de l'autre - s'imbriquent pour constituer une matière romanesque originale, enrichie de surcroît par un réseau de métaphores qui introduisent sans cesse un décalage par rapport à la réalité.
Le paragraphe que J. Goedegebuure consacre à Bordewijk dans l'Histoire de la littérature néerlandaise, souligne les difficultés d'interprétation que suscite l'ambiguïté omniprésente dans l'oeuvre de Bordewijk. La polémique à propos de la teneur du roman Bint (Poutre, 1934) est à cet égard exemplaire: faut-il lire dans cette histoire grotesque mettant en scène un directeur d'école et son système éducatif centré sur une discipline inhumaine, une satire de l'autoritarisme ou une apologie voilée de la pédagogie la plus rigide? Cette question brûlante dans le contexte de la montée en puissance des totalitarismes au cours des années 30 continue de diviser la critique. Récemment cependant, quelques études ont contribué à nuancer ces dichotomies fréquemment évoquées pour caractériser la problématique de Bordewijk; d'autre part, la substance non réaliste de cette oeuvre étonnante et surtout l'apport majeur de Bordewijk au développement du genre fantastique dans la littérature néerlandaise ont été enfin durablement mis en valeur, remettant ainsi en cause quelques clichés tenaces.
Dans son livre Het bekoorlijke vernis van de rede. Over proza en poëtica van F. Bordewijk (Le séduisant vernis du discours. Prose et poétique de F. Bordewijk, 1996), H. Anten met d'emblée en évidence le caractère non mimétique de la poétique défendue par l'auteur, en analysant les critiques que celui-ci publia dans la presse néerlandaise durant les années 40 et 50. Vus sous cet angle, les premiers textes fantastiques de l'auteur (Fantastische vertellingen - Histoires fantastiques, de 1919 à 1924) apparaissent comme l'expression de la recherche formelle d'un écrivain en rupture de ban avec l'esthétique réaliste dominante dans le roman néerlandais du premier xxe siècle. Si Bordewijk a souvent été associé à la ‘nouvelle objectivité’, cette appartenance peut être également démentie par l'utilisation abondante que fait l'auteur de procédés expressionnistes, manipulant la réalité au travers de miroirs déformants.
Mon livre De eenheid in de tegendelen. De psychomatische verhaalwereld van F. Bordewijk en de mythe van de hermafrodiet (L'unité des contraires. L'univers narratif psychomachique de F. Bordewijk et le mythe de l'hermaphrodite, 1998) décrit le mode de fonctionnement des récits que Bordewijk publia, à partir du milieu des années 30, renouvelant ainsi de manière fondamentale le genre fantastique en néerlandais.
La plupart des nouvelles de Bordewijk à partir du recueil De wingerdrank (Le cep de vigne, 1937) - proche par l'évocation de décors insolites des climats du réalisme magique dans la peinture néerlandaise et notamment de l'oeuvre d'A.C. Willink -, peuvent être qualifiées de psychomachiques. Dans cette réincarnation moderniste de l'allégorie, les principales composantes de la narration (intrigue, narrateur, espace, temps, personnages secondaires) sont à interpréter dans le sens de la dramatisation d'un ou de plusieurs conflits (du mot grec machè) d'origine psychique, inhérents à la personnalité du personnage principal. Bien que certains de ces récits soient d'apparence mimétique, leur réalité de façade n'est en fait qu'une vaste métaphore qui contribue à la mise en abîme d'un contenu subconscient. La personnalité des personnages principaux de ces récits psychomachiques étant également déterminée par d'autres facteurs (sociologiques, culturels, historiques...), auxquels il faut ajouter des apports auctoriels tels que le renvoi à des mythes littéraires, à des systèmes de pensée ou la citation intertextuelle, la présence de plusieurs niveaux sémantiques souligne, comme cela est