiasteGa naar eind53. Mais les éditeurs ont hâte de commencer l'impression, puisque deux éditeurs genevois, Fabri et Barillot, ont eux aussi entrepris une nouvelle édition du Dictionnaire. Il est donc urgent de mettre le public en garde contre cette édition pirate qui ne fait guère que reprendre les deux éditions parues du vivant de Bayle et ne comprend donc pas le supplément. Devant la menace de se voir devancer et de perdre ainsi un grand nombre d'acheteurs potentiels, Fritsch insiste vivement auprès de Marchand pour qu'il rédige un Projet destiné à montrer la supériorité de l'édition de Rotterdam sur les précédentes et surtout sur celle en cours à GenèveGa naar eind54. Ce Projet est bientôt publié dans le Journal littéraire. Son auteur - presque certainement MarchandGa naar eind55 - y explique pourquoi les éditeurs se sont vus obligés de publier le supplément de Bayle | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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sous la forme d'une édition augmentée du Dictionnaire entier, contrairement au voeu formel de Bayle qui désirait voir ce supplément édité à part de façon à éviter une double dépense aux possesseurs d'une des deux éditions antérieures. Si les libraires de Rotterdam avaient accédé à ce voeu, les contrefacteurs de Genève n'auraient eu qu'à rééditer tel quel le supplément pour compléter leur édition pirateGa naar eind56. L'éditeur de Rotterdam a en tout cas pris soin de distinguer soigneusement dans le texte et dans les remarques, les éléments provenant des trois éditionsGa naar eind57. Ainsi par exemple, comme la nouvelle édition comprendra ‘une infinité d'additions et corrections soit dans le texte soit dans les remarques soit dans les citations marginales’ (app. 8, p. 367), ces passages nouveaux sont précédés dans la mesure du possible d'un gland. Du point de vue typographique, on s'éloignera quelque peu des deux premières éditions: chaque article sera immédiatement suivi de ses remarques afin d'éviter les passages d'une page à l'autre. Les citations marginales, complétées avec une grande précision de même que les renvois internes entre articles, seront placés directement en regard de la phrase concernée. Une table détaillée aidera enfin le lecteur à s'orienter dans le Dictionnaire. Faisant suite à ce Projet, on trouve plusieurs exemples tirés des trois éditions et destinés à donner au public une idée de l'exactitude de la nouvelle. Dans un post-scriptum, Marchand - car ici il ne peut s'agir que de lui vu le texte - se défend des accusations anticipées portées dans l'Histoire critique de la République des Lettres (app. 5) contre l'édition en cours et établit le rapport entre cette tentative de dénigrement et les critiques émises naguère à l'encontre de ses éditions du Commentaire philosophique et des Lettres choisies (app. 8, p. 386-389). Si l'on exclut quelques ‘nouvelles littéraires’ favorables au ProjetGa naar eind58, on peut dire que sa publication déchaîna une tempête de critiques portant aussi bien sur l'ouvrage en question que sur la personne de son éditeur. Que le Journal de Trévoux combatte l'idée même d'une réédition de ce livre ‘si propre à inspirer l'incrédulité et à autoriser la débauche, à ébranler les fondemens les plus surs de l'État, à rompre les noeuds de la société qui sont la religion et la morale’ (app. 20, p. 212)Ga naar eind59, n'a pas de quoi nous | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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étonner. Cette critique ne s'adresse pas à l'éditeur en personne. Il n'en est pas de même pour d'autres offensives. L'attaque la plus directe contre Marchand parut en 1715 dans l'Histoire critique de la République des Lettres (app. 15) sous le titre significatif: Avis important au public sur l'édition fausse et tronquée du dictionnaire de Bayle qui se fait à RotterdamGa naar eind60 et fut rééditée en 1716 dans l'Histoire de Mr. Bayle et de ses ouvrages (app. 25), sous le titre de: Factum des amis de Mr. Bayle ou Avis important... (app. 31). Des Maizeaux, que Marchand, d'un commun accord avec d'autres, croit être l'auteur du FactumGa naar eind61, s'en défend avec force dans une lettre à BöhmGa naar eind62, où il conseille au libraire, dans son propre intérêt, de faire réviser par Huet ou Basnage les feuilles déjà imprimées afin d'en faire disparaître tout apport personnel de Marchand, et de prendre à l'avenir ses mesures pour empêcher toute récidive. Une annonce dans ce sens dans les journaux littéraires calmerait le zèle des amis de Mr. Bayle, auteurs du Factum. Dans la suite, Des Maizeaux se plaindra amèrement de ce que Böhm se soit refusé à suivre son conseilGa naar eind63. Arrêtons-nous un instant sur ce que dit ce Factum. Rappelant les critiques soulevées par les éditions du Commentaire et des Lettres, les auteurs affirment que Marchand ‘ne cherche qu'à faire parler de lui’ et que, pour ce faire, ‘il a choisi les écrits de Mr. Bayle pour l'objet de ses impostures’. La nouvelle édition qu'il projette ‘n'est point le véritable dictionaire de Bayle mais un livre tout différent’ (app. 15, p. 227)Ga naar eind64. Reprenant ensuite point par point les termes du Projet, le Factum montre en quoi ils sont en contradiction flagrante avec les intentions manifestes de Bayle: l'économie du texte et des remarques est totalement bouleversée; l'orthographe et la ponctuation sont modifiées sans scrupules (l'habitude de Marchand de mettre une majuscule à tous les substantifs choque les auteurs du Factum. Certains correspondants de Marchand lui font le même reprocheGa naar eind65). Tout cela donne lieu à des contresens absurdes comme, par exemple, la répétition des citations complètes au lieu des idem et ibidem habituelsGa naar eind66. Mais surtout, la nouvelle édition est infidèle au texte, aux remarques et aux notes marginales de Bayle, comme le montrent des exemples tirés du Projet et placés en regard ou en dessous des passages correspon- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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dants de l'édition 1702. Ainsi, pour montrer qu' ‘au lieu que Bayle s'est toujours exprimé en grand homme, en écrivain de premier ordre, Marchand le fait parler et exprimer en garçon libraire ou en faiseur de catalogues de livres’ (ibidem, p. 239)Ga naar eind67, le Factum allègue la mise au génitif des auteurs des ouvrages cités - au lieu du nominatif utilisé par Bayle -, des expressions comme ‘fut imprimé à Paris en 1628 in 4’ au lieu du ‘fut imprimé à Paris l'an 1628’ original (ibidem, p. 244)Ga naar eind68. Dans le texte même, des expressions au singulier se voient mises au pluriel, des mots répétés pour donner plus de clarté au texte sont supprimés, des adverbes ajoutés ou changés etc... Tout cela, dit le Factum, est la preuve d'une ‘ignorance accompagnée d'orgueil et de présomption’ qui ‘excite l'indignation et la colère’ (ibidem, p. 247). L'indignation atteint son paroxysme lorsqu'on en vient à l'adjonction d'additions et de corrections personnelles de Marchand à l'ouvrage de Bayle, sans qu'on puisse - selon le Factum - les distinguer de l'originalGa naar eind69. Un exemple tiré de l'article Amboise publié à la suite du Projet suffira à prouver ce fait: Marchand y donne quelques indications bibliographiques sur le Traité des devises de François d'Amboise, qui ne se trouvent nullement dans Bayle. Tout ce fatras ‘ne sert qu'à grossir le volume’ concluent les Amis de Mr. Bayle, et nul ne devrait être tenté de l'acheter puisqu' ‘on croira lire Mr. Bayle et on ne lira que Prosper Marchand’ (ibidem, p. 262)Ga naar eind70. Aussi, comme Des Maizeaux, ils conseillent aux libraires de Rotterdam de se défaire de Marchand ou, en tout cas, de l'obliger à publier le Dictionnaire tel quelGa naar eind71. À la fin de cette diatribe, les auteurs du Factum mettent en doute l'importance du supplément laissé par Bayle et même son authenticitéGa naar eind72. Mais ils finissent par une contradiction flagrante qui trahit leurs motifs inavoués, décelés déjà par le Projet, en annonçant ouvertement leur intention d'extraire les éléments nouveaux insérés dans l'édition de Rotterdam et de les publier à part, en guise de complément à l'édition de Genève...Ga naar eind73. Aussi les doutes émis sur l'importance et l'authenticité du supplément laissé par Bayle vont-ils faire l'objet d'une réplique fulgurante de MarchandGa naar eind74, parue en trois parties, dans le Journal littéraire (app. 36, 37, 38). Après une introduction de caractère | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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général où il répète que la cabale montée contre lui date de l'affaire du Commentaire philosophique, Marchand entreprend la Défense de la nouvelle édition du Dictionaire de Mr. Bayle qui se fait à Rotterdam... et ceci, afin d'empêcher que les lecteurs ‘ne se laissent prévenir injustement contre cette nouvelle édition’ (ibidem, p. 91). Car le vrai motif de ce ‘tocsin’ sonné contre lui est sans nul doute de faire avorter l'édition de Rotterdam au profit de celle de Genève (ibidem, p. 112-113). Selon Marchand, les accusations de Des Maizeaux sont aussi fausses que de mauvaise foi et, en tout cas, fortement exagérées. Il n'aura donc aucune peine à les réfuter. Ainsi, dit-il, bien loin de s'approprier les éditions de Bayle, il a cédé aux instances réitérées des libraires et c'est à son corps défendant que son nom fût mêlé à l'affaireGa naar eind75. Il souligne adroitement qu'il s'est montré plus scrupuleux que les responsables de l'édition de 1715Ga naar eind76 et qu'il n'a rien modifié ou ajouté sans en avertir le lecteur, comme il sied à tout éditeur qui se respecte. Bien loin d'être un chaos, l'économie de la page donnera une grande clarté à l'ensemble. Mais Marchand reconnaît qu'il est difficile de juger de l'harmonie d'une page du Dictionnaire - imprimé in folio - en se basant sur les exemples donnés dans le Projet, imprimé en in 8 dans le Journal littéraire. La réduction forcée de l'échelle fait en sorte que l'économie du texte, des notes marginales et des remarques n'y saurait transparaître. S'étendre pendant des pages entières sur le remplacement d'un ibidem par la citation entière, d'un nominatif par un génitif, sur l'impression de ‘un pour l'un, pas pour point, 1616 pour l'an 1616’, ou encore parler d'imposture devant l'adjonction d'un in 4, n'est-ce pas assez dire la mauvaise foi du censeur? Ce sont là d'ailleurs des inadvertances de copiste qui n'apparaissent pas dans l'édition véritable. Et quand bien même on y pourrait en relever de semblables, quel est l'honnête homme qui s'arrêterait à de telles peccadilles? D'autre part, loin d'ajouter de son propre chef des additions étrangères dans le corps même du Dictionnaire, Marchand a eu au contraire grand soin de les reporter à la fin de l'ouvrage (app. 42, t. 4, p. 3091-3122). Le passage de l'article Amboise que Des Maizeaux lui attribue si intempestivement est de Bayle lui-même et l'éditeur invite ceux qui en douteraient à venir le vérifier eux-mêmes sur l'exemplaire | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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annoté par le philosopheGa naar eind77. En terminant, Marchand annonce qu'il ne répondra plus désormais à ce genre de pamphlets. Il se voit pourtant obligé de reprendre la plume après la parution de l'Histoire de la vie et des ouvrages de Mr. Bayle (app. 25)Ga naar eind78, un petit ouvrage qui rassemble plusieurs pamphlets écrits contre lui (app. 26-31). Le 1er juillet 1716, il envoie aux rédacteurs du Journal littéraire une lettre (app. 37) accompagnant une Déclaration authentique touchant les manuscrits laissés par Mr. Bayle pour le suplément de son Dictionaire historique et critique (app. 38), datée de Rotterdam, le 25 juin 1716 et signée par dix ‘amis’ de Mr. Bayle, pour la plupart des pasteurs réfugiésGa naar eind79. Ceux-ci déclarent avoir vu les originaux autographes du supplément rédigé par Bayle et donnent la liste des articles nouveaux, accompagnés du nombre de leurs feuillets. Le total s'élève à 1178 feuillets, de quoi justifier un quatrième tome dans la nouvelle édition. Ils ont également formellement reconnu la main de Bayle dans les additions et corrections apportées sur son propre exemplaire de la seconde édition, notamment à l'article Amboise. Les articles communiqués à Bayle par ses correspondants ainsi que les corrections et additions parvenues au nouvel éditeur sont groupés à la fin du t. 4 et ne sont en aucun cas insérés dans le corps de l'ouvrage. Comme plusieurs des signataires étaient en contact épistolaire avec Marchand, on peut se demander s'il n'y a pas lieu de relativer quelque peu la valeur objective de ce document. Néanmoins, ce magistral coup de dé de Marchand déroute quelque temps ses adversaires. Un correspondant anonyme de Rotterdam, pourtant clairement opposé à Marchand, se voit bien obligé d'ajouter foi à la Déclaration authentique (app. 35). Il s'empresse pourtant de déclarer que les signataires désapprouvent la lettre d'accompagnement rédigée par Marchand et publiée dans le Journal littéraire (app. 37). Nous pensons qu'il n'est pas impossible d'identifier ce correspondant avec le journaliste Samuel Masson. En effet, il propose de faire examiner encore une fois les documents par le beau-fils de Leers, Jean de Haes, qui les eut autrefois en main. Or, dans une lettre à Des Maizeaux, S. Masson déclare que cette vérification a effectivement eu lieu: de Haes a certifié que les articles cités dans la Déclaration authentique étaient | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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bel et bien de BayleGa naar eind80. Masson est le seul à signaler ce fait, et il est curieux que Marchand ne s'en soit pas servi pour sa défense. SallengreGa naar eind81 soulève à nouveau la question en insérant dans ses Mémoires de littérature une lettre anonyme des plus insinuantes (app. 40), adressée à Leclerc et à Bernard qui, ‘abusés’ par Marchand, ont pris sa défenseGa naar eind82. Non seulement tous les griefs contre Marchand sont longuement repris dans cette lettre, mais on y affirme que la Déclaration authentique ‘ne le disculpe qu'eu égard à 2 ou 3 mots..., 4 ou 5 lignes’. En fait, elle serait nulle et non avenue. D'ailleurs, Marchand n'aurait certainement pas recourru à un tel procédé s'il ne s'était pas senti coupable... (app. 40, p. 270-271). La facilité avec laquelle Sallengre avait accepté de publier cette lettre pleine de ‘haine envenimée’, peine vivement Marchand mais ne l'étonne pas outre mesure. Dans une lettre parue dans le Journal des Sçavans de mars 1718, il énumère les différents motifs pour lesquels ce journaliste, qui était autrefois son ami, pourrait lui en vouloir: le placement manqué d'un manuscrit de Sallengre par l'intermédiaire de Marchand; l'extrait - pourtant bienveillant - de Marchand pour les Éloges des hommes savants de Mr. de Thou, édités par Sallengre (4ème éd. Leyde, T. Haak 1715) et enfin son élimination de la rédaction du Journal littéraire seraient autant d'explications à sa mauvaise humeur (app. 41, p. 292). Il semble que Marchand ait rédigé une diatribe beaucoup plus poussée contre Sallengre, l'auteur d'un Eloge de l'ivresse dont l'édition originale (La Haye, Gosse 1715) prétendait être la seconde édition d'un ouvrage très demandé et que Marchand critiquait sévèrement. Mais Johnson refusa de l'imprimerGa naar eind83. Dans la lettre publiée par Sallengre, on peut cependant relever quelques nouvelles critiques. Ainsi par exemple, l'abandon des lettres grecques utilisées par Bayle pour distinguer les adjonctions de la seconde édition du texte de la première, au profit d'une main et d'un gland pour désigner les éléments de la deuxième et de la troisième édition aurait pour conséquence l'impossibilité de comparer immédiatement les remarques des trois éditions. Les auteurs de la lettre vont d'ailleurs jusqu'à ‘sommer’ les libraires de | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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conserver le Supplément autographe de Bayle et son exemplaire annoté du Dictionnaire afin que chacun puisse les comparer avec l'édition (app. 40, p. 261). Leur conclusion est très intéressante: si Bernard et Leclerc s'obstinent dans leur défense de Marchand, tout porterait à croire qu'une telle attitude est fille de leurs vieilles rancunes vis-à-vis de Bayle, dont ils seraient charmés de voir les oeuvres falsifiées et tronquées... (ibidem, p. 292-293). À partir de ce moment-là et respectivement jusqu'en 1729 et 1731, les antagonistes vont garder un silence méprisant, suivant en cela le conseil de plusieurs de leurs amisGa naar eind84. Au fur et à mesure que la date de parution approche, certains correspondants de Marchand se montrent de plus en plus impatients de juger enfin sur pièces la nouvelle édition tant contestée du chef-d'oeuvre de Bayle. Parmi eux, relevons La CrozeGa naar eind85 et Marais qui, entretemps, s'est brouillé avec Des MaizeauxGa naar eind86. L'ouvrage paraît enfin en avril 1720 (app. 42, colophon), en 4 tomes, soit un de plus que les éditions de 1702 et 1715 et deux de plus que celle de 1697. Il reprend les préfaces des deux éditions de Leers (1697 et 1702). Dans l'avertissement du libraire à la nouvelle édition, Michel Böhm retrace l'histoire mouvementée du Supplément de Bayle et, nous l'avons déjà signalé plus haut, assure tenir à la disposition de tout un chacun les autographes du philosophe. Élément entièrement nouveau, l'édition est précédée d'une épître dédicatoire à la gloire du Régent Philippe d'Orléans. Selon Rétat, la rédaction de cette épître, signée Michel Böhm, fut en fait confiée à l'académicien Houdar de la Motte. Marchand affirme en avoir ignoré la teneur jusqu'au dernier moment, le libraire n'ignorant pas son opposition à cet égardGa naar eind87. Cette épître est surmontée d'une curieuse vignette signée Bernard Picart et que nous reproduisons ici (Ill. 7). De part et d'autre du médaillon représentant le Régent, l'artiste a symbolisé le mécénat de ce Prince et son système financierGa naar eind88. L'exemplaire de la Bibliothèque Royale de La Haye que nous avons consulté (cote: 39 B 6-9) est un des rares à présenter, sous cette vignette, quelques vers composés par H.P. de Limiers à la gloire du système de LawGa naar eind89. Lorsque la réduction de moitié de la valeur des billets de banque annonça la faillite définitive | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Ill. 7. Gravure de B. Picart pour le Dictionnaire historique de P. Bayle. La Haye, Böhm 1720.
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du système (21 mai 1720), les éditeurs rognèrent les vers trop optimistes, réimprimèrent la page de dédicace sans les vers (tout en conservant la vignette et l'épître) et remplacèrent le tirage initial par le nouveau tirage dans les exemplaires qui leur restaient. Ceci nous permet de dater avec une grande précision l'exemplaire consulté du mois d'avril ou des premières trois semaines de mai 1720. Voici les vers en question: Cesse de t'affliger, ô France
Assez et trop longtems ont duré tes malheurs;
Tes Trésors épuisez, tes Peuples sans finance,
Assez et trop longtems ont fait couler tes pleurs;
Ouvre ton coeur à l'espérance,
Par un rare bienfait ton Destin va changer:
Philippe voit tes maux, cesse de t'affliger.
Ce Prince Généreux, sensible à tes allarmes,
va tarir pour jamais la source de tes larmes.
Voi, comme par ses soins en Métal transformé
Le Papier enrichit le François allarmé;
Voi ce Pays lointain d'où renaît l'Abondance;
Voi renaître à la fois une douce Confiance.
Voi ce riche Palais, où sur un fonds certain,
Tout ce Peuple à l'envi court assurer son gain
Voi les Arts en honneur; voi partout la Sagesse
Animer du Regent la Vigilante Adresse,
Tels sont, sous son Pouvoir, les Essais inoüis
Du nouveau Règne de Louis.
H.P. de Limiers
À les lire, on comprend aisément pourquoi le Régent, à l'origine favorable à l'édition, trouva préférable de se débarasser de son exemplaire après la banqueroute, comme le rapporte Matthieu Marais. Il n'en demeure pas moins vrai que la faveur initiale de Philippe d'Orléans contribua beaucoup à la diffusion de l'édition en FranceGa naar eind90. À la fin du Dictionnaire proprement dit, au tome IV, étaient imprimés: plusieurs écrits de Bayle et autres documents relatifs au Dictionnaire, les articles omis dans l'édition parce qu'il avait été | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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impossible d'en trouver les références bibliographiques, les articles communiqués à Bayle par ses correspondants, les remarques critiques communiquées à Marchand par diverses personnes, une liste alphabétique des articles et la Table alphabétique des matières, comprenant des noms de personnes et de lieux ainsi que des sujetsGa naar eind91. Signalons en passant que dans le Cabinet de livres que Marchand légua à l'université de Leyde en 1756, ne se trouve aucun exemplaire de l'édition 1720 du Dictionnaire. Il nous paraît vraisemblable que son exemplaire personnel - peut-être annoté comme il en avait l'habitude - fut confié aux éditeurs d'Amsterdam en vue d'une quatrième édition, comme nous le verrons plus loin. Immédiatement après la parution le journaliste Jean Leclerc donne un extrait de la nouvelle édition qu'il juge ‘plus recommandable que les Précédentes’ (app. 43, p. 383), même s'il conserve l'hostilité qu'il a toujours éprouvée devant le scepticisme de Bayle et les ‘difficultez qu'il prenoit plaisir à faire sur la Religion’ (ibidem, p. 388)Ga naar eind92. Ajoutant foi à la Déclaration authentique, il décharge Marchand des accusations portées contre lui. Des Maizeaux et ses partisans gardent le silence. Deux ans plus tard, paraît à Genève chez Fabri et Barillot, le Supplément au Dictionaire de Bayle historique et critique: par Mr. Bayle, dégagé du corps de l'édition 1720 et destiné à servir de quatrième tome à l'édition pirate de 1715 parue chez les mêmes libraires. Les esprits semblent s'être calmés, lorsqu'en 1728 Nicéron relate l'historique de la querelle Marchand-Des Maizeaux dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres (app. 46). En 1729 cependant, l'affaire rebondit à nouveau: la préface de la deuxième édition des Lettres de Bayle, confiée cette fois à Des Maizeaux, réitère toutes les accusations émises contre les éditions d'ouvrages de Bayle dues à Marchand (app. 47)Ga naar eind93. Excédé d'une rancune aussi tenace, celui-ci, dans une Réponse, révèle ce qu'il estime être les véritables motifs de l'animosité de Des Maizeaux à son égard (app. 45): leurs multiples interférences personnelles dans les diverses éditions des oeuvres de Bayle. Nous reviendrons plus loin sur ce point. Qu'il nous suffise ici d'observer que de telles démarches n'étaient pas faites pour ouvrir un vrai dialogue entre deux adversaires mutuellement convaincus de la | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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mauvaise foi de l'autre. On en trouvera une preuve de plus dans la Vie de Bayle que Des Maizeaux édita en tête de la quatrième édition du Dictionnaire, publiée par ses soins en 1730 à Amsterdam et qui utilisa pourtant les matériaux rassemblés par Marchand (app. 48)Ga naar eind94. Des Maizeaux ressasse à nouveau tous ses griefs, ce qui lui vaut une dernière réplique de Marchand (app. 51). Assez ironiquement, celui-ci montre que l'édition 1730 du Dictionnaire n'a pas hésité à réaliser les ‘corruptions’ dont on avait faussement accusé celle de 1720, puisque les articles envoyés à Bayle par ses correspondants sont à présent inclus dans le corps de l'ouvrage et que la suppression des signes distinctifs des différentes éditions (main, gland) empêche de distinguer désormais les apports successifs. Mais, faisant trêve de critiques, Marchand conseille à Des Maizeaux de faire de même: ‘Qu'il cesse de s'y tromper, nous sommes, lui et moi, de trop petits compagnons dans la République des Lettres, pour prétendre en occuper constamment le tapis’ (app. 51, p. 186-187). Mais il est de la nature d'un dialogue de sourds de pouvoir tourner en mouvement perpétuel. Huit ans plus tard, à l'occasion de la parution de l'Histoire du christianisme d'Éthiopie et d'Arménie de Mathurin Veyssière de La Croze (La Haye, Vve Levier et P. Paupie 1739), dont l'édition avait été confiée à MarchandGa naar eind95, une lettre anonyme ‘de Berlin’ publiée dans la Bibliothèque française reproche à Marchand d'avoir ajouté à l'ouvrage de La Croze une note de son cru, se rendant ainsi coupable de la même faute que pour les éditions de Bayle... (app. 53). Comme on retrouve dans cette lettre non seulement un historique de la querelle du Commentaire et des Lettres choisies nettement favorable à Des Maizeaux mais aussi des expressions voire des phrases entières déjà lues sous sa plume - telles que: ‘où en sera-t-on si les Éditeurs se donnent la licence de corriger, changer ou ajouter, selon leur caprice, aux manuscrits qui leur sont confiés?’ (ibidem, p. 309, cf. app. 27, p. 372) -, on est en droit de se demander s'il n'en est pas l'auteur. Il semble que Marchand ait songé à répliquer personnellementGa naar eind96 mais, à notre connaissance, cette réponse ne fut pas publiée. Jacques Pérard, un correspondant de Marchand, rédigea une note | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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le défendant, où il affirmait que La Croze avait accordé son consentement à l'insertion de la note en questionGa naar eind97. Toutefois, la publication de cette défense traîna en longueurGa naar eind98 et, finalement, elle tomba dans l'oubli sans avoir vu le jour, le dernier mot restant aux adversaires de Marchand. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Valeur des critiques et de leurs réponsesAvant de tenter de découvrir les dessous de toute cette affaire, nous tâcherons d'établir la valeur intrinsèque des critiques adressées à Marchand. Le premier problème à élucider sous ce rapport est celui de savoir s'il avait effectivement en sa possession, comme l'affirme l'avertissement de Michel Böhm, les papiers de Bayle, à savoir ‘l'exemplaire qu'il avoit corrigé de sa main et la cassette dans laquelle il conservoit ses additions’ (app. 42, p. XVIII)? Une lettre de Fritsch du 7 octobre 1718Ga naar eind99, confirmée par d'autres passages de la correspondance conservée à Leyde, nous permet de lever tous les doutes à cet égard. Ainsi, Marchand écrit-il à Corte-Real en 1729: ‘l'édition que j'en avois donnée à Rotterdam en 1720, d'après les corrections et augmentations de ce grand critique, dont on m'avoit remis les originaux...’. Un autre correspondant de Marchand, D. de Superville, le remercie vivement de l'envoi gracieux d'un exemplaire: ‘Je suis charmé même que vous rendiez assez de justice au peu que j'ai fait en vous communiquant ces papiers...’Ga naar eind100. D'ailleurs, l'avertissement de l'édition 1730 d'Amsterdam, confiée par neuf libraires à Des Maizeaux - et partant peu susceptible de bienveillance à l'égard de l'éditeur de 1720 - reconnaît que Marchand avait travaillé sur les originaux: il les avait lui-même transmis aux libraires d'Amsterdam...Ga naar eind101. La cession des originaux, dont on ignore malheureusement aujourd'hui ce qu'ils sont devenus, explique leur absence dans la collection de Leyde. Cette mobilité des autographes - avec tous les dangers de perte qu'elle implique - est courante à l'époque. Ainsi, par exemple, Marchand n'hésite-t-il pas à faire cadeau d'un autographe de Bayle à un de ses correspondants qui lui en fait la demandeGa naar eind102. Et il reçoit de M. Böhm l'original de l'article Digby (app. 42, t. 4, p. 3042-3043) que Basnage avait trouvé dans son exemplaire et | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Ill. 8. March. 44:15, f. 55r Cf. Ed. 1720 (app. 42), t. 4. p. 3041-3042. Autographe de Bayle. Article Digby.
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transmis au libraire le 17 mars 1719. Nous reproduisons ici ce document, trouvé dans une liasse du fonds Marchand (March. 44: 15, f. 55r. Ill. 8). Mais Bayle avait clairement laissé entendre que son supplément devait être publié à partGa naar eind103. L'édition de 1720 va donc entièrement à l'encontre de ce désir. Nous avons vu comment Michel Böhm tentait de justifier cette conduite dans son avertissement de la troisième édition, par la menace d'une contrefaçon immédiate de Fabri et BarillotGa naar eind104. Quand ceux-ci feront effectivement paraître le supplément à part deux ans plus tard, ce sera pour ‘dégager la parole de Mr. Bayle’Ga naar eind105. Et il faut reconnaître que la critique était - en soi - fondée. Une autre question cardinale est celle de savoir si Marchand a réellement apporté au texte de Bayle les modifications dont on l'accuse: interpolations, orthographe etc... Pour résoudre de façon péremptoire ces problèmes épineux, nous devrions pouvoir disposer des autographes de l'auteur. À défaut de ces originaux, l'instrument de vérification le plus intéressant que nous possédons est le Projet qui reproduit, par exemple, l'article Amboise. La Déclaration authentique a certifié, comme nous l'avons vu, que l'interpolation tant critiquée par Des Maizeaux est effectivement de la main de Bayle et que Marchand a correctement édité le texte. Pour le reste, on en est réduit à des conjectures. Quelques sondages comparatifs entre les deux éditions ont permis de constater que certaines des modifications relevées dans les critiques du Projet ne se retrouvent pas dans l'édition elle-même mais que d'autres, par contre, y sont demeurées. Marchand attribuait, nous l'avons dit, les inexactitudes du Projet à l'inattention du copiste. Il n'est pas impossible cependant que les choses se soient passées autrement et que ce soit justement à la suite des critiques qu'il a rétabli en certains endroits le texte original. En outre, il est indéniable qu'il a modernisé l'orthographe de Bayle, en mettant, selon son habitude, une majuscule à tous les substantifs et en ajoutant, en grand nombre, virgules et points-virgulesGa naar eind106. Mais ce ne sont là que des détails, à placer dans le cadre du système éditorial du XVIIIème siècle. Contrairement à l'accusation de ‘vérification sur catalogues de libraires’, il ressort de la correspondance que Marchand chercha | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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à se procurer les livres nécessaires ou en tout cas à les consulter de visu. On en trouve la preuve à la fois dans une lettre de Marchand à Marais et dans une missive de de La Motte à Des Maizeaux. Dans le premier de ces documents, Marchand confie à Marais, à propos de certaines notes bibliographiques: ‘...et même il y en a quelques unes où j'ai été obligé de laisser en blanc les citations parce que je n'ai pu avoir les livres où il les falloit prendre, quoique depuis 1712 j'eusse fait quantité de mémoires de ces citations pour être cherchées à Amsterdam, à Bruxelles, à Paris, à Londres etc...’. Dans la lettre du 20 septembre 1729 que de la Motte adresse à Des Maizeaux, nous lisons: ‘Les libraires veulent ménager Marchand qui leur a fourni les mss. mêmes de Mr. Bayle et l'exemplaire sur lequel on a fait l'édition de 1720 où il y avait diverses corrections. Il a aussi fourni trois ou quatre passages qu'il a trouvé en Angleterre et qui étoient en lacune. Il est dommage qu'on ait pas trouvé les autres’Ga naar eind107. En fait, répondant à la vocation de bibliographe dont il avait déjà fait preuve dans ses cataloguesGa naar eind108, Marchand complète avec une minutieuse précision les références de Bayle, ce qui ne l'empêche pas de commettre certaines erreurs, d'ailleurs reconnues sans difficultéGa naar eind109. Du point de vue de l'édition moderne, il est évident que la complétude et la précision de l'apparat critique sont essentielles à la valeur d'un ouvrage. Au XVIIIe siècle déjà, un Matthieu Marais - en cela très en avance sur son temps - reprochera même à Marchand de ne pas être allé plus avant dans cette voieGa naar eind110. Mais le problème crucial est, sans hésitation possible, celui des notes étrangères à Bayle. Comme l'édition le mentionne (app. 42, t. 4 p. 3091) et comme la correspondance de Marchand le confirmeGa naar eind111, à côté d'un grand nombre de notes personnelles, plusieurs notes lui furent communiquées - souvent à sa demande - par des membres de la République des Lettres tels Liebe ou PoiretGa naar eind112. Le cas le plus représentatif est celui de Le Duchat qui avait déjà fourni à Bayle nombre de remarquesGa naar eind113 et qui en envoya de nouvelles à Marchand pour la troisième éditionGa naar eind114. Notons d'ailleurs que Le Duchat avait envoyé une copie de ces notes à Des MaizeauxGa naar eind115 à qui il interdit formellement, dans une lettre très vive, d'en faire usage avant que Marchand ne les ait utilisées comme il l'entendrait: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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‘Que diroit-on de moi, que diroit-on de vous, Monsieur? De moi qui aurois retiré d'une main ce que j'avois donné de l'autre; de vous qui auriez abusé d'un dépôt qu'un ami vous avoit confié à toute autre intention’Ga naar eind116. Des Maizeaux ne pouvait donc ignorer que plusieurs remarques nouvelles n'étaient pas de la plume de Marchand, mais nulle part il n'y fait allusion. D'après Rétat, plusieurs des remarques rassemblées à la fin du t. 4 sont dues à Le DuchatGa naar eind117. Que conclure de ceci si ce n'est que Marchand a continué à concevoir le Dictionnaire - et la littérature en général - dans l'esprit même de Bayle, c'est-à-dire comme ‘une oeuvre collective composée de tous les efforts individuels vers la vérité du fait’Ga naar eind118. Sous cet angle, il ne s'agit plus de ‘corriger’ Bayle mais de participer avec lui, au sein de la République des Lettres, à la recherche de la vérité. Marchand prend encore le soin de signaler, dans son édition les apports des différentes éditions (main, gland) et d'indiquer que les remarques critiques publiées à la fin du quatrième tome sont de ‘diverses personnes’. L'édition de 1730, confiée à Des Maizeaux, éditera le tout pêle-mêle, sans distinction. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les dessous de l'affaireDevant les données et les appréciations contradictoires que l'on vient de lire, on est en droit de se demander quels sont les véritables dessous de toute la querelle entre Marchand et Des Maizeaux. Comme le fait très justement remarquer BroomeGa naar eind119, le destin des deux hommes est en grande partie parallèle: forcés par l'intolérance à se réfugier à l'étranger, ces deux Français développent activement, l'un en Hollande et l'autre en Angleterre, des talents communs. Journalistes, ils fournissent de la copie aux mêmes journauxGa naar eind120; correspondants infatigables, ils sont l'un et l'autre ‘au carrefour des idées et des hommes’ de leur tempsGa naar eind121, entretiennent souvent des relations amicales avec les mêmes personnes (Bignon, Collins, La Croze, Marais etc...) et remplissent tous deux un rôle de trait d'union entre auteurs et éditeursGa naar eind122. Ils réunissent autour d'eux une petite ‘cour’ refugiée, Des Maizeaux à Londres au Rainbow Coffee-houseGa naar eind123 et Marchand | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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à la Koffyhuis du Korte Voorhout à La HayeGa naar eind124. Ils portent également le même intérêt passionné au détail érudit et à la précision bibliographique, aux ‘minutiae litterariae’ comme le dira d'IsraeliGa naar eind125. Même l'anglophilie profonde de Des Maizeaux n'est pas étrangère à Marchand: beaucoup d'extraits dus à sa plume sont consacrés à des ouvrages d'Outre Manche ou intéressant l'AngleterreGa naar eind126. Marchand prendra d'ailleurs, pour quelque temps en tout cas, vers 1745, la direction de la Bibliothèque britannique, destinée précisément à faire connaître la littérature et l'histoire anglaises sur le ContinentGa naar eind127. Des Maizeaux avait été un des premiers rédacteurs de ce journalGa naar eind128. La correspondance de Leyde nous a permis d'établir récemment que Marchand avait même décidé de s'installer en Angleterre en 1726Ga naar eind129. Son intention était de s'y associer avec le libraire Isaac Vaillant, son ami qui, après avoir quitté l'Angleterre en 1715 pour s'établir à Rotterdam et puis à La Haye, vendit son fonds en 1725 et regagna l'Angleterre en février 1726Ga naar eind130. Bien qu'il ait quitté la Hollande sans idée de retour (il avait entre autres, emporté tous ses livres), Marchand regagna La Haye dès 1727. Il n'est pas impossible, à notre avis, que Des Maizeaux se soit senti menacé dans la place de choix dont il jouissait au sein du milieu réfugié londonien et qu'il ait été pour quelque chose dans le retour précipité de Marchand, retour qui semble avoir pris des allures de fuite. Vaillant ne restera pas sans le lui reprocher: ‘Si vous m'eussiez communiqué votre résolution positive et dont vous ne me parlâtes que comme d'une chose irresolüe, j'aurois peut-être trouvé le moyen de vous retenir et de vous contenter, vous me deviez ce me semble cette déférence de me communiquer votre intention de partir et les raisons qui vous y obligeoient, mais aussi je ne vous fait aucun crime de vous être dérobé; quoyque j'aye bien de la peine à vous pardonner votre fuite’. Nous retrouvons un écho semblable dans une lettre de Hogguer à Marchand: ‘Êtes-vous devenu Turc? Et cela étoit-il la cause que comme un autre Mohammed, vous étiés obligé de vous enfuir de l'Angleterre?’Ga naar eind131. Des Maizeaux avait plus d'une raison de nourrir une certaine haine contre Marchand: dans les trois éditions de Bayle dont nous avons parlé, il s'était vu coup sur coup évincé par lui. Ainsi, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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lorsque Fritsch et Böhm envisagent une réédition de Ce que c'est que la France toute catholique et du Commentaire philosophique, ils s'adressent d'abord à Des Maizeaux pour qu'il leur fournisse au plus vite des notes sur ces deux ouvragesGa naar eind132. Il s'exécute effectivement pour le premierGa naar eind133, mais le reste se fait attendre. Aussi les libraires de Rotterdam confient-ils le reste du travail à Prosper Marchand, depuis peu à leur service. Dans la suite, Des Maizeaux affirmera à un correspondant anonyme que Marchand avait modifié les notes envoyées de LondresGa naar eind134. Pourtant, peu auparavant, il avait déclaré au libraire Johnson qu'elles étaient bien de lui...Ga naar eind135. À ce premier motif de mauvaise humeur s'ajoute encore la résistance victorieuse de Marchand à l'insertion proposée par Des Maizeaux, d'une dédicace à son ami Anthony Collins de l'édition du Commentaire philosophique. Dans une lettre à Matthieu Marais, Marchand met lui-même un rapport direct entre ces deux éléments, rapport nié évidemment par Des MaizeauxGa naar eind136. Sur cet arrière-plan vint se greffer l'affaire de l'édition des Lettres choisies que nous avons évoquée plus haut. Mais les interférences ne s'arrêtent pas là: Dès 1707, Leers avait demandé à Des Maizeaux de l'aider à entreprendre une nouvelle édition du Dictionnaire de Bayle: soigneusement corrigée et augmentée d'articles non traités dans les deux premières éditions: ‘Je serai bien aise d'avoir les corrections que vous pourrez fournir au Dict. de Mr. Bayle...’Ga naar eind137. De plus, Leers souhaite également augmenter cette nouvelle édition d'articles non traités dans les deux premières. Des Maizeaux n'avait-il pas déjà fourni, à la demande de Bayle et bien dans l'esprit de la République des Lettres, de nombreuses remarques utilisées par le philosophe dans la deuxième éditionGa naar eind138? Des Maizeaux avait accepté de rédiger pour Leers quelques articles à titre d'essai et son choix s'était porté sur des savants anglais. Leers estima peu probable l'intérêt des érudits continentaux pour ce genre de sujets et l'affaire en resta làGa naar eind139. Certains des essais rédigés par Des Maizeaux ne furent cependant pas perdus puisque les vies de Chillingworth et de Hale, par exemple, furent ensuite utilisées pour la Biographia britannica or the lives of the most eminent persons who have flourished in Great Britain and Ireland, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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by Th. Birch, R. Lloyd a.o. London 1747-1766, t. 2 p. 1322-1329 et t. 4 p. 2475-2481. Lorsque Fritsch et Böhm eurent repris le fonds de Leers, ils s'adressèrent également à Des Maizeaux pour qu'il leur fournisse la Vie de Bayle qu'il promettait au public depuis longtempsGa naar eind140: rien n'aurait mieux convenu comme introduction à l'édition du Supplément qu'ils allaient mettre sous presseGa naar eind141. Ce plan échoua également, et la biographie de Bayle par Des Maizeaux ne fut publiée qu'en 1730, en tête de la quatrième édition du DictionnaireGa naar eind142. Pour saisir exactement la signification de l'antagonisme Marchand-Des Maizeaux, il ne faut donc pas perdre de vue le cadre psychologique extrêmement enchevêtré que nous venons de décrire. On le retrouve en filigrane derrière toutes les critiques, toutes les attaques que se lancent les deux adversaires et leurs partisans respectifs. Dans le cas spécifique du Dictionnaire cependant, un autre élément, peu mis en relief jusqu'ici, va jouer un rôle essentiel. Dans une lettre confidentielle, Samuel Masson confie à Des Maizeaux - sous le sceau du secret - qu' ‘il est de l'intérest des enfans mineurs de Mr. Leers, que cette nouvelle edition du Dictionaire de Mr. Bayle paraisse, afin qu'il puissent être payez de ce que Mrs. Fritsch et Böhm devoient à leur père qui avoit vendu son fonds à ces gens-là pour plus de 120.000 livres’. Or, Böhm, resté seul, doit encore la moitié de cette somme aux héritiers de Leers et seule la réussite de la nouvelle édition du Dictionnaire peut le sauver. ‘Ne se fiant pas au Sieur Böhm, qui s'est ruiné’, la veuve de Leers a d'ailleurs exigé qu'on imprime chez elle tous les exemplaires, qu'elle conservera en magasinGa naar eind143. Masson répète ces intéressantes précisions dans deux autres lettres où il insiste avec force sur le secret à garderGa naar eind144. Si l'édition de Rotterdam s'explique pour une part par ces circonstances financières particulières, la cabale organisée contre elle est fomentée également par des facteurs matériels découlant de la concurrence entre les maisons d'édition. Fabri et Barillot, qui avaient lancé l'édition genevoise de 1715 affirment bien que celle de Rotterdam ne saurait leur faire de tort puisqu'elle exigera encore plusieurs années de travailGa naar eind145, alors que la leur est presque | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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complètement vendue et qu'ils la compléteront sans difficultés en imprimant le Supplément dès sa parution (app. 14). Toutefois, l'écoulement de l'édition ne semble pas s'être fait aussi aisément qu'ils le prétendent. Fabri et Barillot avaient placé 500 exemplaires d'avance chez leurs confrères parisiens. Mais ils éprouvent quelques difficultés à s'en faire payer. Une nouvelle littéraire de Genève. parue dans le Journal littéraire de 1715 (app. 16, p. 227-228) et attribuée par du Sauzet à la plume de Marchand, met en doute le succès commercial de l'édition de Genève: elle ne pourra pénétrer nulle part en Europe et les vrais érudits attendront celle de Rotterdam... Plus loin, on reconnaît que quelques exemplaires ont bien pénétré en France (app. 16, p. 500)Ga naar eind146. On comprend donc facilement que les libraires de Genève aient cherché à mettre en sûreté leurs intérêts commerciaux. Ils avaient le choix entre une campagne publicitaire pour leur propre entreprise ou une attaque diffamatoire contre celle de Rotterdam. Or nous avons trouvé une lettre dans laquelle ils annoncent à Des Maizeaux qu'ils ont abandonné l'idée de faire insérer dans quelque journal une défense de leur édition et qu'ils se rallient à sa suggestion de rassembler en un recueil plusieurs pamphlets anti-Marchand. L'Histoire de la vie et des ouvrages de Mr. Bayle, nous l'avons vu, paraît en 1716Ga naar eind147. Marchand reprochera plus tard à Des Maizeaux de s'être ‘livré sans reserves aux libraires de Genève’ pour décrier son édition, ce que Des Maizeaux qualifiera d' ‘injures de crocheteur’Ga naar eind148. Nous partageons pour notre part l'opinion de Rétat selon laquelle le recueil en question n'avait d'autre but que de ‘jeter le discrédit sur la future édition du Dictionnaire de Rotterdam, 1720, de dénigrer par tous les moyens Prosper Marchand, qui la prépare et de vanter l'édition pirate de Genève’Ga naar eind149. De part et d'autre, donc, les intérêts économiques ne sont pas sans influer sur la querelle érudite. Cette dernière est encore envenimée par les querelles intestines déchirant la République des Lettres en général et l'intelligentsia réfugiée en particulier. Nous ne donnerons que trois exemples, pris parmi quantité d'autres, de l'hypocrisie régnant dans les correspondances consultées. Le Duchat écrit à Des Maizeaux, le 5 avril 1716, qu'il avait envoyé ses remarques sur le Dictionnaire | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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aux ‘Directeurs de la nouvelle édition, gens que je ne connoissois nullement’Ga naar eind150. Le fonds Marchand renferme une lettre des plus amicales du même Le Duchat, mais à Marchand cette fois-ci, en date du 7 mai 1715, lui rappelant qu'il le laissait entièrement libre d'insérer à sa guise ses notes dans l'édition, tout en étant persuadé qu'elles n'étaient guère à la mesure des notes remarquables dont Marchand avait enrichi les Lettres choisies...Ga naar eind151 Veyssière de La Croze, dont les relations amicales avec Marchand s'étendent de 1717 à 1739, félicite chaleureusement son ami de la magnifique édition du Dictionnaire. À Des Maizeaux, toutefois, il confie qu'elle est pleine de fautesGa naar eind152. Matthieu Marais joue la même comédie, laquelle tourne mal quand Des Maizeaux publiera une de ses lettres peu amènes pour Marchand... Marais s'en défendra en affirmant à celui-ci que Des Maizeaux ‘s'est servi’ de son nom et qu'il a rompu avec lui; ce qui s'avère d'ailleurs inexactGa naar eind153. Ces mêmes correspondants n'en philosophent pas moins volontiers sur la décadence de la République des Lettres, dont La Croze dira qu' ‘il n'y a guère d'état dans le monde où il se trouve plus de présomption, de mauvaise foi et de forfanterie’Ga naar eind154. Jalousie et haine y tiennent la dragée haute à l'érudition proprement diteGa naar eind155. Toutes ces querelles sont d'ailleurs souvent avivées par des tierces personnes intéressées d'une façon ou d'une autre à ‘échauffer la bile des antagonistes’, comme le fait remarquer la veuve de Moetjens à propos des calomnies contre Marchand communiquées à Des MaizeauxGa naar eind156. Marchand lui aussi recevra des mémoires injurieux sur son adversaire mais il dit renoncer à les utiliserGa naar eind157. Ce n'est que dans ce cadre à la fois psychologique et économique que nous venons de décrire que la cabale anti-Marchand peut être saisie dans toute sa complexité. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Marchand ‘bayliste’?Toutes ces complications peu avenantes ne doivent pas nous empêcher d'envisager le cadre philosophique du problème et de nous demander si - et en quoi - Marchand, éditeur de Bayle, était ‘bayliste’ selon le mot de Marais. Ce terme peut donner lieu à différentes interprétations, comme celle d'un Lanson, par | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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exemple, pour qui les ‘baylistes’ sont des hommes épris de vérité et volontiers sceptiques, peu enclins à se battre ouvertement pour leurs idées et préférant ‘jouir tout bas de leur liberté intellectuelle’Ga naar eind158. Nous n'utiliserons ici ce terme qu'au sens large, d'auteur qui travaille en s'inspirant des idées et de la méthode de Bayle. La correspondance de Marchand dénote chez lui, à plusieurs reprises, un trait qui est aussi une des caractéristiques les plus marquantes de la personnalité d'un Bayle: la liberté d'esprit. Pour Marchand, par exemple, ‘en fait d'autorité, Rome et Genève se ressemblent... comme deux gouttes d'eau’Ga naar eind159. Cette largeur de vues inquiétera même quelque peu son ami Benezet, quakerIll. 9a. March. 6, f. 20. Cf. app. 42, t. 1, p. 226-227 et app. 56, t. 1, p. 20-23.
J. André: Remarq ( ) Pag. 244. Banicontius. Mr. Bayle le nommoit Bonicontius dans la 1ère édition. Ces noms ne sont aparement bons ni l'un ni l'autre. Mais Bonincontius. C'est ainsi qu'il est écrit dans Bumaldi Script. Bononienses pag 41; Bonicontius, Bonicontus, at Bonincontius, dans Lipenii Biblioth. juridica, pag. 4; Bonicontus ou Bonincontius, dans Biblioth. Bodleiensis, pag. 98. Bonincontius dans Draudius pag. 840 et 844; et Bonincontus dans Struvii Bibl. jurid. pag. 281 et 286. Son traité de Accusationibus et Inquisitionibus est imprimé à Paris en 1522, à Francfort en 1587 in folio, et dans le tome XI du Tract. Tract. de Venise en 1584, son traité de Apellationibus, à Paris en 1512, et dans le tome V du Tract. Tractat. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Ill. gb. March. 6, f. 613r, Cf. app. 42, t. 4, p. 2809-2810 et app. 56, t. 2, p. 295-297 (sp. Rem. D).
Vergerius (Angelus) À la fin de la remarque (B). Le soupçon de Mr. Bayle se trouve confirmé tant par la Croix du Maine, qui se sert aussi du nom de Vergèce (Voiez l'addit. à la Rem. (D)) que par les lettres patentes de l'établissement des professeurs royaux, dans lesquelles il est nommé Angelo Vergetio, notre escrivain en grec. Ces lettres sont du mois de mars 1545, et se trouvent dans les notes de Mr. Baluze sur la vie de Castellan par Gallandius, pag. 150 et suivantes. Voiez Bibl. Baluz. Cod. Mss. num. 907. Mr. de Thou le nome de même Vergetius dans (son?) édition (- - - -) Genève 1626: celle de Mr. Bayle ou on lit Vergerius etoit apar. fautive. À la fin de la remarque (D). Un passage de La Croix du Maine nous apprendra touchant cet homme quatre ou cinq particularitez nouvelles, que je marquerai par des grandes lettres. Nicolas Vergece, dit-il, (pag. 356) Grec de nation, natif de Constantinople (selon aucuns) et neveu de Masser Angelo, homme tant renommé pour scavoir bien escrire en grec, et transcrire les livres rares en cette langue etc... Il a escrit quelques vers francois sur la mort d'Adrien Turnebe, outre ceux qu'il avoit fait en grec et en latin. Il a davantage composé quelques épitaphes sur la mort de feu messire Gilles Bourdin Procureur du Roi en Parlement de Paris, etc. Il mourut au pays de Normandie l'an 1570 où environ. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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réfugié à Philadelphie, que Marchand s'empresse de rassurerGa naar eind160. Sous la plume de deux autres de ses correspondants, nous trouvons d'ailleurs l'assurance que Marchand est toujours resté un ‘véritable chrétien’ et ‘un bon calviniste’Ga naar eind161. Ne voit-on pas là une ressemblance frappante avec le portrait spirituel que la critique nous fait de BayleGa naar eind162? Marchand compte d'ailleurs parmi les auteurs qui tentèrent de donner de leur plume un supplément au Dictionnaire de Bayle. Des Maizeaux, rappelons-le, s'y était aussi essayé mais avait finalement renoncé à l'entrepriseGa naar eind163. Les plus connus de ces ‘suppléments’ du Dictionnaire sont ceux de Chaufepié (app. 55) et de Marchand (app. 56), parus respectivement en 1750 et 1758. Ils firent récemment l'objet d'une étude particulière de R. GeisslerGa naar eind164 à laquelle nous nous référons largement dans ce qui va suivre. Comme Geissler n'a pas consulté la collection Marchand, nous sommes toutefois en mesure d'ajouter quelques éléments neufs à ses conclusions. Si l'on compare brièvement quelques éléments techniques et quelques notions primordiales relevées dans les Dictionnaires de Bayle et de Marchand, on constate tour à tour des similitudes manifestes et des dissemblances notoires. Tout comme Bayle - dont Brunetière dira: ‘cet homme était né pour conter par alphabet tout ce qui lui passerait par la tête; et voilà pourquoi son chef d'oeuvre est un dictionnaire’Ga naar eind165 -, Marchand écrit un dictionnaire alphabétique contenant un texte relativement succinct de nature biographique, de longues notes permettant toutes sortes de digressions et des notes marginales fournissant les références bibliographiques nécessaires. La présentation est donc tout à fait identiqueGa naar eind166. Marchand a toutefois tendance à limiter le texte plus encore que BayleGa naar eind167, mais à donner parfois à ses notes marginales des allures de commentairesGa naar eind168. Tout comme son illustre prédecesseur égalementGa naar eind169, Marchand s'attache principalement à des sujets ‘modernes’. Il va même plus loin puisque l'antiquité disparaît presque entièrement de son champ d'investigations. Il est intéressant de constater que, de l'aveu même de Marchand, plusieurs articles de son Dictionnaire reprennent en tout ou en partie des avertissements qu'il avait rédigés tout au long de sa carrière, entre autres pour les éditions | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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dont il avait été responsable. Ainsi, le texte de l'article Saint-Réal provient des avertissements rédigés par Marchand pour les trois éditions successives des OEuvres de cet abbéGa naar eind170, et celui de l'article Villon n'est autre que l'avertissement - augmenté de quelques nouvelles remarques - de l'édition 1742 des OEuvres de ce poèteGa naar eind171. Quant à la remarque sur l'article Salignac désignée par la lettre H et consacrée à Fénelon, elle reprend l'avertissement de Marchand aux Directions pour la conscience d'un roiGa naar eind172. D'autres articles proviennent des remarques critiques publiées à la fin du quatrième tome du Dictionnaire de Bayle de 1720, ‘communiquées par diverses personnes’ mais dont les éditeurs successifs s'accordent à dire qu'il faut les attribuer en grande partie à MarchandGa naar eind173. De plus, Marchand utilise parfois dans son Dictionnaire des précisions infirmant ou confirmant certains passages du Dictionnaire de Bayle, comme le montrent les deux exemples que nous reproduisons ici, pour l'article J. André (Bayle parlait à tort d'un Bonicontius - au lieu de Bonincontius) et pour l'article A. Vergerius, où un point de biographie de cet auteur se voit ratifié par Marchand (Ill. 9). Le choix des articles est donc - en partie du moins - basé sur les travaux divers exécutés par Marchand au cours de sa longue carrière, sur la quantité considérable de ‘mémoires’ qu'il y avait récoltée. C'est encore là un point commun avec Bayle qui pratiqua la même méthode pour la rédaction et les additions de son DictionnaireGa naar eind174. Les critiques du Dictionnaire de Marchand - publié après sa mort par son ami Allamand - ne manqueront pas d'insister sur la petite envergure de son style, ‘aride, chagrin et ennuyeux’ par rapport à celui de Bayle (app. 58, p. 59). Car non seulement la stérilité des digressions bibliographiques n'est guère faite pour passionner le lecteur (ibidem p. 57) mais de plus, les envolées philosophiques qui faisaient la grandeur et la beauté du style de Bayle font totalement défaut chez MarchandGa naar eind175. Ce même défaut, on le relève également chez ChaufepiéGa naar eind176, si bien que Voltaire dira très justement à notre avis: ‘les continuateurs ont cru qu'il ne s'agissait que de compiler. Il fallait avoir le génie et la dialectique de Bayle pour oser travailler dans le même genre’Ga naar eind177. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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C'est dire déjà que sur le plan des idées exprimées dans leurs dictionnaires, les différences entre Bayle et Marchand sont plus grandes. Une étude comparative approfondie dépasserait de loin le cadre de ce travail. Nous nous bornerons à relever la différence d'esprit très nette dans l'approche de trois thèmes fondamentaux pour l'ouvrage de Bayle: la fonction de l'érudition, la valeur de l'histoire, et la nature et l'ampleur de la tolérance. ‘L'érudition, qui initialement s'était présentée à (Bayle) comme un but, devient peu à peu pour lui un moyen’Ga naar eind178 qui lui permet de communiquer à ses lecteurs ses réflexions d'ordre philosophique. C'est là toute la différence avec le compilateur qui recopie ses recueils ‘bonnement à l'allemande’Ga naar eind179. Marchand, en effet, conçoit l'érudition comme une science autonome, comme un but en soi. La réalisation n'en est possible que sur la base de connaissances bibliographiques précises et certainesGa naar eind180. Il nous en donne des exemples marquants dans son Dictionnaire, comme l'Anti-Garasse ou De tribus impostoribus, auxquels les érudits n'hésitent pas à recourir encore aujourd'huiGa naar eind181. Cette minutieuse érudition est en rapport direct avec sa conception de la valeur de l'histoire. Le Dictionnaire de Bayle qui se voulait uniquement basé sur des recherches érudites approfondies et impartialesGa naar eind182 avait été le premier monument du nouvel esprit historiqueGa naar eind183. Et Marchand est donc bien un disciple de Bayle quand il fait de la critique des sources la condition sine qua non de la certitude historique si difficile à atteindre. Éditeur des OEuvres d'un Saint-Réal dont Bayle avait déjà relevé bien des fautesGa naar eind184, Marchand a fort bien compris la différence entre sources authentiques et récits historiquesGa naar eind185. Aussi est-ce avec un plaisir évident qu'il réussit à placer la Dissertation sur l'incertitude des cinq premiers siècles de l'histoire romaine de Louis de Beaufort qui ébranlera définitivement l'autorité de l'histoire-poésie et de l'histoire-romanGa naar eind186. C'est ce qui explique aussi l'acharnement avec lequel il a mené pendant des années une polémique contre Voltaire qui mérite très certainement une étude approfondie. Dans la correspondance et dans les papiers laissés par Marchand, on trouve en effet des dizaines d'allusions peu amènes et de critiques acerbes à l'égard de Voltaire. Plusieurs | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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éditions de ses oeuvres ont été furieusement annotées dans les marges par MarchandGa naar eind187. Ce qui ressort clairement de toutes ces notes critiques, c'est que l'irritation de Marchand contre Voltaire-historien trouve sa principale source dans les libertés poétiques qu'il s'accordaitGa naar eind188. Mais il est tout aussi clair que Marchand, érudit par goût et bibliographe par vocation, parvient difficilement à s'élever au dessus des détails établis avec certitude et à en dégager une ligne historique plus large ou plus directement utile à ses contemporains. Chez Bayle, ‘la critique historique combat pour la vérité’Ga naar eind189, et, ce faisant, elle travaille au bonheur de l'homme; chez Marchand, tout comme l'érudition, c'est une fin en soi. C'est enfoncer une porte ouverte que de dire que le thème de la tolérance est de loin le plus important chez Bayle. Sa tolérance, découlant à la fois de ses expériences personnelles et de son pyrrhonisme, a fait l'objet de nombreuses étudesGa naar eind190. Il faut y distinguer deux formes: la tolérance civile, d'une part, où le Prince doit s'élever au dessus des querelles de sectes, sans prendre parti et surtout sans se soumettre à l'autorité de l'un ou l'autre clergé. Cette forme de tolérance, bien loin de désorganiser la vie sociale, dit Bayle, devient au contraire le meilleur garant de son fonctionnement harmonieux. Et, d'autre part, la tolérance religieuse qui se manifestait déjà dans toute sa force dans le Commentaire philosophique où Bayle montrait comment le Compelle intrare n'a jamais pu, ne peut et ne pourra jamais être compris littéralement sans être en contradiction absolue avec l'essence même de la RévélationGa naar eind191. Corollairement, il y défendait les droits de la ‘conscience errante’: chacun se doit de suivre sa conscience en matière de religion, quitte à se tromperGa naar eind192. Tout au long des remarques du Dictionnaire, Bayle ne cesse d'exiger - outre la tolérance civile - cette liberté absolue de conscience pour l'homme en condamnant les persécuteurs de quelque confession qu'ils soient. Appliquant concrètement cet idéal, il s'efforce de juger impartialement les opinions passées et présentes. Ainsi le voyons-nous parfois approuver des positions catholiques et poursuivre à l'occasion des erreurs protestantes; ce qui n'empêche cependant pas une certaine virulence antiromaine de se manifester de façon ironiquement subtileGa naar eind193. Qu'en est-il chez Marchand? Son Dictionnaire, à tendance | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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nettement plus bibliographique que celui de Bayle, n'en poursuit pas moins la superstition, l'erreur et la persécution avec la même convictionGa naar eind194. Mais sur un ton polémique tel que quelques critiques de l'époque se montrent particulièrement choqués des injures à peine camouflées qui tombent de sa plume (app. 57, p. 409-410; app. 58, p. 59). Marchand ne manque pas de reprocher sérieusement à un coreligionnaire comme Burcher de Volder un orgueil qu'il juge peu chrétienGa naar eind195. Mais paradoxalement, il ne réussit pas lui-même à éviter une animosité vraiment virulente envers les ‘errements’ catholiques, dont surtout le culte des reliques et les miracles ont le secret de le mettre dans une rage indicibleGa naar eind196. Il s'acharne avec la même violence contre les ordres religieux en particulier, qu'il accuse de ‘profonde bêtise’ et de coupable ‘imbecillité’. Ainsi, nous lisons à propos de la défense franciscaine des Conformitez de la vie de Saint-Francois avec celle de Jesus-Christ, de Barthélémi d'Albizi: ‘Ce n'est pourtant pas que ces bons moines condamnassent sincèrement ces absurditez impies, quelque préjudiciables qu'elles fussent à leur ordre, et quelque grand tort qu'elles leur fissent dans l'esprit des honnêtes-gens. Bien loin de là: ils en prirent hautement, et même impudemment la déffense: et ils en sont encore aujourd'hui si follement infatuez, qu'ils ne sauroient résister à la tentation de les reproduire de tems en tems sous quelque nouvelle face, mais toujours à leur confusion...’ (app. 56, t. 1, p. 7, Remarque E). En parlant de ces mêmes Franciscains et des Dominicains, Marchand écrit plus loin: ‘Ces deux ordres ne sont donc pas moins criminels l'un que l'autre en fait de comparaisons et de Conformitez indécentes, et même irréligieuses...’ (app. 56, t. 1, p. 9, Remarque G). Quant aux Jésuites, Marchand les exècre d'une manière toute particulière. Sa correspondance fourmille de pointes cruelles à leur égard: dans une lettre adressée à un correspondant anonyme, il écrit, à propos du marquis d'Argens: ‘...si c'est là son Déisme, il le soutient incomparablement meilleur que la prétendue religion traîtresse et meutrière des confrères de son censeur; car il ne doute nullement que ce ne soit quelque jésuite déguisé, aussi hargneux et chicaneur que trembleur et vindicatif’Ga naar eind197. Allamand lui-même trouve l'agressivité de Marchand quelque peu encombrante et s'en excuse à | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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l'avance auprès du lecteur à qui il assure curieusement que personne n'a ‘porté la tolérance plus loin que lui (Marchand) comme on s'en convaincra aisément à la lecture de ses écrits’Ga naar eind198. Cette ambiguité se traduit pleinement dans une lettre à d'Argens, où Marchand lui dit avoir apporté quelque modification à une Lettre juive: ‘C'est celle où vous vous déchainez contre les Presbytériens sans les connoître et où vous admirez les Anglicans, que vous ne connoissez pas non plus. J'ai remédié à cela en ajoutant le portrait de ces derniers, qui sont les plus insolens mortels de l'univers. Peut-être les aimez-vous mieux parce qu'ils ont des évèques... Mais en vérité on ne pardonneroit point ce reste de préjugé à un aussi bon esprit que vous. De tous les Protestants, les plus estimables sont les Reformez, et de tous les Reformez les mennonites qui approchent le plus de la pratique simple et unie des Actes des Apôtres. Les Quakers seroient encore mieux sans leur inspiration incompréhensible dans des gens qui ne chantent et piallent que la raison. Mais voila l'homme en général: tout pétris de contradiction’Ga naar eind199. Une telle remarque ne serait jamais sortie de la plume d'un Bayle. Comment expliquer ce pas en arrière par rapport au philosophe de Rotterdam? Il y a certes une différence de caractère et de qualité littéraire entre les deux hommes: il n'est pas donné à tous de manier l'ironie avec autant d'art que BayleGa naar eind200. Mais il y a plus que cela. Au cours du XVIIIe siècle, la tolérance universelle prônée par Bayle en 1697 sera considérée comme subversive et on la réduira précautionneusement à une semi-tolérance à la JurieuGa naar eind201. La revendication d'une ‘conscience errante’ allait trop loin pour les Philosophes: si on se l'accordait facilement à soi-même, il était beaucoup plus difficile de la reconnaître aux autres. Il faudra attendre la Révolution pour la voir revenir en force et triompherGa naar eind202. Au temps où Marchand travaillait à son Dictionnaire - de 1718 environ jusqu'à sa mort en 1756 - la notion de tolérance à laquelle s'était haussé Bayle est déjà mise en sommeil. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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ConclusionEn conclusion, nous pouvons dire que les motifs profonds de la cabale du Dictionnaire de 1720 sont d'ordre à la fois personnel, matériel, érudit et spirituel. Des Maizeaux, que Marchand avait remplacé - peut-être involontairement - dans l'édition de trois ouvrages de Bayle, en avait conçu une solide animosité à son égard. Les infidélités - petites mais manifestes - de Marchand aux textes originaux de Bayle et la manière très personnelle dont il s'était acquitté de la tâche ingrate d'annotateur du grand philosophe, n'avaient fait qu'apporter de l'eau au moulin de cette haine. Le ton de la querelle avait vite atteint, surtout du côté de Des Maizeaux il faut bien le dire, une ‘brutalité qui ne convient guère à de vrais savans’ (app. 46 p. 297-298). Si Marchand s'était montré d'abord plus modéréGa naar eind203, les attaques réitérées dont il faisait l'objet ne manquèrent pas de l'aigrir, comme le prouvent ses dernières défenses (app. 45 et 51). C'est en vain que leurs amis respectifs les avaient exhortés à déposer une querelle si peu honorable pour la République des Lettres, ou en tout cas de mettre un frein à la vigueur de leurs invectivesGa naar eind204. Toute cette agitation autour de Bayle eut des conséquences bien plus importantes que l'enjeu même de la dispute. Comme le dit Paul Hazard, au XVIIIe siècle ‘Bayle est dans les mémoires; Bayle dirige les esprits’Ga naar eind205. La question est de savoir de quel Bayle il s'agit. Il est symptomatique, par exemple, que l'édition 1720 ait été à l'origine de l'éclosion d'une moisson de manuscrits philosophiques clandestins qui se réclament de Bayle et relèvent tout droit de la libre penséeGa naar eind206. Voltaire et d'Argens tireront chacun du Dictionnaire des échos bien différentsGa naar eind207. Les études récentes - surtout depuis celles de E. LabrousseGa naar eind208 - essayent de redresser l'image tendancieuse si longtemps acceptée d'un Bayle fils du libertinage éruditGa naar eind209 et père de l'esprit philosophique, d'un Bayle sceptique et déja voltairienGa naar eind210, d'un Bayle ‘docteur’ de l'incrédulitéGa naar eind211. Les Philosophes ne puisèrent dans l'arsenal du Dictionnaire que ce qui leur convenait, en identifiant anti-cléricalisme et anti-christianisme et en ignorant, volontairement ou non, le profond engagement religieux de BayleGa naar eind212. Croyant | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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et esprit libre, il tenta d'agrandir encore l'espace laissé à la liberté de pensée au sein de la tradition calviniste. C'est pourquoi il se heurta à la fois à l'opposition d'un certain milieu calviniste moins enclin que lui à encourager cette liberté du peuple de Dieu, et à l'incompréhension manifeste du monde catholique. Ce malentendu autour de l'héritage spirituel de Bayle ne fit que s'accentuer au cours du XVIIIe siècle. À l'intérieur de ce processus, l'édition que fit Marchand du Dictionnaire en 1720 eut pour corollaire bien involontaire une compréhension de plus en plus tendancieuse du grand philosophe de Rotterdam. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Liste chronologique des sources imprimées du XVIIIe siècle utiliséesNote préliminaireLa liste des sources imprimées du XVIIIe siècle que nous avons utilisées comprend des éditions, des ‘extraits’ ou critiques de ces éditions et des ‘nouvelles littéraires’ rapportées - réellement ou fictivement, nous ne sommes pas en mesure de le préciser - par des correspondants résidant dans diverses villes d'Europe. Ces nouvelles littéraires annoncent tantôt la mise sous presse, tantôt la parution de tel ou tel ouvrage et mentionnent parfois certaines particularités relatives à l'ouvrage en question ou à son impression. Nous avons opté pour un ordre chronologique strictement basé sur la date de parution mentionnée sur la page de titre des ouvrages et journaux consultés. Nous mentionnons, au sein d'une même année, d'abord les ouvrages et journaux ne portant qu'une simple indication d'année: ils sont rangés alphabétiquement par nom d'auteur ou titre de journal. Ensuite viennent, chronologiquement, les articles de journaux portant une indication de mois. Différents passages d'un même ouvrage ou plusieurs articles d'un journal datant d'une même année sont classés suivant l'ordre consécutif des pages. Les ouvrages ou articles correspondant entre eux font l'objet de renvois internes au sein de la liste. Les titres des journaux sont abrégés comme suit: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Liste des abréviations
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