Septentrion. Jaargang 22
(1993)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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LittératureLes cent ans de ‘Van Nu en Straks’Voici cent ans paraissait Van Nu en Straks (Aujourd'hui et Demain / Aujourd'hui et Tout à l'heure), la revue dirigée par August Vermeylen (1872-1945) qui préludait au renouveau de la littérature flamande à la fin du xixe siècle (1893-1894; 1896-1901). Les fondateurs de Van Nu en Straks avaient pris exemple sur quelques périodiques anticonformistes franco-belges: La jeune Belgique (1881-1897), un mensuel littéraire défendant les conceptions de ‘l'art pour l'art’ et un naturalisme tempéré (on comptait Georges Eekhoud et Émile Verhaeren parmi les collaborateurs); L'art moderne également (1881-1914), un hebdomadaire fondé par Edmond Picard et Octave Maus (luimême fondateur et organisateur du ‘Salon des XX’ de Bruxelles) dans les colonnes duquel on prenait position pour un art accessible au plus grand nombre ainsi que pour la vision synthétique de l'Art Nouveau; enfin La société nouvelle, mensuel anarchisant et véhicule de propagande en faveur d'un engagement social vigoureux. Van Nu en Straks a emprunté des éléments à chacune de ces revues, alors que l'intitulé même est peut-être pour une part inspiré de La littérature de tout à l'heure (1889), essai écrit par le poète et romancier français Charles Morice, un théoricien du symbolisme qui avait subi l'influence de Verlaine. Grâce à la collaboration de Henry van de Velde (1863-1957) - dont l'autobiographie Récit de ma vie vient de sortir chez FlammarionGa naar eind(1) - la Première série de la revue se distinguait par un caractère nettement Art Nouveau: les numéros étaient illustrés par quelques membres du groupe ‘Les XX’ et l'un d'eux fut même entièrement consacré à Vincent van Gogh. On voulait donc que Van Nu en Straks reflétât une large activité artistique au sein de laquelle il
Frontispice du premier numéro de la Nouvelle série, janvier 1896.
convenait d'attribuer également à la littérature un nouveau fondement philosophique. Une chose remarquable - et qui constitue peutêtre le plus grand mérite de la revue - fut que les conceptions synthétiques présidant à l'Art Nouveau aient permis d'éviter une rupture entre les rédacteurs Cyriel Buysse (1859-1932), Emmanuel de Bom (1868-1953) et Prosper van Langendonck (1862-1920), de fortes individualités, à l'instar de Vermeylen, qui, de surcroît, campaient sur des positions politiques antinomiques. Vermeylen lui-même estimait que l'unité du groupe résidait dans l'idée commune d'un ‘messianisme’ et faisait observer que tous se retrouvaient sur ‘le même niveau de sensibilité’. Leurs essais et petites proses les plus significatifs promettent - quoique sans dépasser une terminologie imprécise - une nouvelle synthèse caractéristique de l'esprit décadent et ‘fin de siècle’. Leur poétique était celle des symbolistes, entendue comme éviction du matériel et du positivisme par le mystérieux et l'idéalisme. Ce symbolisme trouva sa plus parfaite expression dans l'oeuvre de Karel van de Woestijne (1878-1929). Qu'une place fût laissée aux écrits naturalistes d'un Cyriel Buysse ou d'un Stijn Streuvels (1871-1969) ne doit pas laisser croire à une quelconque inconséquence. En effet, l'idée d'une synthèse universelle permettant à l'individu de se développer librement et en har- | |
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monieuse intelligence dans la communauté ne constitue pas uniquement le fil conducteur des essais de Vermeylen. Il s'agit en même temps d'une vision dans laquelle le catholicisme romantique et traditionnel du poète plus avancé en âge Van Langendonck aussi bien que l'anarchisme de certains jeunes pouvaient trouver un havre, tout en étant également un point de rencontre pour tous les nouveaux courants artistiques. L'art avantgardiste de Van Nu en Straks montre des affinités aussi bien avec l'oeuvre de Lemonnier qu'avec celle de Maeterlinck. La Nouvelle série fut lancée en 1896 comme une pétarade de contributions anarchistes introduites par la Kritiek der Vlaamsche Beweging (Critique du Mouvement flamand) de Vermeylen. Le flirt avec l'anarchisme fut intense mais de courte durée. Toutefois, cette provocante critique du Mouvement flamand s'avéra fondamentale et exerça une réelle influence. Les convictions de Vermeylen ont assurément permis au flamingantisme romantique de passer au stade de mouvement d'émancipation socio-économique. A l'heure qu'il est, sa vision selon laquelle l'entité flamande devait s'affirmer dans un cadre plus large, c'est-à-dire européen - comme nous le laisse entendre la formule ‘Nous voulons être Flamands afin de devenir Européens’ - ne paraît aucunement avoir perdu de son actualité. Anne Marie Musschoot (Tr. D. Cunin) |
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