Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Calculs et considérations sur les résistances éprouvées par différentes surfaces appartenant à des corps animés d'un mouvement uniforme à travers l'air ou l'eau et sur les vitesses que le vent peut donner à des voiliers à une seule voile supposée plane. | |
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Avertissement.Des considérations mathématiques sur la résistance du milieu et la force du vent s'imposaient. Il fallait faire sa part à la ratio. D'abord Huygens avait considéré le cas le plus simple, celui du boulet pouvant être assimilé à un point matériel. Il avait pu exécuter le calcul, nullement facile, dans le cas du jet vertical ou oblique, à travers un milieu homogène en repos, en prenant la résistance proportionnelle à la vitesse du projectile; et aussi pour le jet vertical dans l'hypothèse, suggérée par l'expérience, d'une résistance proportionnelle au carré de la vitesseGa naar voetnoot1). Newton avait obtenu plus tard la même courbe du jet pour le cas de la résistance proportionnelle à la vitesse; sa publication, il est vrai, est antérieure à celle de HuygensGa naar voetnoot2). La considération du mouvement des vaisseaux obligeait les mathématiciens à envisager, malgré la difficulté du sujet, la question de la résistance éprouvée par des surfaces courbesGa naar voetnoot3). En 1687 Newton avait entamé ce sujet dans le Lib. II des ‘Principia’; il avait cru pouvoir établir que dans le cas d'une résistance proportionnelle au carré de la vitesse, celle-ci étant considérable, la force éprouvée par le devant d'un corps sphérique est la moitié de celle qui correspond à une des surfaces planes d'un | |
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cylindre droit de révolution, possédant le même rayon que le dit globe et mu dans la direction des génératrices. La dite proportionnalité avait été déduite théoriquement par Newton pour des vitesses assez grandes (conformément, nous l'avons déjà dit, à certaines expériences) de confidérations sur les particules des fluides. Nous avons cité la dite proposition sur la résistance éprouvée par le devant d'un globe dans la note 36 de la p. 324, dernière page des Varia 1682-1695: nous avions incorporé dans ces Varia quelques remarques de nature mathématique de Huygens, datant de 1694, sur le sujet qui nous occupe. Sans exécuter aucun calcul, il y disait la même chose que Newton sur la résistance éprouvée par le globe. - Cependant nous avons cru mieux faire de composer un tout, en dehors des Varia, de la majeure partie des pages de Huygens se rapportant à la question de la résistance et au mouvement des vaisseaux. Le vol était traité dans certaines pièces de nos Varia - p. 198 de 1661 (figures sans texte), p. 257-260 de 1678 (ballons de Lana), p. 316-318 de 1692 (pigeon d'Archytas) - mais il n'y avait là aucun calcul comme dans les Pièces ici considérées. Il n'y en avait pas non plus dans le cas du nouveau moteur à explosion de poudre à canon (année 1673) occupant une place importante dans nos ‘Varia academica’ et destiné non seulement à faciliter la locomotion terrestre mais aussi à la conquête de l'air, dans un avenir sans doute lointainGa naar voetnoot4). Dans son calcul d'avril 1691 (§ 1 qui suit) Huygens, sans se baser explicitement en cet endroitGa naar voetnoot5), comme Newton, sur des considérations de particules, énonce au début une hypothèse fort nette sur le rapport des résistances éprouvées, caeteris paribus, par deux éléments de surface dont l'un est la projection de l'autre sur un plan perpendiculaire à la direction du mouvement relatif du corps et du milieu: les deux forces ou résistances, dans le sens du courant ou du mouvement, seraient inversement proportionnelles aux carrés des grandeurs des dites surfaces. Il est vrai que Huygens n'énonce cette loiGa naar voetnoot6) que pour des surfaces planes de grandeur finieGa naar voetnoot7). En 1669, en parlant à l'Académie sur les ailes des moulins, il n'avait pas émis cette hypothèse avec la même netteté. On pourrait soutenir, nous semble-t-il, qu'en con- | |
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fidérant le cas du vent oblique par rapport à l'aile (T. XIX, p. 140) il avait fait entendre - quoique sa pensée puisse avoir été autre - que dans un même courant deux éléments de surface dont l'un est la projection de l'autre sur un plan perpendiculaire à la direction de ce courant éprouvent, dans le sens du courant, les mêmes forces. En cette année on s'était contenté, semble-t-il, à l'Académie, en mesurant les résistances, de faire des expériences, dans un canal de bois, avec un corps parallélipédique présentant au fluide une surface plane perpendiculaire à la direction du mouvement, quoique Huygens ajoute (T. XIX, p. 122): ‘Et ce mesme canal servira encore pour faire des experiences touchant la resistance de l'eau contre des corps de differente figure’. Or, l'hypothèse de 1691, étendue à des éléments courbes, ce qui est dans l'esprit de Huygens, est apparemment conforme aux vues de Newton: elle conduit à la loi sus-énoncée sur la résistance éprouvée par une demie surface sphérique. En effet,d'après cette hypothèse on a (en désignant par R le rayon de la demi-sphère et du cylindre, et par K la force, dans le sens du courant, sur l'unité de surface exposée perpendiculairement à lui) π KR2 pour la force exercée sur la surface plane du cylindre et ∫ K ds sin2 α pour celle exercée sur la demie surface sphérique correspondante, ds étant la projection d'un élément de la surface sphérique. L'angle α se voit dans la figure. Puisque ds (différence de deux cercles concentriques à centre O), = 2π R cosα. d (R cos α) on a La force exercée sur le globe est donc la moitié de celle exercée sur le cylindre. C.Q.F.D. L'hypothèse de Huygens, peut-on dire, est empruntée à Newton: rappelons qu'en 1687Ga naar voetnoot8) il écrivait à Fatio de Duillier: ‘La proposition du Globe assez paradoxe, j'en voudrois voir la demonstration’. A sa Prop. latV Newton avait ajouté, mais sans faire connaître le mode de son calcul, un Scholium traitant en premier lieu d'un cône tronqué de résistance minimale. | |
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Dans sa Pièce d'avril 1691 Huygens exécute le calcul (§ 2) et a le plaisir d'obtenir le même résultat que l'auteur des ‘Principia’. Dans la suite de son Scholium Newton donne, également sans aucune indication sur le calcul, la définition géométrique d'une certaine surface de révolution qui, mue suivant son axe, possède, à ce qu'il dit, la propriété d'avoir une résistance minimale parmi toutes les surfaces de révolution de même longueur et largeur. C'est apparemment cette affirmation de Newton qui donne lieu à Huygens de poursuivre sa recherche. Il établit par des considérations géométriques qu'aucune surface cylindrique courbe mue suivant une direction perpendiculaire aux génératrices ne possède une résistance inférieure à celle d'une surface prismatique (figura dentata) dans laquelle la surface cylindrique est comprise; d'où il tire la conclusion, faisant bien voir qu'il songeait e.a. à des proues de vaisseaux: ‘Nulla [superficies] minime resistens in planis perpendicularibus datur quae, in prora, curvae rotunditate finiatur’. Mais il ne voit pas moyen, ou il ne veut pas prendre la peine, d'infirmer ou de confirmer la proposition de Newton sur la surface de révolution à résistance minimale pour un mouvement dans le sens de l'axe. Il est vrai qu'il affirme dans ce que nous avons appelé le § 8 la possibilité de faire un calcul sur les surfaces de ce genre se mouvant comme il a été dit. Nous ajoutons qu'après la mort de Huygens l'exactitude de la proposition de Newton sur le dit solide de révolution fut démontrée par Fatio dans une brochure de 1699Ga naar voetnoot9) et après lui, également en 1699, par de l'Hospital, e.a. dans les Acta EruditorumGa naar voetnoot10), après lesquels d'autres auteurs s'occupèrent du même problèmeGa naar voetnoot11).
Les Pièces de Huygens (nos §§ 10-19) sur les vitesses que le vent peut donner à un voilier sont postérieures de quelques années à l'apparition du livre de l'ingénieur Bernard Renau sur la Théorie de la Manoeuvre des Vaisseaux: consultez sur lui notre T.X. Le Chap. IV de Renau est intitulé: ‘De la maniere de déterminer la situation la plus avantageuse de la voile & de la prouë, pour tenir le vent le plus quil | |
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est possible’, et le Chap. Vl: ‘De la situation la plus avantageuse de la voile & du Vaisseau, par rapport au vent, & à quelque route qu'on veuille faire’. Huygens ne demeure pas d'accord de sa théorie. Mais avant lui Fatio de Duillier, dans une pièce inédite que nous ne possédons pas, était déjà arrivé à la même conclusion, comme Huygens le dit clairement (p. 529 du T. X) dans son article de 1693 dans la ‘Bibliothèque Universelle et Historique’. C'est ce qui ressort aussi de l'expression de Fatio ‘notre regle pour la situation la plus avantageuse des voiles [ou plûtôt de l'unique voile] d'un vaisseau’ qui se trouve dans sa lettre à Huygens du 29 septembre 1694 à la p. 162 du présent Tome. Il nous semble extrêmement probable que cette pièce de Fatio (grand admirateur, comme l'on sait, de Newton) était également postérieure à l'apparition du traité de Renau. Après la mort de Huygens, Jacques Bernoulli, dans les Acta Eruditorum de décembre 1695Ga naar voetnoot12), parle, parmi beaucoup d'autres sujets, de la dispute de Huygens avec l'ingénieur français, disant que ‘Hugenius veritati multo propius accedat’ (il ajoute pourtant, en guise de critique, que Huygens n'a pas tenu compte - voyez notre § 14 - du fait que la vitesse relative d'un même vent par rapport à un vaisseau en mouvement n'est évidemment pas toujours la même). En 1714 Jean Bernoulli reprit le sujet dans son ‘Essay d'une nouvelle théorie de la manoeuvre des vaisseauxGa naar voetnoot13)’; dans sa préface il dit s'ètre déterminé d'abord sans balancer en faveur de RenauGa naar voetnoot14) - contrairement, comme on voit, au sentiment de son frère - mais avoir constaté plus tard ‘que toute la théorie de M. le Chevalier Renau étoit entierement fondée sur deux principes erronés’ dont l'un se rapporte à la question de la dériveGa naar voetnoot15), tandis que Huygens ‘s'étoit contenté de refuter celui de ces principes qui concerne la Vitesse des VaisseauxGa naar voetnoot16)’. Après réflexion il donne donc raison à HuygensGa naar voetnoot17) et à son frère, ou plutôt à Fatio de Duillier, à Huygens et à son frère. Il nous semble qu'il eût pu avouer cela plus franchement. | |
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Il n'est pas question, dans les présentes Pièces, de la courbure des voiles. Renau ne parlait de ce sujet que dans son dernier chapitre (‘Avis pour la Pratique’) commençant ainsi: ‘L'on a supposé jusqu'icy que les voiles estoient des superficies plates, quoy qu'elles ne le soient pas. Il faut examiner presentement, la difference que leur courbure y apporte’. Huygens n'a pas tâché de poursuivre cette recherche. Il est vrai qu'il prenait part, depuis 1691Ga naar voetnoot18), aux discussions sur la question de la forme que le vent donne aux voiles, mais ce problème n'était considéré qu'en lui-même. Dans le Chap. XV de son ‘Essay’ de 1714 Jean Bernoulli traite, sommairement, ‘des impressions du Vent sur une Voile courbe’, sujet évidemment difficile dont Huygens ne dit qu'incidemment un mot dans la petite Pièce de 1693 que nous publions comme Appendice. Cet Appendice, soit dit en passant, fait voir que Huygens possédait des connaissances pratiques sur la navigation à voile, ce qui n'était probablement pas le cas pour Jean Bernoulli. Dans la Préface de son ‘Essay’ il s'excuse de ce ‘qu'une Personne, qui demeure dans un des Pais les plus éloignés de la Mer, ose entreprendre de traiter une matiere, qui semble exiger une connoissance parfaite de la Marine & une Expérience consommée de l'Art de la Navigation’. Il est vrai que la Suisse a ses lacs; mais si Jean Bernoulli avait été un fervent du sport nautique, que signifierait son excuse? Nous croyons ne pas nous éloigner du sujet en rappelant qu'il est déjà question de l'action du vent sur les voiles dans les Μχανιϰὰ Προβλματα d'AristoteGa naar voetnoot19) plus connus en ce temps qu'aujourd'hui. Les voiliers, et le désir de comprendre la nature des choses, ne datent pas d'hier. |
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