Journalen. Derde deel
(1888)–Constantijn Huygens jr.– Auteursrecht onbekendNovembre.1 Vendredy.Mon hoste le Bourgem̅re Ampsing m'ayant prié, je disnay avec luy, sa femme et son fils. Le Bourgem̅re me dit que le feu de Hanover avoit esté fait papiste par Lucas Holstenius, bibliothecaire du Pape Innocent X. S.A. fut à une grande chasse de sangliers à huict heures de Hanover et y demeura la nuit. | |
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Le jour d'auparavant Brienne m'avoit dit que Mr. le Pr. estoit fort tourmenté des hemorroïdes et que ses caleçons aussi bien que sa chemise estoyent tousjours pleins de sang. A trente pas de la maison ou je logeois il y avoit une assez grande fontaine avec un Acteon et deux chiens au sommet, mais l'eau ne se voyoit qu'en haut et on ne voyoit pas ce qu'elle devenoit en bas: on me dit qu'elle n'estoit pas fort bonne. | |
2 Samedy.Je disnay au logis, ayant envoyé querir à manger à la cour d'ou ils m'envoyerent quatre plats et un de dessert. S.A. revint à 9 heures ayant faite cette grande chasse qu'ils appellent de sangliers deux jours de suitte; elle me conta qu'on en avoit tué plus de centquarante, et qu'elle en avoit pris un elle mesme, assistée de Beauregard et d'unchasseur, qui avoit pesé 400 livres, ayant esté attaché à une manière de balance qu'ils ont sur le lieu. Qu'une fois elle s'estoit veue au milieu de plus de 25 de ces bestes et que Beauregard avoit esté obligé de se tourner pour empescher qu'ils ne fussent attaqués par derrière etc. Trois paysans de ceux qui font sortir les sangliers du bois furent blessés. Je ne souppay point, et ayant envie de demander a S.A. permission d'aller devant le jour suivant, je ne le fis pourtant pas. Sylvius me dit qu'on avoit proposé au Duc de Jorc de sortir de l'Angleterre, mais qu'il en avoit rejetté la proposition et que neantmoins dans ses dernières lettres à S.A. il avoit dit qu'il croyoit qu'il seroit obligé de le faire. | |
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changer de chevaux, je fus obligé d'attendre une heure et demye pour en avoir, les valets qui venoyent avec les chariots de bagage ayant pris toutz les premiers qui estoyent venus. J'allay me chauffer un peu dans la maison devant laquelle je me trouvay et qui estoit au drossart, ou je remarquay quelques servantes de la maison qui non obstant le froid qu'il faisoit, et qu'il geloit mesme la nuit, n'avoyent que leurs chemises lacées devant comme la plus part de femmes allemandes de basse condition les portent en esté, et un cotillon, sans avoir rien sur la teste, les cheveux estant liés derrière et deux tresses longues leur pendant sur le dos. Nous passames ce jour par de fort mauvais chemins, et comme à chasque fois ma calesche estoit extremement secouée et d'autant plus que les courroyes qui empeschent le trop grand bransle du carosse estoyent trop peu tendues, il arriva cette apresdisnée-là que comme dans une ornière profonde il alloit de costé et d'autre tellement que je creus estre versé, je voulus baisser la vitre de costé pour parler au cocher et donnant un peu fort à ce qu'il semble contre la porte, elle s'ouvrit et par le bransle je fus jetté dehors, sans pourtant, Dieu mercy, m'estre fait aucun mal. Estant arrivé à un petit village ou l'on nous avoit fait accroire que le bagage demeureroit cette nuit là, je trouvay qu'il estoit passé outre encore deux miles jusques à une ville située sur le Weser, et nommé Petershagen. Je mangeay un morceau dans un cabaret de ce village avec Bruynestein, y trouvant un valet de Montpouillan qui estoit venu dans sa calesche jusques-là auprès, et estoit bien en peine par ce qu'il en estoit rompu un essieu. Estants partys de là nous n'arrivasmes à Petershagen qu'à trois heures et demye de nuit, et y trouvay nostre bagage. | |
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Nous perdîmes quelque temps à faire crier pour appeller les bateliers du ponton qui estoyent du costé de la ville, de la quelle je ne pas rien voir à l'heure qu'il estoit. Je fis mettre mon matelas sur de la paille et dormis jusques à six heures du matin. S.A. devoit prendre ce jour de dimanche le divertissement de berner les renards et soupper le soir chez madame de Plate ou il devoit y avoir aussi bal. Il y a de Hanover à Petershaghen 6 miles. | |
4 Lundy.Bruynestein et moy partimes à sept heures et demye de Petershaghen et ayant rencontré de temps en temps de très-mauvais chemins nous changeames de chevaux à Vissel, village fort sale et plein de boue comme nous trouvames generalement touts les lieux d'Allemagne grands et petits. Ce Vissel est à trois miles fort grandes de plus de deux heures de Petershagen. Nous voulumes manger quelque chose là dans un cabaret, mais il n'y eust rien de bon et la chaleur du poisle ou ils nous firent entrer, estoit tout à fait insupportable et je n'en avois jamais sentye une semblable. Sur les quatre heures et demye nous arrivasmes à Witlach, petit lieu à deux miles de Vissel, tousjours par de fort mauvais chemins et qu'on auroit eu une peine extreme à passer, s'il n'eust fait ce jour-la et plusjeurs autres precedents un temps fort beau et sec contre l'ordinaire de la saison ou nous estions. Nous trouvâmes en ce lieu le Sr de Longeuil, capitaine reformé et bien honneste homme, le Sr de Battincourt et un troisiesme, qui y avoyent fait apprester un soupper fort beau pour S.A. et avoyent dessein de luy donner à disner le jour suivant à Osnabrug, s'il eust voulu. Au passage quand on alloit du chasteau à la mai- | |
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son d'un brassier où je logeay, il y avoit un tillier fort vieux et dont les branches estoyent entortillées et creues d'une façon si extraordre qu'à le voir d'un peu loing ou ne l'auroit jamais pris pour un tillier et il me sembla fort apparent qu'il avoit esté planté a rebours de la manière que Mr l'Electeur avoit racconté à mon père et estoit de ces Wurzelbaumen. S.A. fit prendre de là 40 ortolans que les gens du Duc de Hanover avoyent portés pour en faire gouster à Madame la Princesse. | |
5 Mardy.S.A. et nous aussi disnasmes à Beck ou nous avions encore disné le 18 Sept. C'est un petit hameau. Le dt 18 Sept. nous y disnames dans une tente soubs les grands chesnes à cause qu'alors il y avoit beaucoup de maladie dans les maisons. En y arrivant j'appris que de mon chariot de bagage il s'estoit encore rompu un essieu à deux heures de là. J'envoyay un autre chariot pour le querir qui le porta encor ce mesme soir à Lingen ou j'arrivay aussi à 9 heures et demye et trouvay S.A. desja couchée, et que par quelque abus il n'y avoit point de billet pour me loger; on me mit pourtant chez un honneste bourgeois qui vendoit du drap. Bruynestein estant un peu après boire causa fort librement dans le carosse et me dit entr' autres choses que Fey avoit souvent guery de chaudepisses à Madame Killegrew dont Stangerlandt estoit le galand et luy avoit dit: moet ick altijt ouwe beuse kutten genesen? que toutes les trois filles de Vander Ma estoyent des grandes putains et que la femme du medecin Sennar disoit à ses fouteurs: ick en kan je geen gelt geven; mijn man houdt mijn te kort; maer ick sal je recommandeeren aen mijn suster, die geeft braef; que Vander Ma leur père avoit eu, il n'y avoit pas encor long temps une meschante affaire et qui luy avoit | |
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cousté bon, pour appaiser le fiscal ou le baillif: que c'avoit esté pour quelque fausse obligation ou chose semblable. | |
6 Mercredy.Je partis de Lingen environ à midy, et passay par Northorn, une manière de villette. Il y a un clocher en pointe fort hault et à la porte qui mene à Otmarsem, il y a une petite rivière qui fait une petite isle en cet endroit et fait aller quelques moulins formant une veue fort pittoresche. Il y a de ce lieu a Lingen 4 heures. Je trouvay là le receveur Famars, le Houtvester Beaumont, Danckelman qui en ce temps-là demandoit la charge de juge de Lingen, et un quatriesme dont j'ay oublié le nom, qui me voulurent faire mettre pied a terre pour me refraischir, mais je passay outre et allay coucher à Otmarsem. Je logeay chez un hoste commé .....Ga naar voetnoot1). Egbertsen et y trouvay van Suchelen, beaufrère de feu Mr......Ga naar voetnoot1) où S.A. logea, estant à Deventer pour l'affaire des clefs et souppay avec luy et trois autres personnes de Deventer. Entre Lingen et Northorn il y a de fort grandes bruyeres. Le soir j'envoyay mes chevaux de carosse que j'avois fait venir à Otmarsum à Delden et escrivis a Mr. de Twickelo, Drossart de Twente qui a sa maison tout auprès pour qu'il voulust me faire avoir un attellage de chevaux de paysants pour mon chariot. | |
7 Jeudy.Je partis d'Otmarsum et arrivay sur les neuf heures et demye à Delden. Mr. de Twickel me fit prier de venir chez luy. En entrant Mr. d'OpdamGa naar voetnoot2) | |
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vint me recevoir hors de la porte et estant entré j'y trouvay encore Messrs de Montpouillan, Hekeren, Ginckel, et ......Ga naar voetnoot1) qui avoyent desjeuné comme je fis aussi, m'estant quasi laissé persuader à Hekeren d'aller avec luy et de prendre mon chemin par Zutphen ou il me promit de me faire bonne chère et de me faire donner des chevaux pour mon chariot; mais il eust fallu me detourner de plus de deux heures. Une partie de ces Messrs allerent disner chez Ripperda de Tweldam, et moy je restay avec Mr de Twickel, sa femme qui est soeur du conte de Flodrof et Madame d'Opdam, sa fille, qui me firent voir tout le lieu de Twickelo ou il y a d'assez jolys plantages et un jardin bien entretenu. Ils me firent encor disner avec eux. Il survint un accident cependant au plus jeune enfant de Mr d'Opdam qui par une malheureuse cheute se fit une fort grande ouverture au milieu de la joue, non sans alterer beaucoup la mere. Passant à Goor, un grand village, mais, comme les autres du pays, fort sale, j'y trouvay un valet de Benting, drossart de Vollenhove, qui me fit prier de faire passer mon chariot par Diepenheim qui est à une heure de là pour que l'on pust avoir à Diepenheim le bagage de Bruynestein parmy lequel il y avoit des medicaments dont il avoit besoin pour Madame de Diepenheim mère de Mr Benting, et fort malade en ce temps-là. A huit heures et demye à Deventer où le major Sandrart m'envoya complimenter et prier de venir loger chez luy; mais je ne scay quelle chose j'y aurois | |
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fait, car on me dit que luy et sa femme estoyent desja couchés. Je trouvay à l'hostellerie de la demylune Bruynestein qui m'attendoit pour avoir ses medicaments. | |
10 Dimanche.Mr van Beuningen arriva a Soestdijck le soir et S.A. me dit en sa presence qu'il pourroit se servir de la commodité de ma calesche pour s'en retourner à Amsterdam. Je perdis 9 ducats à la bassette, jouant de moitjé avec van Borsselen. S.A. fut à la chasse du chevreuil du costé de Naerden sans rien prendre. | |
11 Lundy.Je partis avec Mr van Beuningen dans ma calesche à 8 heures, et arrivay à Amsterdam a 1 heure après midy. Je disnay au Heere Logement et y trouvay 12 personnes à table, entr' autres cet advocat de la Haye, nommé Van der Gracht, qui avoit esté de la compagnie laquelle, il y avoit un an ou plus, avoit esté empoisonnée à la table de Jan van Treslong en mangeant une tarte de pommes, un fils du dt advocat mourant immediatement après le repas et sa femme 8 ou 10 mois après. Il nous conta toute l'histoire, temoignant assez qu'il n'avoit pas bonne opinion de l'hoste. | |
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Après disner je rendis visite a Mlle Bartolotti que je trouvay au lict incommodée d'un rheume. Elle estoit logée dans une maison proche du Reguliers-Toren qu'elle et sa soeur avoyent louée. Mlle Splinter, sadte soeur et sa fille y estoyent aussi. Le soir j'allay encore voir le bonhomme Pergens qui alloit faire enterrer le jour suivant sa fille aisnée. | |
12 Mardy.La femme du peintre Laraisse vint me trouver, comme j'eus envoyé pour avoir des nouvelles de son mary qui ne demeuroit plus avec elle. Je partis après avoir veu Made Rijckaerts, la vefve pour luy parler de n̅re succession, à 11 heures, disnay à Lis, et arrivay à la Haye à 9 heures du soir. S.A. avoit envoyé demander après moy avant que je fusse arrivé. Je fus à son coucher et luy contay encore l'histoire de Van der Gracht. |
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