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No 2822.
Christiaan Huygens à G.W. Leibniz.
17 septembre 1693.
La lettre se trouve à Hannover, Bibliothèque royale.
La minute a été publiée par P.J. UylenbroekGa naar voetnoot1), la lettre par C.I. GerhardtGa naar voetnoot2).
La lettre est la réponse au No. 2797.
Leibniz y répondit par sa lettre du 11 octobre 1693.
A la Haye ce 17 Sept. 1693.
Monsieur
Je ne dois pas me donner l'honneur de vous escrire apres un si long silence, sans alleguer les raisons qui l'ont causè, des quelles la principale est que depuis la correspondance que j'ay avec Mr. de Marquis de l'Hospital, il m'a donnè tant d'exercice en matiere de Geometrie, que j'ay cruGa naar voetnoot3) devoir eviter celuy qui me pouvoit venir d'un autre costè, quoyque sçachant bien qu'il n'y a pas moins à profiter pour moy de vos lettres. Il y a eu de plus cette raison, dont j'ay touchè quelque chose dans mes precedentesGa naar voetnoot4) que je voiois que nostre dispute en Physique demandoit une nouvelle meditation pour respondre à vostre dernier raisonnement, que j'ay trouvè tres sensè et escrit avec soin. Il est vray que j'ay conceu et annotè quelques repliquesGa naar voetnoot5), que j'ay à y faire, mais vous me permettrez s'il vous plait de les differer encore jusqu'à une autre lettre, parce que la matiere merite une plus grande attention que je n'y scaurois donner presentementGa naar voetnoot6). Celle-cy n'est que pour vous envoier la RemarqueGa naar voetnoot7) que je fais à vostre exempleGa naar voetnoot8) sur le Probleme de Mr. Bernouilli, par laquelle vous connoîtrez,
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Monsieur, que j'ay fait quelque progres dans les subtilitez geometriques et dans vostre excellent calcul differentiel, dont je goute de plus en plus l'utilitè. J'avois resolu de n'en point chercher la solution, laquelle aussi bien Monsieur le M. de l'Hospital m'avoit offert de me communiquerGa naar voetnoot9), mais le probleme me paroissant beau et singulier, je n'ay pu empescher qu'il ne me roulast dans la teste, jusqu'a ce que je me sois satisfait. Et à cette heure que la peine est prise, afin qu'elle serve à me maintenir dans l'estime de Messieurs les Geometres, je vous prie tres humblement d'envoier au plustost la feuille cy-jointe aux sçavans autheurs des Acta de Leipsich, a fin qu'ils aient la bontè de l'y inserer.
Lors que je reçusGa naar voetnoot10) vostre quadrature de la Feuille de Mr. des Cartes ou de RobervalGa naar voetnoot11), je crus, apres l'avoir examinée, que vous vous estiez mepris; par ce qu'appellant vostre construction generale, elle n'estoit pas vraye, lorsque, comme dans vostre figure, on prend BC pour y. Mais du depuis j'ay vu qu'elle quadroit à la position de BE pour yGa naar voetnoot12). Ce qui arrive de mesme dans deux manieres differentes, que Monsieur le M. de l'Hospital m'a envoiées pour cette quadratureGa naar voetnoot13), et dont j'ay, non sans quelque peine, demeslè la raisonGa naar voetnoot14). Car je ne trouvois pas bon que le calcul differentiel produisist autre chose que ce qu'on luy demande. Vous aurez vu ce que j'ay inserè touchant cette matiere au Journal de RotterdamGa naar voetnoot15), auquel temps je n'avois pas encore receu vostre solution; autrement j'en aurois fait mention et ce n'auroit pas estè sans vous reprendre mal à propos, au lieu que je devois admirer ce que vous aviez fait. Je voudrois bien scavoir vostre jugement touchant ma
Tractoria pour la quadrature de l'Hyperbole, que j'y avois jointe. Où il y a cela de remarquable, que suivant les loix de la Mechanique, supposè le plan horizontal, la description doit estre parfaite, et par consequent cette quadrature par son moien. Je vois que Mr. Bernouilli parle desia douteusement de la geometricitè de cette generation de courbesGa naar voetnoot16), car celles de Monsieur son frere sont du mesme genre, et pas tout à fait si simples.
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J'ay estè surpris de voir ce que celui-cy a fait mettre dans les Acta du mois de May, touchant la courbe de Mr. de Beaune, comme si c'estoit luy qui en eust donnè la construction au Journal des Scavans de 1692Ga naar voetnoot17). Sur quoy Monsieur le M. de l'Hospital m'a mandè certain detailGa naar voetnoot18) de ce qui s'est passè, pour me faire voir le tort qu'on luy fait, et il semble avoir raison; mais je n'ose rien decider, inaudita parte altera.
La construction que vous m'envoiates pour cette courbe s'accordoit avec la seconde que me communiqua Mr. le MarquisGa naar voetnoot19), qui est plus courte que celle de Mr. Bernoulli du mois de May. J'admire de plus en plus la beautè de la geometrie dans ces nouveaux progres qu'on y fait tous les jours, où vous avez si grande part, Monsieur, quand ce ne seroit que par vostre merveilleux calculGa naar voetnoot20). M'y voilà maintenant mediocrement versè, si non que je n'entens encore rien aux ddx, et je voudrois bien scavoir si vous avez rencontrè des problemes importants ou il faille les emploier, afin que cela me donne envie de les etudier.
Je vois que vous avez opinion de pouvoir tousjours trouver les Courbes par la soutangente donnée, lors qu'elles sont geometriques. Cependant il y a un certain deguisement de ces soutangentes que je puis faire tousjours, où Monsieur le M. de l'Hospital se trouve empeschè jusqu'icyGa naar voetnoot21), et vous connoissez sa capacitè. Les exemples que je luy ay proposez sont la soutangente aay+xyy/ax-xy-ay, x3y/3x3+3aay-2xyy, 2ayy/2aa-yy-xxGa naar voetnoot22). Examinez en quelqu'un je vous prie.
Je ne dois pas oublier de vous dire un mot touchant vostre Codex juris gentiumGa naar voetnoot23), dont vous m'avez voulu communiquer le projet. C'est la un grand ouvrage que vous entrepenez, Monsieur, qui sera utile à bien des gens, et je
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voudrois estre plus propre que je ne suis à vous y servir en vous fournissant de la matiere. Mais le peu d'attachement et d'estime que j'ay per queste canzoni politiche, comme le P. PaoloGa naar voetnoot24) les appelloit, me tient hors de commerce pour tout ce qui les regarde, et je souffre mesme avec peine qu'un esprit comme le vostre y emploie du temps. Croiez que c'est un effect de la haute opinion que j'en ay et du zele avec le quel je suis
Monsieur
Vostre treshumble et tresobeissant serviteur Hugens de Zulichem. |
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voetnoot1)
- Chr. Hugenii etc. Exercitationes Mathematicae, Fasc. I, p. 160. La minute ne diffère pas sensiblement de la lettre.
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voetnoot2)
- Leibnizens Mathematische Schriften, Bd. II, p. 160; Briefwechsel, p. 716.
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voetnoot4)
- La minute a:ma precedente. Consultez les premières phrases des Lettres Nos. 2759 et 2785.
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voetnoot5)
- Voir les notes marginales b-q reproduites à la fin de la Lettre No. 2797.
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voetnoot6)
- Huygens n'est revenu sur la question ‘du vuide et des atomes’ que dans sa lettre à Leibniz du 29 mai 1694 et seulement pour en différer de nouveau la discussion.
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voetnoot8)
- Il s'agit de la brève remarque
insérée par Leibniz dans les ‘Acta’ de juillet 1693 sous le titre ‘G.G.L. Ad problema Majo nupero in his Actis p. 235 propositum’, où on lit: ‘Perplacet problema Bernoullianum nupero mense Majo propositum, de invenienda linea ABC [voir la figure de la Lettre No. 2807, p. 454, à laquelle on doitajouter une perpendiculaire BE abaissée sur l'axe AD] ex data ratione inter tangentem BD & resectam AD ex axe AE, per tangentem; vel ideo, quod etiam illi, qui nostrae Methodi differentialis faciliora tenent, non statim hoc pervenient. Nec motu tantum, sed & calculo analytico exhiberi potest, si detur ratio inter factum ex his duabus rectis (tangente t resecta r) vel earum potentiis, & inter chordae AB ipsis potentiam facto homogeneam, veluti inter tr & cc, vel trr & c3 aliterve. Idem locum habet in aliis innumeris, ut si detur ratio dictae resectae AD, ad ordinatam BE’.
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voetnoot11)
- Comme Descartes, de Roberval aussi s'était occupé du ‘folium’, qu'il appelait ‘la Galande’ ou ‘la fleur de Jasmin’. Consultez les pages 274 et 313-317 du Tome II de l'édition d'Adam et Tannery des ‘OEuvres de Descartes’.
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voetnoot16)
- Allusion au passage suivant de l'article de Jacques Bernoulli, cité dans la note 16 de la Lettre No. 2819 qui se rapporte aux courbes obtenues par la résolution du problème de Jean Bernoulli mentionné dans la Lettre No. 2807, p. 454. ‘Unde patet, si constructiones ejusmodi censendae sunt geometricae & accuratae, aequationes infinitas altissimorum graduum pari cum simplicissimis omnemq; pene fidem excedente facilitate construi posse’.
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voetnoot19)
- Consultez encore, sur ce passage, la Lettre No. 2801 à la page 438.
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voetnoot20)
- A en juger d'après l'imprimé de Gerhardt, ce passage est sousligné dans la lettre, qui se trouve à Hannover. C'est très-probablement Leibniz qui a voulu marquer cette phrase.
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voetnoot21)
- Comparez dans le texte de la Lettre No. 2805 la dernière phrase de la page 449.
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voetnoot22)
- Les deux premiers de ces exemples furent proposés à de l'Hospital dans la Lettre No. 2777; le troisième à Hubertus Huighens dans la Lettre No. 2735, mais jamais expressément à de l'Hospital. Seulement dans la Lettre No. 2819 (voir la page 493) Huygens communiqua à ce dernier la manière dont il avait déduit par sa méthodes des ‘déguisements’ cette troisième expression, qui représente la soustangente du cercle: 2ax-y2-x2=0.
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voetnoot24)
- Paolo Sarpi, le servite, ami de Galilée, connu sous les noms de Fra Paolo, Paulus Venetus ou Paulus Seruita, né à Venise le 14 août 1552. Dès l'âge de 26 ans il fut crée provincial et, peu d'années plus tard, procureur-général de son ordre. A l'occasion de la lutte entre le Pape Paul V et la République de Venise, celle-ci le chargea de défendre ses droits comme théologien-consultant, ce qui lui attira l'excommunication. Quoique la réconciliation tant de la République que de Sarpi avec le Pape eût eu lieu en 1606, il fut en 1607 victime d'un attentat, dans lequel il fut dangeureusement blessé de 15 coups de poignard. Il mourut le 14 janvier 1623. Ses nombreux écrits, entre autres sur l'histoire ecclésiastique, avec une biographie, ont été réunis dans une édition intitulée ‘Opere del Padre Paolo’, parue a Venise en 1677 en six volumes in-12o.’
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