Septentrion. Jaargang 12
(1983)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdBelgiqueLes partis traditionnels et les ‘autres’D'aucuns estiment, apparemment, que dans un pays, un seul parti politique - forcément celui auquel ils adhèrent - est plus que suffisant. Tel n'est à l'évidence pas le cas en Belgique, où l'on dénombre actuellement une douzaine de partis politiques au Parlement. Trois partis politiques à peine, ou plutôt trois familles politiques: catholiques, libéraux et socialistes, ont pourtant dominé de manière presque ininterrompue la vie politique belge de 1830 jusqu'à nos jours. Au cours des années, leurs prénoms ont pu se modifier, mais leur ‘nom de famille’ est demeuré inchangé. L'éloignement entre Flamands et Wallons devenant de plus en plus manifeste, ces trois partis se sont vus dans l'obligation de procéder à une séparation de biens, mais même séparés, Flamands et Francophones d'une même famille politique se rencontrent sans trop de difficultés et retrouvent des terrains d'entente, pour autant, précisément, qu'il ne s'agisse pas de questions d'ordre communautaire. Ces trois formations politiques traditionnelles - qui sont donc maintenant six: trois de chaque côté de la frontière linguistique - n'ont que très rarement | |
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toléré que d'autres partis soient associés à l'exercice du pouvoir. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les communistes accédèrent aux bancs gouvernementaux, mais il fut mis fin à leur participation gouvernementale après moins de deux ans. Les fédéralistes, pour leur part, ne furent invités à siéger au gouvernement que dans les années 1974 à 1980, soit dans un passé tout récent, à l'époque du dialogue tous azimuts que l'on voulait mettre sur pied en vue d'organiser la coexistence ultérieure des Wallons, des Flamands et des Bruxellois. | |
Fédéralistes.Ce furent les fédéralistes, plus particulièrement du côté flamand, qui, les premiers et le plus ouvertement, brisèrent le carcan du système traditionnel des partis politiques belges, fût-ce de manière non décisive. Une première étape de leur percée fut la création du Frontpartij (Parti frontiste) en 1919, à l'issue de la première guerre mondiale. Les anciens combattants flamands étaient revenus du front de l'Yser, où le roi Albert, entre autres, leur avait fait des promesses sur le plan linguistique. Grande fut leur déception lorsqu'ils virent leur réalisation toujours remise aux calendes grecques; la guerre étant finie, il y avait une foule d'autres problèmes à résoudre. Les anciens du front de l'Yser décidèrent alors de s'atteler eux-mêmes à cette tâche. Se présentant pour la première fois aux élections de 1919, le Parti frontiste put d'emblée envoyer cinq frontistes au Parlement. Il prônait une réforme de l'Etat dans le sens fédéraliste, s'affichait antimilitariste et pacifiste, s'orientait plutôt à gauche et se distinguait surtout comme un parti pluraliste groupant aussi bien des croyants que des incroyants. Il est arrivé que, faute de listes propres en Flandre, des communistes y votassent pour le Parti frontiste. Le Parti frontiste réussit en dix ans à peine à doubler ses effectifs parlementaires, mais par suite de discussions idéologiques internes, il se réduisit finalement à une formation exclusivement anversoise. Par ailleurs, un autre parti nationaliste flamand se préparait à entrer en lice. Initialement, le Vlaams Nationaal verbond (VNV - fédération nationale flamande) se voulait un ‘parti d'unité’ regroupant les différents petits partis et groupuscules d'inspiration nationaliste que comptait la Flandre à l'époque. Cet effort de regroupement aboutit, probablement dans une large mesure, grâce à la personnalité remarquable du leader Staf de Clercq, qui tint les rênes du parti jusqu'à sa mort en 1942. Le climat de l'époque aussi était pour beaucoup dans le succès recueilli par le VNV: le désir d'ordre et de discipline ainsi que le dégoût du parlementarisme incontestablement malade jouaient en faveur d'un parti aux traits autoritaires indéniables. Le VNV tendait vers une société corporatiste préservant un contrôle populaire démocratique et rejetant la dictature. Aux élections législatives de 1936, seize VNV furent envoyés au Parlement, soit un nombre suffisant pour inciter le parti catholique de l'époque à poursuivre un accord avec le VNV, initiative qui devait toutefois demeurer sans résultats politiques concrets. Le VNV, du reste, n'irait pas beaucoup plus loin. Au début de la deuxième guerre mondiale, il s'engagea sur la voie de la collaboration, de sorte qu'il ne pouvait plus être question d'un retour sur la scène politique après la libération. Il fallut dix ans avant que le nationalisme flamand pût à nouveau s'exprimer, en 1954, par la bouche d'un nouveau parti politique, qui occupe toujours la scène actuellementGa naar eind(1): La Volksunie. La Volksunie (VU - Union populaire) annonça d'emblée comme sa première préoccupation la transformation de l'Etat unitaire existant en un Etat fédéral réunissant deux Etats fédérés. Elle se référait donc à la tradition des frontistes. Son désir d'être en même temps un parti décléricalisé à base chrétienne mettait parfois le nouveau parti nationaliste flamand dans une position difficile, surtout à ses débuts, qui coïncidèrent avec la période de la lutte scolaire de 1954-1958.Ga naar eind(2) Il évolua assez vite vers un pluralisme philosophique - ce qui avait aussi été l'idéal frontiste - et vers une | |
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Brochure ‘L'identité de la Volksunie’ par Hugo Schiltz, ancien président de la Volksunie.
orientation centre-gauche sur le plan social et économique. Electoralement, ce fut payant: ayant à peine dix députés à la Chambre des représentants en 1961, la Volksunie en comptait déjà vingt et un en 1971 et enregistrait en même temps son succès électoral le plus éclatant jusqu'à présent. Le parti finit par se trouver un peu à bout de souffle: une attention un peu moins prononcée accordée aux aspects communautaires et davantage axée sur le social et l'économique, peut-être une orientation un peu trop pluraliste au détriment d'un profil catholique plus clérical, une envie trop manifeste de participer au pouvoir gouvernemental et, partant,
‘Wij’ (Nous), hebdomadaire de la Volksunie.
un certain abandon de son rôle de parti aiguillon flamand... Ce fut précisément la participation gouvernementale, de 1977 à 1978, soit à peine un an et demi, qui valut au parti une cuisante défaite électorale. Et comme si cette punition ne suffisait pas, le parti dut encore faire face à des dissidences; l'une d'entre elles aboutit même à la création du parti d'extrême-droite Vlaams Blok (Bloc flamand), qui compte toujours un député anversois au Parlement. Retrouvant les bancs de l'opposition, la Volksunie réussit assez rapidement à panser ses blessures et à réparer les dégâts, ou presque. Actuellement, elle compte vingt députés et dixsept sénateurs. Le nationalisme flamand, par conséquent, représente bel et bien une constante sur l'échiquier des partis politiques flamands. | |
Des francophones autres.Le paysage politique belge fut encore moins perturbé par l'arrivée de nouveaux venus du côté des partis francophones que du côté flamand. Pendant l'entre-deuxguerres, il y eut bien sûr le mouvement Rex, résultant principalement de l'action menée par Léon Degrelle - que les dames se plaisaient à appeler le ‘beau Léon’ -, toujours en exil en Espagne. Degrelle était un homme particulièrement habile et surtout très éloquent. Il savait mobiliser des masses importantes qu'il galvanisait par ses discours traduisant le mécontentement grandissant à | |
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l'égard du système parlementaire malade des années trente. Degrelle s'assignait comme mission de nettoyer les écuries d'Augias qu'étaient les partis politiques. Il put immédiatement se féliciter d'un appui électoral substantiel: participant pour la première fois aux élections en 1936, Rex compta tout de suite vingt et un parlementaires, ce qui représentait, sur le plan politique belge, un véritable glissement de terrain. Mais il n'en subsistait plus grand-chose trois ans après, à la veille de la deuxième guerre mondiale: s'étant montré trop agressif et trop présomptueux, Degrelle avait fini par mobiliser contre lui tout l'establishment. Rex sombrerait dans la collaboration avec l'occupant nazi et s'avérerait n'avoir été qu'un phénomène lié à l'époque. Tout aussi caractéristique d'une époque, bien que plus durable, fut le Front démocratique des francophones bruxellois (FDF)Ga naar eind(3), créé en 1965 et qui est un phénomène bruxellois exclusivement francophone. Il dut son essor rapide aux grandes lois linguistiques de 1962-1963, qui devaient notamment améliorer la situation linguistique à Bruxelles et fixaient la frontière linguistique. Ces lois linguistiques avaient mobilisé des dizaines de milliers de Flamands lors des historiques marches sur Bruxelles, impressionnantes manifestations sillonnant les grands boulevards de la
Programme politique du Front démocratique des francophones bruxellois.
capitale, qui ne manquèrent pas de susciter des réactions négatives chez le Bruxellois francophone moyen. Celles-ci furent canalisées au sein du FDF, parti communautaire - les rapports entre Flamands et francophones à Bruxelles, étant sa raison d'être proprement dite - il s'efforcerait cependant, dans le courant des années, d'élargir son programme en un programme d'ensemble. Ce nouveau parti conquit rapidement une place solide parmi les autres partis, surtout après qu'il eut décidé d'unir son action à celle menée par le Rassemblement Wallon (RW), un nouveau parti fédéraliste wallon. Ensemble, ils envoyèrent vingt et un députés à la Chambre des représentants en 1971, moment où ils connurent leur apogée. Le RW fut le premier parti fédéraliste à entrer dans un gouvernement belge - le cabinet Tindemans, de 1974 à 1977 -, mais il dut payer cette participation au pouvoir national d'une débandade quasi totale. Il réunissait, en fait, plusieurs petits partis wallingants et fédéralistes. Mais à première vue, le fédéraliste wallon ne ressent pas tellement la nécessité d'un parti ‘fédéraliste wallon’ propre; contrairement à ce qui était le cas en Flandre - où la VU s'appuie indéniablement sur une tradition spécifique auprès d'une fraction plus ou moins stable du corps électoral flamand -, il pouvait trouver ce qu'il cherchait du côté des partis traditionnels. Le FDF par contre sut se maintenir dans la capitale: par le biais de la participation aux élections communales, il s'était assuré une assise électorale particulièrement solide, toujours limitée à l'agglomération bruxelloise et à une partie de sa périphérie. Il n'en demeura pas moins un élément important parmi les partis politiques bruxellois et représente toujours un petit tiers du corps électoral de la capitale. Il reste à voir comment réagira l'électeur bruxellois à l'avenir. En effet, la capitale compte encore un autre nouveau parti politique: l'Union pour la démocratie et le respect du travail / Respect voor Arbeid en Democratie (UDRT-RAD), dénomination | |
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Auto-collant de l'U.D.R.T.
qui constitue en soi tout un programme. Ce qui frappe, c'est que ce parti ne se fonde pas sur les antagonismes flamando-wallons, mais qu'il s'oppose à l'ingérence de plus en plus envahissante de l'Etat dans la vie quotidienne, à la fiscalité galopante, et qu'il puise sa raison d'être dans la crise économique. Avec ses quatre parlementaires, le parti a manifestement le vent en poupe, bien qu'aux élections législatives les plus récentes, la grande percée, escomptée par de nombreux observateurs, se soit fait attendre et que la formation ne soit pas vraiment parvenue à améliorer son score. | |
Ecologistes.Sollicitant pour la première fois les faveurs de l'électeur aux élections législatives de 1981, les écologistes enregistrèrent d'emblée des résultats nettement supérieurs à ceux de l'UDRT-RAD antifiscal bruxellois: neuf parlementaires bien répartis sur la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Il est vrai qu'ils éprouvent quelque difficulté à se donner un profil
Affiche des écologistes flamands (AGALEV): Occupez-vous de LA PAIX.
précis, à droite, à gauche ou quelque part au centre. De tout ceci, il faut conclure que nous sommes loin de l'époque où le pays se contentait de trois ou quatre partis. Par ailleurs, à chaque élection, on constate que le nombre des candidats à une petite place au soleil parlementaire ne fait qu'augmenter. Cette multitude croissante n'est pas sans effrayer d'aucuns - leurs craintes concernent surtout la stabilité politique -, bien que, comme nous l'avons indiqué plus haut, les trois familles politiques traditionnelles dominent toujours très nettement la vie politique quotidienne. Les ‘autres’ n'ont qu'à attendre jusqu'à ce qu'ils soient ‘invités’ à accéder aux postes gouvernementaux et à participer à l'exercice du pouvoir... marc platel Adresse: Oudstrijderslaan 6, B-1950 Kraainem.
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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