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Béatrix
Légende du XIIIe siècle
Traduite pour la première fois du flamand en francais
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Le poème dont on va lire la traduction est un des nombreux éerits que la piété d'autre fois consacra à célébrer les miracles de la Vierge. Les Flamands le tiennent à juste titre pour l'un des chefs-d'oeuvre de leur riche littérature médiévale.
La donnée, fort ancienne, - puisqu'on la trouve déjà dans le Dialogus miraculorum que Caesarius, moine d'Heisterbach, près de Koeningswinter, acheva en 1222, - étaitbien connue du moyen âge.
On ignore le nom de l'auteur. L'allure générale du vers et certains autres indices semblent montrer qu'il florissait vers la fin du xiiie siècle. Wichmans place le miracle de Béatrix dans un couvent brabançon situé près de Louvain.
Le manuscrit, qui comprend 1038 vers, est à la Bibliothèque Royale de La Haye. Jonckbloet, qui l'édita, en fait la description suivante: ‘Notre légende comprend, quatorze feuillets de parchemin, à deux colonnes, chacune de 37 vers. La capitale V qui la commence est dorée et enferme une petite miniature où l'on voit la Sainte Vierge, parée d'une robe rouge, par dessus laquelle un manteau bleu. Son bras gauche porte l'enfant Jésus; la main droite tient une fleur à longue tige. A sa gauche, une religieuse est à genoux, les mains jointes: il semble qu'elle vient
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de franchir une porte. Elle est vêtue d'une robe grise et d'un chaperon ou capuchon noir. Les capitales, à chaque grande division du poème, sont alternativement dorées et bleues: les bleues sont rehaussées d'ornements d'or; les dorées, d'arabesques bleues. Les majuscules, en tête de chaque vers, sont traversées d'un mince trait rouge. L'écriture, belle et fort délicate, est duxive siècle.’
Charles Nodier a donné de la Légende de Béatrix (Contes de la Veillée, pp. 75-97) une adaptation, d'après l'hagiographe Bzovius. Kaufman signale une paraphrase espagnole, où Villiers de l'Isle-Adam paraît avoir puisé la donnée d'une oeuvrette intitulée: Soeur Natalia, et reproduite dans les Nouveaux Contes cruels et Propos d'au-delà.
Le métier d'écrivain me procure peu d'éclat. On me conseille de l'abandonner et de n'y plus dépenser mon esprit.
Néanmoins, pour l'amour de Celle qui fut tout ensemble mère et vierge, j'entreprends le récit d'un beau miracle que Dieu permit, sans doute afin d'honorer Celle qui le nourrit de son lait.
Je commence donc et je dirai en vers l'histoire d'une religieuse. Que Dieu me donne de bien remplir ce dessein et d'accomplir oeuvre bonne, tout entière selon la vérité. - Tel le récit que me fit frère Giselbert, moine de l'ordre de Saint Guillaume. Il l'avait trouvé dans ses livres et c'était un homme plein de jours.
La religieuse dont je parle était vertueuse et de conduite pure. Je suis certain qu'aujourd'hui l'ou n'en trouverait aucune qui lui fùt comparable pour les bonnes moeurs et la modestie. Il ne sied point que je loue chacune des parties de son corps, ni que je décrive sa beauté. Je vous dirai quel fut son emploi durant le long temps que, vivant au clottre, elle porta la robe. Elle était sacristine et je puis certifier que, le jour comme la nuit, elle ne montrait ni lenteur ni paresse. Elle était prompte à l'ouvrage: elle sonnait la cloche de la chapelle, prenait soin des ornements et des lampes et ne manquait pas, au temps marqué, de réveiller tout le couvent.
Cette damoiselle connut la puissance de l'Amour, lequel fait grandes merveilles par tout le monde. Parfois il engendre honte, tourments, souffrances, emportements; il apporte parfois joie et félicité. Du sage, qu'il le veuille ou non, il fait un fou et malgré tout le comble de douleur. Il abat tellement celui-ci qu'il ne sait plus ce qui vaut mieux pour son profit, parler ou se taire. Il terrasse celui-là, qui ne se relève que quand il le permet. Il rend généreux tel qui serait fort aise de garder pour lui ses présents, s'il n'écoutait le conseil de l'Amour. Il est aussi des hommes d'une telle constance qu'ils se partagent toutes choses, grandes et petites que leur envoie l'Amour: bonheur, joie et deuil. Un tel attachement, je le nomme amour fidèle.
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Enfin, je ne saurais dire tous les biens et les maux qui dérivent des ruisseaux de l'Amour. Que l'on n'aille done point condamner la religieuse qui ne put échapper à l'Amour qui la tenait prise en ses rets. Le diable, en effet, cherche sans répit à tenter l'homme: il n'a de cesse ni le jour ni la nuit et il y emploie toutes ses forces.
Par d'abjectes ruses, il s'efforçait d'induire notre religieuse dans la tentation de la chair, en telle manière qu'elle pensa mourir. Elle implorait Dieu, suppliant qu'il la réconfortàt de sa grâce. Elle disait: ‘Je suis accablée d'un tel faix d'amour, je porte une telle blessure, (et il le sait. Celui qui sait tout, Celui pour qui rien n'est secret), que mon mal me fera tomber dans l'égarement. Il faut que je mène une autre vie; il me faut quitter ce vêtement’.
- Écoutez donc ce qui lui advint ensuite.
Elle dépêcha au jeune homme qu'elle aimait de grand amour un messager muni d'une lettre; elle priait tendrement qu'il se hâtât de venir à elle, ajoutant qu'il y trouverait avantage. Le messager s'en fut vers la demeure du jeune homme qui reçut et lut la lettre de son amie. Il se réjouit en son coeur et s'empressa d'aller vers elle. Depuis l'âge de douze ans tous deux s'aimaient d'amour en sorte qu'ils souffrirent bien des tourments.
Il gagne à cheval, aussi vite qu'il peut, le cloitre où elle demeurait. Il s'asseoit sous la petite fenêtre, n'ayant qu'un ardent désir: entretenir son aimée et la voir s'il se peut. Elle ne se fait guère attendre. Elle vient et elle eùt voulu le joindre sous la fenêtre qui était toute close de barreaux de fer.
Longtemps ils demeurent à soupirer: il était dehors, elle était à l'intérieur et un bien puissant amour les consumait. Ils furent ainsi une grande heure et je ne saurais dire combien de fois changea la couleur de leur visage. Elle dit: ‘O mon ami, ô toi qu'élut mon amour, la peine que je souffre est grande; dis-moi quelques paroles qui relèvent mon âme. Je suis celle qui a besoin de tes consolations. Le dard de l'amour me perce le coeur. C'est pourquoi je ressens une douleur profonde, et je n'aurai plus de joie avant que tu ne l'aies arraché.’
Il répondit tendrement: ‘Tu sais, ô ma chère aimée, depuis quand nous nous aimons: depuis tous nos jours. Jamais encore nous n'eûmes le loisir d'échanger un seul baiser. Madame Vénus, la déesse qui mit cet amour en notre âme, puisse Dieu la punir, elle qui permet que deux fleurs si belles se fanent et se flétrissent. Que ne puis-je obtenir de toi que tu quittes cette robe; que tu me dises un jour où je pourrais t'emmener d'ici? Je m'en irais tout à l'heure acheter, pour toi, de beaux vêtements de laine fine que je ferais garnir de fourrure, le manteau, la jupe et le corsage. Je ne t'abandonnerais en aucune extrémité. Avec toi, je me veux hasarder au milieu de la vie, partager avec toi la douceur et l'amertume. Reçois ma foi en gage.’
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‘Mon bien-aimé, répondit-elle, je l'accepte volontiers et je veux avec toi aller si loin que personne en ce couvent ne saura notre retraite. Viens le soir de la huitième nuit, et attends-moi làbas, dans le verger, sous un églantier. Attends-moi là. Je viendrai, car je veux être ta femme et aller où tu voudras. A moins que je ne prenne quelque maladie ou qu'il n'y ait quelque autre grave obstacle, je viendrai bien certainement. Et je désire ardemment que tu sois là, ô mon cher seigneur.’
C'est ainsi qu'ils se promirent l'un à l'autre.
Il prend congé d'elle et gagne l'endroit où l'attend son cheval prêt à être monté. Promptement il se met en selle et suit la route qui s'allonge, parmi les vertes prairies, vers la ville.
Il n'oublie point son aimée. Le lendemain, il s'en va par la ville; il achète du drap bleu et écarlate dont il fait faire un manteau et un chaperon soigneusement confectionnés, une jupe et un corsage, le tout bien doublé. On ne vit jamais fourrures plus belles portées sous ajustements de femme: tous ceux qui les virent les admiraient. Il acquiert aussi une dague, une ceinture et une aumônière, tout cela beau et précieux, et des coiffes et des anneaux d'or et des parures de toute sorte. Il rassemble, en un mot, tous les ornements que peut désirer une épousée. Il prend aussi cinq cents livres d'argent et un soir, dans l'obscurité, secrètement il quitte la ville, ayant chargé toutes ces richesses sur son cheval. Il se dirige vers le clottre, atteint le verger et l'endroit qu'elle avait dit, sous un églantier.
Assis sur l'herbe, il attend la venue de sa bien-almée.
J'interromps ici son histoire, afin de vous parler d'elle, si belle et si délicate.
A minuit elle sonne matines: l'amour lui faisait grand mal... Lorsque toutes les soeurs du couvent, jeunes et vieilles, ont chanté l'office et regagné le dortoir commun, elle demeure seule dans le choeur et dit les prières qu'elle avait accoutumé de dire. Elle s'agenouille devant l'autel, et, pleine de douleur, elle s'écrie: ‘O Marie, ma mère au doux nom, voici que mon corps ne peut plus porter cette robe. Vous connaissez le coeur de l'homme que vous voyez à toute heure, et sa nature faible. J'ai jeùné, j'ai prié, je me suis infligé les macérations: toutes mes austérités furent vaines. L'Amour me tient sous ses pieds et il me faut vivre parmi le siècle. Comme il est vrai, ô Seigneur, que vous fùtes crucifié entre deux larrons et qu'on vous étendit sur la croix, comme vous avez réveillé Lazare, cadavre endormi au tombeau, ainsi vous devez savoir ma détresse et me pardonner cette offense. Il me faut tomber en mortel péché.’
Ayant dit, elle quitte le choeur et va vers une image de Notre-Dame. Elle se prosterne en priant, et, sans nulle crainte, elle dit:
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‘O Marie, nuit et jour je t'invoquai. J'ai mis à tes pieds ma peine et pourtant elle ne s'allège en rien. Je perdrai la raison si je continue de porter cette robe.’ Elle détache sa coiffe et la dépose sur l'autel de la Vierge, puis elle òte ses chaussures. - Ecoutez ce qu'elle fit ensuite. - Elle suspend les clefs de la sacristie devant la statue de Marie, et cela, je le puis assurer, afin qu'on les découvrit aisément si on les recherchait à l'heure de prime. Personne, en effet, ne passe devant une image de la Vierge, sans s'arrèter pour dire un Ave Maria avant de poursuivre. C'est pourquoi elle mit là les clefs.
Sa détresse la contraignait à partir. Elle s'éloigne, couverte seulement d'un jupon. Par une petite porte connue d'elle et qu'elle ouvre adroitement, elle sort à la dérobée et sans faire de bruit. Toute tremblante, elle gagne le verger. Le jeune homme la reconnait et dit: ‘Bien-aimée, sois sans crainte, c'est ton ami que tu vois.’ Elle se prit à rougir, car il la trouvait en jupon, tète nue et nu-pieds. Il dit alors: ‘O corps merveilleux, les beaux atours et les robes précieuses te conviendraient certainement. Si tu ne t'en irrites point, je vais te les donner sur le champ.’ Ils allèrent sous l'églantier et il lui présenta tout ce qui lui était nécessaire. Il s'était bien pourvu. Il lui donna quatre robes: celle qu'elle revètit était bleue, bien faite et lui seyait bien. Il lui sourit tendrement et dit: ‘O aimée, combien mieux te sied ce bleu de ciel que la robe grise d'autrefois!’ Elle mit aussi deux bas et deux souliers de cordouan et cela lui seyait mieux que les sandales de jadis. Il lui donna enfin une coiffe de soie blanche, qu'elle ajusta sur sa tète. Puis, tendrement, le jeune homme la baisa sur la bouche. Et comme elle se tenait devant lui, il lui sembla que s'annonçait la splendeur du jour.
Il fut en hâte vers son cheval et la prit sur la selle, devant lui. Ayant chevauché devant eux jusqu'aux premiers feux du jour, ils virent que nul ne les poursuivait. L'Orient commencait de s'éclairer. Elle dit: ‘O Seigneur, consolation du monde entier, maintenant protégez-nous, car nous en avons besoin. Voici que le jour se lève. Si je ne fuyais avec toi, j'aurais sonné l'office de prime, comme je faisais de coutume au couvent des religieuses. Je me repentirai, je le crains, de cette fuite. Car la flance du monde est petite, et c'est d'elle néanmoins que j'attends tout mon bonheur. Elle est semblable à celle du rusé marchand qui vend des anneaux d'or faux comme étant d'or véritable.’
‘Ah! que dis-tu, chaste amie? si jamais je t'abandonne, puisse Dieu me chàtier. Où que nous allions, en aucune extrémité, je ne me veux éloigner de toi. La mort inexorable seule nous séparera. Gomment peux-tu douter de moi? Jamais tu n'as éprouvé que je fusse artificieux ou de mauvaise foi. Depuis l'instant où je te vis pour la première fois, jamais en mon coeur je n'aurais pu aimer même une impératrice. Et si j'en étais digne, je ne te quitterais
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point pour elle: de cela sois bien certaine. J'ai recueilli cinq cents livres d'argent fin, que j'emporte avec nous; tu en seras maitresse, ô aimée. Et, bien que nous allions vers une contrée étrangère, nous passerons sept années sans devoir engager aucun bien.’
Ayant poursuivi leur route, ils atteignirent au matin un bois où les oiseaux se réjouissaient. Ils formaient un tel concert qu'on les entendait de toutes parts, et chacun d'eux chantait selon sa nature. Dans la verte campagne étaient les belles fleurs épanouies, de belles fleurs au doux parfum. Le ciel était éclatant et pur. Il y avait beaucoup d'arbres robustes et bien couronnés de feuillage.
Le jeune homme regarda sa chaste amie qu'il aimait d'amour infini. ‘S'il te plait, dit-il, ô aimée, mettons pied à terre et cueillons des fleurs. Cet endroit me semble très beau. Jouons-y donc au jeu d'amour. - Que me dis-tu, répondit-elle, ô manant vilain? Me coucherai-je sur l'herbe comme une femme misérable qui fait argent de son corps? Je montrerais peu de pudeur. Si tu n'étais né manant, tu parlerais d'autre sorte. Je puis me dire malheureuse: que Dieu haïsse celui qui dit de telles choses. Ne tiens donc plus ces propos. Ecoute les oiseaux des vallons qui chantent et qui se réjouissent: l'attente te sera moins lourde. Quand je serai près de toi, toute nue en un lit bien dressé, fais alors tout ce qui te plait, tout ce que ton coeur désire. Mais j'ai peine grande de ce que tu m'as proposé.’
Il répondit: ‘Bien-aimée, ne t'irrite point. C'est Vénus qui m'a conseillé. Que Dieu m'envoie honte et malheur si jama is je te parle encore en tels termes. - Je te pardonne, dit-alle, et tu es mon soutien par-dessus tous les hommes qui vivent sous le ciel. Si le bel Absalon vivait encore, si j'étais sùre de vivre avec lui mille ans de vie amusée et oisi te, je ne le souhaiterais point. Je te mets tant au-dessus de tout, que rien de ce qu'on m'offrirait ne ferait que je t'oublie. Si je me trouvais au ciel et que tu fusses sur la terre, je viendrais à toi, certainement. Ne punissez pas, ô mon Dieu, ma parole insensée, car nulle félicité d'ici ne se peut comparer à la moindre des joies du ciel. La plus petite joie y est si parfaite, que l'àme ne désire rien qu'aimer sans fin Je Seigneur. Toutes les choses de la terre ne sont que pauvreté et n'ont, au prix des choses célestes, aucune valeur. Et ils sont sages, ceux qui souffrent en vue de celles-ci. Moi, cependant, j'erre et il me faut tomber en grands péchés. Mais c'est pour toi, mon aimé et mon bel ami.’
C'est ainsi qu'il devisaient, franchissant monts et vallées. Il ne sied point que je dise exactement tout ce qui se passa entre eux. Ils poursuivirent leur chevauchée jusqu'à la porte d'une belle ville, qui s'élevait au fond d'une vallée. L'en droit leur plut. Ils y demeurèrent sept années, menant joyeuse vie et contentant les désirs de la chair. Il leur naquit deux enfants. Au bout de ces sept années, ayant dissipé tout leur argent, il ne leur resta, pour vivre, que les choses qu'ils
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avaient apportées. Vêtements, bijoux, cheval, ils vendirent tout à moitié prix. Gela aussi fut bientòt épuisé. Alors ils ne surent que faire pour vivre. La quenouille aurait pu lui donner quelque chose, mais elle ne savait point filer.
Or en ce temps-là, par tout le pays, les viandes, le vin, la bière et les vivres de toute nature enchérirent souda in. Ils endurèrent les privations les plus cruelles, mais ils se fussent laissé mourir plutôt que de mendier leur pain. La misère les éloigna l'un de l'autre, non sans qu'ils ressentissent une grande douleur. L'homme, le premier, rompit la fidélité: il la laissa dans un dénùment profond et regagna son pays. Depuis, leurs yeux ne se revirent plus. Auprès d'elle étaient ses deux enfants, d'une beauté extraordinaire.
Elle dit: ‘Voici enfin l'épreuve que je n'ai cessé de redouter. Je demeure au milieu des souffrances. Il m'abandonne, celui en qui j'avais mis toute ma foi. Madame Marie, daignez, s'il vous plait, prier pour moi et mes deux petits, afin que nous ne périssions point par la faim. Que me faut-il faire, misérable femme que je suis? Il me faut me souiller, corps et âme, par une vie de pêché. Secourezmoi, Madame Marie. Si je sayais filer la quenouille, cela même, en deux semaines, ne me donnerait pas un pain. Ma détresse me contraint de quitter la ville et d'aller par les champs vendre mon corps, pour acheter de quoi vivre. Car jamais je ne pourrai abandonner mes enfants.’
C'est ainsi qu'elle entra dans la vie de péché.
Car je l'affirme, on m'a conté qu'elle alla par le monde, durant sept années, se prostituant, souillée de maints péchés qui lui étaient insupportables. Sa chair, vendue à vil prix, ne tressaillait d'aucune joie; elle ne se donnait qu'en vue du maigre salaire dont elle nourrissait ses enfants. Que servirait de peindre ici toutes les honteuses et mortelles iniquités dans lesquelles elle demeura quatorze ans?
Jamais pourtant, dans sa douleur et ses larmes, elle n'omit de dire fidèlement, chaque jour, les sept douleurs de Notre-Dame, en l'honneur de la Vierge, afin qu'elle la délivràt de cette vie de scandale qui fut la sienne pendant quatorze années. Je l'affirme en vérité: car elle avait aussi passé sept ans avec l'homme dont elle eut deux enfants et qui l'abandonna dans la privation et dans la profonde détresse... - Je vous al dit tout cela. Ecoutez ce qui advint ensuite. -
Au bout de quatorze ans, Dieu fit naitre en son coeur un tel repentir que certes elle se fùt laissé trancher la tête avec un glaive, plutôt que de commettre encore les péchés de jadis. Elle pleuraitle jour et la nuit et les larmes de ses yeux ne séchaient plus. ‘Madame Marie, dit-elle, vous qui avez nourri Dieu, vous qui entre toutes les femmes êtes pareille à une fontaine, ne me dédaignez point dans ma détresse. Je vous prends à témoin, ô Madame. Voyez, je me repens de mes péchés; voyez la douleur qu'ils me causent. Ils sont
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si nombreux que j'ignore où et avec qui je les ai pu commettre. Hélas! que vais-je devenir? Qu'il me faut redouter le Jugement suprême! Car les yeux du Seigneur voient ce qui est caché. Et ce jour-là tous les péchés seront connus, ceux des pauvres et ceux des riches, et toute faute sera punie que l'on n'a point confessée ni rachetée par la pénitence. Je sais tout cela, à n'en point douter, et j'en suis bien effrayée. Si j'allais tous les jours, vètue d'une haire de laine rude, sans chaussures, me traînant ça et là sur les mains et les pieds, cela même ne pourrait racheter mes iniquités, si vous n'avez pitié de moi, ô Marie. Fontaine de miséricorde, vous avez relevé tant de pécheurs, ainsi que vous fites pour Théophile. Il était un des plus grands pécheurs. Il avait vendu au démon son âme et sa vie; il était devenu sa chose. Et cependant, ô Madame, vous l'avez délivré. Moi, je ne suis qu'une pécheresse et une misérable gueuse. Mais, quelle qu'ait été ma vie, souvenez-vous, ô Marie, que jamais je n'omis de prier en votre honneur. Soyez-moi secourable. Je suis une femme qui s'afflige et j'ai grand besoin d'assistance: c'est pourquoi j'ose vous implorer. Vous ne laissez pas sans récompense celui qui chaque jour vous salue, ô Vierge, d'un Ave Maria. Ceux qui se plaisent à dire cette prièré peuvent être assurés qu'ils en auront avantage. Cette prière vous est si agréable! Vous, Madame, l'épouse du Seigneur, votre fils qui vous cherchait vous envoya un message tel que jamais messager n'en remit à personne. C'est pourquoi il est certain que ces mêmes paroles vous plaisent et que vous exaucez celui qui vous
les adresse. Celui-là eût-il même commis les plus grands péchés, vous savez lui apporter le pardon, vous savez le défendre auprès de votre fils.’
C'est ainsi que chaque jour la pécheresse priait et se lamentait. Pauvre, menantses deux enfants par la main, elle s'en fut de bourg en bourg, vivant d'aumônes. Elle erra si longtemps qu'elle parvint enfin au cloître qui l'avait vue religieuse. C'était le soir, le soleil couché. Elle franchit le seuil d'une veuve et demanda un gîte pour la nuit, par charité, ‘Je ne puis vraiment vous chasser, dit la veuve, vous et vos petits enfants. Ils paraissent bien las. Reposez-vous, asseyezvous. Ce que vous donne le Seigneur, je vous le donnerai à mon tour, en l'honneur de sa Sainte-Mère’. Elle demeura donc avec ses enfants. Elle désirait ardemment savoir des nouvelles du cloître. ‘Dites-moi, bonne hôtesse, ce couventest il un couvent de femmes? - Oui, c'en est un, à la vérité et il est riche et puissant. Ou n'en sait point de pareil. Jamais je n'entendis parler mal des religieuses qui y portent le voile, jamais je n'ouïs les blâmer.’
Et celle qui était là assise auprès de ses enfants, dit: «Comment pouvez-vous parler en tels termes? On m'a parĺé, ces dernières semaines, dúne religieuse d'ici. Si je ne fais erreur, elle devait être sacristine. Celui qui me l'a dit n'est pas menteur. Elle s'enfuit du couvent, quatorze ans déjà passés. Jamais plus on n'apprit rien
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d'elle, ni du pays où elle mourut.’ La veuve pleine de colère, s'écria: ‘Vous délirez, je crois. Ne dites plus de telles paroles sur le compte de la sacristine, sans quoi, je vous jette à la porte. Pendant ces quatorze dernières années, elle n'a point laissé ses fonctions, même pour une heure, à moins qu'elle ne fùt malade. Il serait plus méchant qu'un chien, celui qui médirait d'elle. Ses pensées sont aussi pures que le furent jamais celles d'une religieuse. Et personne, visitant tousles cloîtres qui sont de l'Elbe à la Gironde, ne trouverait femme menant une vie plus sainte.’
A celle qui avait péché ces paroles semblèrent étonnantes. ‘Dismoi, demanda-t-elle, quels furent ses père et mère? La veuve les nomma tous deux et elle connut qu'il s'agissait bien d'elle. Vous savez, ô Seigneur, comme elle pleura la nuit, à sanglots étouffés, agenouillée devant sa couche. Elle s'écriait: ‘Je n'ai, pour acheter ma grâce, que le repentir de mon coeur. Soyez-moi secourable, ô Madame Marie. Mes iniquités m'affligent au point que sije voyais un four allumé et tout ardent, dont la bouche vomit des flammes, j'y entrerais avec joie si je pouvais ainsi consumer mes fautes. La désespérance vous faithorreur, ô mon Dieu, cela me donne confiance. Je suis celle qui toujours espère le pardon, bien que l'affliction m'accable et m'écrase intérieurement. Aucun pécheur, depuis que vous êtes descendu sur terre, ayant pris la forme humaine et consenti à mourir en croix, ne se perdit pour ses seuls péchés. Celui qui se repent et implore son pardon l'obtient, fùt-ce à ses derniers moments, ainsi que montre l'exemple du larron crucifié à votre droite. Ce nous est une consolation de savoir que vous l'avez accueilli comme un juste, et que tout est remis à qui se repent en Dieu, comme fit ce pécheur. Vous lui avez dit: ‘Ami, tu seras aujourd'hui avec moi en mon royaume; je te le dis en vérité.’ Et dans cet exemple encore, Gisemast le meurtrier ne demanda son pardon qu'à l'instant suprême. Il n'avait rien à vous offrir que le repentir de ses fautes... On ne peut pas plus mesurer la grandeur de votre miséricorde infinie qu'on ne pourrait en un jour épuiser la mer et la mettre à sec Et comme il n'est, ô Madame, point d'iniquité trop grande pour votre
grâce, comment n'y aurais-je point de part, moi que mes péchés accablent? ’
Comme elle était en prières, une lassitude gagna tous ses membres et elle s'endormit. Elle eut, dans son sommeil, une vision et crut entendre une voix qui disait: ‘Femme, tu t'es tantlamentée, que Marie t'a prise en pitié et a daigné implorer ton pardon. Hâtetoi de rentrer au couvent: tu trouveras grande ouverte la même porte que tu passas pour rejoindre ton jeune amant, qui te délaissa dans la privation. Tous tes ajustements, tu les trouveras rangés sur l'autel, voile, robe et chaussures. Tu peux les mettre sans crainte, en rendant grâces à Marie. Les clefs de la sacristie que tu suspendis
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devant sou image, la nuit de ton départ, elle les a gardées, en sorte que nul, en ces quatorze ans, ne s'est aperçu-qu'elles manquassent. Marie t'a en telle affection, qu'elle a pris ta figure pour remplir toutes tes fonctions, Voilà, ô femme, ce qu'a fait pour toi la Reine du Ciel. Elle t'ordonne de rentrer au cloître. Tu trouveras ta couche inoccupée. Et c'est au nom du Seigneur que je te parle.’
Peu après, elle ce réveilla, ‘O Seigneur, Dieu tout-puissant, ditelle, ne souffrez point que le démon accroisse encore la douleur que j'éprouve. Si je pénètre au couvent et si l'on me prend pour une voleuse, j'en aurai honte plus grande que celle que j'eus lors de ma fuite. Je vous implore, ô Dieu de miséricorde, par le précieux sang jailli de votre côté. Si la voix que je viens d'ouïr m'a parlé pour mon salut, souffrez qu'elle ne se taise point el faites que je l'entende trois fois. Alors, ne doutant plus, je saurai qu'il m'est permis de rentrer au cloître et je pourrai Jouer Marie et lui rendre grâces sans fin.’
Or, la nuit d'après, elle entendit une vois qui disait: ‘Femme, tu tardes trop. Retourne dans ton cloître où Dieu saura te consoler. Fais ce que t'ordonne Marie. Je suis son messager. Ne doute plus.’
Ayant ouï une deuxième fois la voix lui commandant de reprendre le voile, eile n'osa pas encore obéir. Et, priant, elle attendit la nuit d'après. ‘Si je suis, dit-elle, le jouet des Elfes, il faut déjouer les artifices du Méchant. S'il revient cette nuit, couvrez-le, Seigneur, d'une telle confusion qu'il s'enfuie d'ici, impuissant à me nuire. O Marie, soyez-moi favorable. Si c'est vous qui m'envoyez la voix qui m'enjoint de rentrer au cloître, je vous en conjure, par votre divin enfant, permettez qu'elle parle une troisième fois.’
La troisième nuit, elle se réveilla. Elle entendit une puissante voix du ciel, accompagnée d'une vive lumière. La voix disait; ‘C'est à tort que tu ne suis pas mes ordres, car c'est bien Marie qui te parle par ma voix. Déjà tu as trop tardé. Rentre sans crainte au couvent. Tu trouveras les portes grandes ouvertes; tu peux entrer où tu veux. Ta robe, tu la verras sur l'autel.’
La voix ayant parlé, la pécheresse, qui s'était mise à genoux, aperçut encore la lumière. Et elle s'écria: ‘Je ne puis douter davantage. Cette voix vient du Seigneur: c'est la messagère de Marie, je le sais à présent. Elle m'a parlé dans la splendeur et je veux qu'elle soit obéie. Je veux rentrer au couvent, pleine de foi en la miséricorde de Notre-Dame. Mes enfants, je les veux confier au Seigneur qui saura bien prendre soin d'eux.’
Elle se dévètit, et doucement de ses vêtements elle couvrit les deux petits et les baisa sur la bouche. ‘Adieu, dit-elle, ô mes enfants. Je vous laisse à la Vierge: qu'elle vous ait en sa garde.
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Sans l'ordre de Marie, je ne vous abandonnerais pas pour toutes les richesses de Rome.’
- Ecoutez ce qu'elle fit ensuite. - Pleurante et seule, elle s'en fut vers le cloître. Quand elle entra dans le verger, elle aperçut la porte ouverte. Elle la franchit résolument, et dit: ‘Soyez bénie, ô Marie. Me voici sauve entre ces murs; que Dieu m'envoie bonne aventure.’
Partout, devant elle, elle trouva les portes ouvertes toutes grandes. Elle pénétra dans la chapelle, murmurant à voix basse: ‘Seigneur, ô mon Dieu, rendez-moi la robe quittée il y a quatorze ans. Je la laissai sur l'autel, la nuit que je m'enfuis d'ici.’ Et - je vous dis la vérité - elle retrouva chaussures, robe et coiffe à l'endroit où elle les avait déposés. Elle se vètit à la hâte et dit: ‘O roi du céleste royaume, et vous Marie, vierge sans tache, soyez bénis! Vous ètes, ô Marie, une fleur de vertu. En vos entrailles immaculées, vous avez porté sans douleur un enfant, Notre Seigneur à jamais. Vous fûtes élue entre les femmes. Votre fils créa le ciel et la terre. Votre pouvoir vous vient de Dieu. Vous commandez, étantsa mère, au Seigneur qui est frère des hommes, et lui peut vous nommer sa chère fille. Et vos pouvoirs, unis, ont allégé ma peine. Celui qui vous demande sa grâce, l'obtient, sa prière fùt-elle tardive. Votre miséricorde est infinie. Je vivais dans la douleur et l'affliction: par vous, j'entre dans la félicité. Combien ne dois-je pas vous bénir!’
Et elle aperçut en effet les clefs de la sacristie, au pied de la statue de Marie, où elle les avait suspendues. Les ayant mises à sa ceinture, elle pénétra dans le choeur et vit dans chaque coin les lampes allumées. Elle prit les livres d'heures et mit chacun d'eux en sa place, ainsi qu'elle avait coutume autrefois. Puis elle pria que la Vierge la préservàt de tout mal et prît soin des enfants qu'elle avait laissés en leur privation, dans la maison de la veuve.
Cependant la nuit s'avançait. L'horloge sonna minuit. Ayant saisi la cloche, elle sonna matines si habilement qu'on l'entendit de partout Les religieuses qui dormaient se levèrent et descendirent aussitôt du dortoir commun. Aucune d'elles ne soupçonna ce qui s'était passé. Elle demeura done au couvent sans qu'on luifit reproches ni remontrances. Marie avait tenu sa place comme si elle eût servi elle-même. Et la pécheresse fut sauvée parce qu'elle avait honoré Notre-Dame, la Vierge divine vénérée, qui jamais ne laisse dans le besoin ceux qui l'aiment.
La damoiselle ayant ainsi repris le voile, je ne veux pas oublier les enfants qu'elle laissa chez la veuve, en grande privation. Ils n'avaient ni argent, ni pain, et je ne saurais dire quelle fut leur désolation lorsqu'ils virent leur mère partie. La veuve, prise d'une grande pilié, s'assit auprès d'eux et dit: ‘J'irai trouver l'abbesse,
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avec ces deux enfants. Dieu fera naître en son coeur la pensée de les bien traiter.’ Leur ayant mis leurs vêtements et leurs chaussures, elle les mena au cloître. ‘Voyez, dit-elle, ô Madame, la détresse de ces deux orphelins. Leur mère misérable les a abandonnés, cette nuit, en ma demeure, et a poursuivi son chemin, vers l'Orient ou l'Occident, je ne sais lequel. Voyez ces pauvres enfants. Volontiers je les assisterais, si je le pouvais.’ Et l'abbesse répondit: ‘Gardez-les. Je saurai vous indemniser et vous ne regretterez point de les avoir recueillis. Qu'on leur fasse la charité, chaque jour, au nom du Seigneur. Envoyez tous les matins querir pour eux vivres et boisson, et, s'il leur manque quelque chose, n'oubliez pas de m'avertir.’
La veuve fut toute Joyeuse de cet heureux dénouement, et, emmenant les deux petits, elle en eut grand soin. Et quelle ne fut pas la joie de la mère, qui les avait nourris, qui pour eux avait souffert, lorsqu'elle les sut en bonne sauvegarde, ses enfants laissés en grande privation! Elle n'eut plus pour eux ni crainte ni inquiétude.
Elle menait donc une sainte vie. Pourtant, jour et nuit, elle soupirait en tremblant, car le repentir persistait en elle des grands péchés qu'elle n'osait avouer ni découvrir à aucun homme, même en un endroit clos.
Un jour, vint au cloître un abbé qui de coutume le visitait une fois l'an, afin d'apprendre s'il ne s'était point commis de péché honteux et digne de blâme. Le jour de son arrivée, la pécheresse priait, agenouillée dans le choeur, sentant en elle rudes combats. Le diable l'emplissait toute d'une grande confusion, pour la détourner de s'ouvrir au prêtre de ses lourdes iniquités. Comme elle était en oraison, elle aperçut venant à elle un adolescent vêtu de blanc. Elle vit qu'il avait entre ses bras un enfant qui lui parut mort. Il jetait en l'air une pomme, puis la rattrapait comme pour divertir l'enfant Elle priait et voyait cette image bien distinctement. ‘Ami, si tu es un envoyé du Ciel, je te prie, au nom du Seigneur, réponds-moi sans feinte. Ta joues avec une pomme rouge pour amuser cet enfant, petit cadavre que tu portes. Ton jeu ne saurait le divertir en rien. - Ta dis vrai, ô femme. Cet enfant ne voit mon jeu en aucune façon, car, étant mort, il ne peut ni voir ni entendre. Dieu, de même, ne sait rien de tes prières ni de ton jeùne. Et toute la peine est vaine que tu prends pour te mortifier. Tu es noyée en une telle multitude d'iniquités que le Seigneur, en son royaume, n'entend point tes prières. Crois-moi, va sans tarder chez l'abbé, ton père, et un à un dis-lui exactement tes péchés. Ne te laisse point tromper par le démon. L'abbé te remettra les iniquités qui te tourmentent. Si, au contraire, tu ne t'ouvres point à lui, Diente frappera d'un terrible châtiment.’ Ayant dit, l'adolescent disparut et elle ne le vit plus.
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Elle avait bien entendu ses paroles. C'est pourquoi, dès le matin, elle fut trouver l'abbé, qu'elle pria de recevoir son exacte confession. L'abbé, homme très sage, dit: ‘Ma chère soeur, certainement, je ne puis vous refuser. Rentrez donc en vous-même et remémorezvous tous vos péchés.’ S'étani assise aux côtés du saint prêtre, aussitôt elle lui découvrit toute sa vie: elle dit son existence entière, depuis le commencement. Le fol amour qui l'avait prise; la force des tentations qui l'avaient contrainte, une nuit d'angoisse, de déposer sa robe sur l'autel de la Vierge et de s'enfuir avec un homme; puis elle parla de ses deux enfants. En un mot, sans rien omettre, elle avoua tout ce qui lui était advenu; tout ce qu'elle avait en la profondeur de son âme, elle lémunéra. Sa confession entièrement terminée, le saint père dit: ‘Je vous remets, ô ma soeur, les péchés qui vous tourmentaient et que vous venez de confesser. Louez et bénissez la Mère de Dieu.’ A ces mots, imposant la main sur sa tète, il lui donna l'absolution. Puis il dit: ‘Je veux en un sermon publier toute votrehistoire. Mais je le ferai si bien que nulle part, jamais plus, ni vous ni vos enfants n'en devrez rougir. Il serait injuste de taire un miracle si beau que Dieu fit pour honorer sa mère. Je veux le dire partout, dans l'espoir qu'il convertira bien des pécheurs et leur enseignera à vénérer Notre-Dame.’
Il dit donc à toutes les religieuses, avant son départ, ce qui était advenu à l'une d'elles. Mais elles ne surent aqui, car cela fut tenu secret. Puis l'abbé partit, emmenant les deux enfants. Il leur mit la robe grise et ils devinrent deux hommes justes. Béatrix était le nom de leur mère.
Louez Dieu et louez Marie, la nourrice du Seigneur, qui fit ce si beau miracle et secourut Béatrix en toutes ses misères. Et vous tous, petits et grands qui oyez lire ce récit, priez que Marie nous assiste dans la douce vallée où Dieu viendra s'asseoir pour juger le monde. Amen.
(Traduit par Lucien de Busschen.)
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