Septentrion. Jaargang 27
(1998)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Paul Willems (1912-1997) (Photo N. Hellyn - A.M.L.). Droits SOFAM.
descendait en droite ligne de Jan-Frans Willems (1793-1846), qui passe pour le père du Mouvement flamand et du Willemsfonds, importante société culturelle en Flandre. Né à Edegem (près d'Anvers), il vécut toute sa vie dans la maison familiale de Missembourg. Enfance privilégiée: il s'ouvre à la nature dans un jardin de rêve, ne fréquente pas l'école avant le secondaire, partage les jeux des gamins du village et apprend à lire dans Télémaque avec sa grand-mère. Rien d'étonnant à ce que toute son oeuvre soit une négation du réel et son théâtre essentiellement poétique, dans la lignée des grands dramaturges flamands qui écrivirent en français et dont il fut sans doute le dernier représentant. Ce poète, pourtant, est un homme d'action. A dix-huit ans, il prend le large pendant deux mois en travaillant sur un bateau, avant de faire son droit à l'Université libre de Bruxelles. Il voyage ensuite en France et en Allemagne, voyages de jeunesse, voyages initiatiques. Spécialisé en droit maritime, il s'inscrit au barreau d'Anvers. Mais vient la guerre. Il participe à la campagne des Dix-huit jours puis est fait prisonnier. Libéré, il travaille dans les services du Ravitaillement et publie ses premiers livres: Tout est réel ici (1941), L'herbe qui tremble (1942) et Blessures, roman publié en 1945. En 1947, il devient secrétaire général du Palais des Beaux-Arts à Bruxelles. Il y voisine avec Claude Étienne, directeur du Rideau de Bruxelles, qui lui commande une pièce pour son théâtre. Ce sera Le bon vin de Monsieur Nuche, créé en 1949, l'année où paraît aussi La chronique du cygne, qui marque la fin de sa première période narrative. En effet, à partir de ce moment, et pour longtemps, l'activité de Paul Willems sera entièrement tournée vers le théâtre. D'abord des pièces où domine un humour doux-amer, une fantaisie axée surtout sur le verbal: Peau d'ours, Off et la lune, La plage aux anguilles et, surtout, Il pleut dans ma maison, sa pièce la plus jouée et la plus traduite. Warna ou Le poids de la neige, Le Marché des petites heures, La ville à voile (prix triennal et prix Marzotto), Les miroirs d'Ostende, Nuit avec ombres en couleurs, Elle disait dormir pour mourir et La Vita Breve introduisent dans son oeuvre une dimension plus dramatique où la poésie est toujours présente, dont le ludisme langagier ne cache en rien l'angoisse, où les jeux de miroirs ouvrent des perspectives sans fin. Parallèlement à son travail d'écrivain, Paul Willems poursuit une vie professionnelle intense: il devient directeur général du Palais des Beaux-Arts, voyage dans le monde entier à la découverte de réalisations artistiques qu'il souhaite faire connaître au public belge et crée, avec Frans de Voghel, le fameux festival Europalia, biennale consacrée chaque fois à un pays différent. En 1975, il est élu à l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique, au fauteuil de sa mère dont il prononce un émouvant hommage lors de sa réception. En 1983, il obtient le prix quinquennal de littérature pour l'ensemble de son oeuvre. | |
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Endeuillées par la maladie et la mort de sa fille Suzanne, ses dernières années le voient revenir à l'intériorité de ses débuts. Il publie en 1983, La cathédrale de brume, textes d'une simplicité bouleversante dont le sous-titre précise qu'ils sont ‘venus de la mémoire profonde’ Suivront, plus tard, dans la même veine, mi-biographique, mionirique, Le pays noyé (1990) et Le vase de Delft (1995). Rien n'éclaire mieux l'oeuvre de Willems que ces récits à la limite du réel et de l'imaginaire, sinon peut-être la série de conférences qu'il donna aux étudiants de Louvain-la-Neuve et qui furent publiées sous le titre Un arrière-pays. Rêveries sur la création littéraire (1989). Du dramaturge Paul Willems nous retiendrons des personnages dont la présence semble moins tenir à leur poids qu'à des reflets, personnages tendres ou baroques, évanescents ou loufoques, toujours nostalgiques, quelquefois mais à peine, cruels. Théâtre de poète, certes, et qui doit tout aux mots. Depuis les noms de leurs protagonistes, dont aucun n'est dû au hasard, jusqu'à la moindre des répliques qu'ils échangent, les pièces de Willems ressemblent à un patchwork de tissus colorés, précieux, fragiles, dont le chatoiement fait toute la richesese. Ils ne sont pas destinés à nous réchauffer, bien au contraire, et la lumière qui les éclaire est une lumière septentrionale, celle qui déjà baignait le beau domaine de Missembourg, sa maison pleine d'ombres en couleurs et son jardin où, tour à tour, une génération après l'autre, Marie Gevers et son fils Paul Willems apprirent à lire les étoiles. Liliane Wouters |
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