Portrait de Marie de Hongrie, d'après un original de Titien datant de 1548, huile sur toile, 110 × 90, Musée des arts décoratifs, Paris.
De plus, il n'était guère à craindre de voir une veuve postuler à des ambitions dynastiques.
Marie de Hongrie s'accommoda parfaitement de son nouveau rôle: elle se révéla habile diplomate, réussissant à concilier, comme personne, les intérêts dynastiques de son frère l'Empereur avec ceux - locaux - des provinces néerlandaises. A de nombreux égards, les Pays-Bas traversèrent durant sa régence un âge d'or; ils formaient une des parties les plus prospères du grand empire des Habsbourg.
Un autre fait d'importance tient à ce qu'elle était ouverte à la pensée réformée au sujet de laquelle elle ne manquait pas d'informations. Elle entretint des contacts personnels aussi bien avec Érasme qu'avec Luther et si elle ne cessa de se tenir aux directives d'inspiration catholique de Charles Quint, ce fut tout de même grâce à sa politique modérée qu'une explosion religieuse put être évitée aux Pays-Bas. La situation devait changer sur ce point sous la régence ultérieure de Marguerite de Parme, la troisième femme qui contribua à façonner le xvie siècle hollandais.
A l'automne 1993, une exposition exceptionnelle a permis à un large public de faire connaissance avec la personnalité de Marie de Hongrie. Cette exposition devait sa particularité non seulement aux prêts d'éblouissants objets en provenance de neuf pays mais également à ce qu'elle se tenait en deux musées situés dans deux villes différentes.
Le Musée royal d'Utrecht, Het Catharijneconvent, a consacré son exposition à la vie de Marie de Hongrie. En recourant à des portraits, des documents d'archives et des objets d'art, on a reconstitué une image des composantes politique et religieuse de son existence et de l'époque à laquelle les événements en question se déroulèrent. Pour sa part, le Musée brabançon de Bois-le-Duc a montré en quoi consistait le mécénat exercé par la régente et a donné ainsi une idée d'une grande époque de prospérité que traversèrent les Pays-Bas à la Renaissance.
Les nombreux et admirables portraits de la main de maîtres renommés au niveau international, les tapisseries brabançonnes, les manuscrits richement enluminés, les sculptures, les armures d'apparat, les projets et représentations de réalisations architecturales datant de l'époque de Marie de Hongrie, tous ces objets réunis dans cette double exposition, ont contribué à évoquer un glorieux passé. Comme Marie de Hongrie était tombée dans l'oubli ces derniers temps, et ceci même aux Pays-Bas, on peut à juste titre parler de réhabilitation. Réhabilitation de Marie elle-même mais aussi du xvie siècle en tant qu'âge d'or dans l'histoire et la culture des Pays-Bas.
Lauran Toorians
(Tr. D. Cunin)
A l'occasion de ces expositions est paru, sous la rédaction de a.m. koldewey, un catalogue aux allures de manuel: Maria van Hongarije: koningin tussen keizers en kunstenaars, 1505-1558 (Marie de Hongrie: une reine entre Empereurs et artistes, 1505-1558), Waanders, Zwolle, 1993.