De Gulden Passer. Jaargang 46
(1968)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermdf. 1 voOde
pour le Conservatoire des amis d'Abraham Ortelius d'Anvers géographe du roi
Celui qui le premier décida de réunir dans un album les noms aimés de ses compagnons, celui-là, cher aux dieux, voulait honorer la fidélité par une loi plus scrupuleuse. Car il entendait que les affections vivent toujours et que, profitant d'une étroite contrainte, les engagements, pris par une main droite fidèle, restent valables éternellement. C'est pourquoi, lorsqu'il vit les saints traités exposés aux temps oublieux et périr le nom de l'amitié, rompue par l'éloignement dans l'espace, Alors, conseillé par le Ciel, il inventa un moyen pour que l'amour d'origine divine fût éternel, pour que les années à venir se souviennent des traités conclus. | |
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Car, ainsi que le sanctionna la Muse comique du Callimaque OmbrienGa naar voetnoot1, à mesure que l'amour s'éloigne des yeux, il s'éloigne aussi de la pensée et se perd léger dans les airs. | |
f. 2C'est pourquoi, suivant le conseil de la déesse que les poètes honorent avec raison comme la mère de l'Amour, il convia les hommes à inscrire dans des tablettes les amours qui leur sont précieuses. ‘N'enfermez pas vos amis dans vos coeurs seulement, dit-il. Les écrits sont plus fidèles: qu'ils gardent les noms gravés et les traités garantis par les signatures.’ Tout homme qui préparerait un cahier pour cet usage, a pris un conseil pieux afin de servir les traités et d'enfermer l'amour dans des formes connues. Celui qui de la sorte aura inscrit son nom sur l'album, et pris Phoebus comme garant de l'alliance, rendra celle-ci durable, car elle est sacrée pour Phoebus et pour Jupiter Protecteur de l'amitié. De la sorte aussi on saura que les amis qu'un homme a aimés autrefois resteront les amis après la mort, liés à lui par des liens étroits en une affection réciproque. Bien plus, les grands approuvent cette résolution: lorsque les rois concluent de nouveaux accords, ils demandent des tablettes et font confirmer par des témoins les traités inviolables. | |
f. 2 voTandis que tu t'efforces d'imiter cette sagesse d'une Vénus plus céleste, Abraham, tu montres par un exemple à suivre quel amour t'a brûlé le coeur. Tu montres en même temps l'agréable alternance de ta destinée, toi qui, tandis que tu honores tes compagnons et aimes tes amis, es en retour honoré, aimé d'eux à un égal degré. C'est ce que prouve la page de ton album consacrée à l'amour par un décret scrupuleux, ornée par des amis Belges, Anglais, Espagnols, Italiens. De même que l'aimant entraîne le fer et que l'ombre suit le corps, toi tu les as attirés par le charme de tes vertus et, par amitié, les as enchaînés à tes lois. Un jour, de lointains descendants liront mon nom parmi les autres, moi qui ai engagé mon nom et ma foi sur tes tablettes, promesse d'une éternelle amitié. De même que la nature par le sang, ils apprendront que l'amour qu'elle engendre nous a unis par sa flamme; Minerve enfin a lié nos âmes d'une chaîne plus étroite. | |
f. 3En effet, Abraham, d'un triple pacte la Nature, l'Amitié et Pallas nous lient et nous sommes enchaînés par le lien de la famille, du caractère et de l'intelligence. Des accords conclus sous de tels auspices divins, aucun désaccord | |
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ne les dénouera, de même que ces pages conservent nos noms, l'amitié reste fixée dans nos moëlles. Comme Rogers pour son cher Ortelius, ainsi Ortelius pour son cher Rogers. Quand le destin les séparera, ils resteront identiques l'un pour l'autre. Si perfide je manque à l'accord, que Némésis réclame de lourdes peines à ma tête coupable et qu'Apollon me rejette des bosquets des Muses.
Au génie d'Abraham Ortelius AduatiqueGa naar voetnoot1 géographe royal, remarquable par ses vertus et sa science étendue, Daniel Rogers de Wittenberg, anglais, offrit cet ode comme témoignage mortel d'un amour immortel, en reconnaissance au mériteGa naar voetnoot2, à LondresGa naar voetnoot3, en l'année 1578 après la naissance du Sauveur du Monde.
Daniel Rogers (Wittenberg, vers 1538-Sunbury, 1590) humaniste et diplomate, cousin d'Abraham Ortelius. Élève de Mélanchton, il se rallia au parti calviniste et se fit naturaliser anglais en 1552. Ami de l'historien Camden, Rogerius fut secrétaire de plusieurs ambassadeurs anglais, puis lui-même, engagé dans la carrière, remplit des missions diplomatiques en France, en Allemagne, au Danemark et dans les Pays-Bas. Il écrivit un poème latin pour préfacer le Theatrum Orbis Terrarum, 2e édit. (Anvers, 1570) d'Ortelius. Dictionnary of National Biography, t. XVII, 1909, art. de Sidney Lee. |