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Les revues littéraires en Flandre et aux Pays-Bas
Hugo Brems
Né en 1944 à Heverlee (province de Brabant). Docteur en philologie germanique en 1973 avec une thèse sur De lichamelijkheid in de experimentele poëzie (La corporalité dans la poésie expérimentale). Assistant pour les lettres néerlandaises modernes à la ‘Katholieke Universiteit Leuven’. A publié De brekende sleutel. Moderne poëzie geanalyseerd (1971 - La clé qui casse. Analyse de poésies modernes) et collabore aux revues Dietsche Warande en Belfort, Ons Erfdeel, Kultuurleven et aux émissions de BRT 3.
Adresse:
Huttelaan 263, 3030 Heverlee (Belgique).
La littérature néerlandaise n'occupe qu'une aire linguistique relativement modeste. Le nombre de lecteurs potentiels est réduit, et plus réduit encore le nombre de Néerlandais et de Flamands qui lisent effectivement des textes littéraires. A cela s'ajoute que, dans l'univers de la littérature, la revue littéraire occupe une place à part et limitée, à côté de l'édition, de l'information littéraire fournie par le quotidien ou l'hebdomadaire, et de l'enseignement littéraire. Aussi les lecteurs de revues littéraires constituent-ils la minorité d'une minorité: une curiosité. Avec la toile de fond de ces constatations, qui pour être tristes n'en sont pas moins incontestables, la situation des revues littéraires de l'aire linguistique néerlandaise forme un surprenant contraste. Le lecteur téméraire qui voudrait pourtant se risquer à les lire, aurait à se colleter avec une production d'une profusion, d'une confusion et d'une étendue inouïes. A cet égard, la Flandre présente du reste une situation passablement plus colorée et hasardeuse que les Pays-Bas où la vie littéraire peut pourtant tabler sur un plus large intérêt du public.
A la base de cette étrange situation, on trouve peut-être le mécanisme suivant: plus la littérature vivante est ignorée par le monde officiel de la presse, de la radio, de la télévision et des conversations quotidiennes, plus elle s'active dans le maquis des revues littéraires.
Quelques chiffres illustreront sans doute plus clairement l'intense fermentation et l'intense ébullition qui travaillent clandestinement notre monde littéraire.
D'après les données tout à fait dignes de foi du catalogue de l'exposition Reizende Bladen. Literaire tijdschriften van Noord en Zuid na 1945, (Journaux en voyage - Revues littéraires de Flandre et des Pays-Bas après 1945) établi par W. Adams et R. Breugelmans, il a existé entre 1945 et 1974, en Flandre et aux Pays-Bas, plus de
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‘Kreatief’, depuis 1966, édité par L. Deflo, Groeningestraat 23, 8610 Wevelgem (Belgique).
353 revues littéraires. En février 1974, date limite de l'enquête, 62 étaient encore en vie, dont 28 aux Pays-Bas et 34 en Flandre.
Plus récente mais moins sérieuse est l'enquête de la revue Diepdruk. Les rédacteurs de cette publication font l'inventaire des revues littéraires et de culture générale qui paraissent en Flandre en 1977. Ils font mention de 55 publications, représentant la production du moment. Il va sans dire qu'une telle production est d'une extra-ordinaire hétérogénéité, tant en ce qui concerne l'allure, la conception et la valeur que le public visé. Si l'on met à part les revues littéraires ou philologiques pour spécialistes, telles entre autres De nieuwe taalgids, Forum der Letteren et Spiegel der Letteren, il reste grosso modo trois catégories de publications qui remplissent chacune une fonction bien spécifique: les revues à programme, les revues anthologiques qui ne défendent pas de courant ou de tendance spécifiques, et les revues de culture générale.
En premier lieu donc, les revues à programme, qui font l'histoire de la littérature, qui donnent de nouvelles impulsions à son développement et fournissent leurs chances aux auteurs à idées neuves. ‘Une telle revue, soudainement surgie, peut servir de centre à partir duquel un homme seul parfois opère et rassemble des partisans, ou, ce qui est plus souvent le cas, dans lequel plusieurs écrivains de même sensibilité se rencontrent et se soutiennent’. (G. Borgers, dans son introduction à Reizende Bladen.) Parmi les exemples les plus connus de cette catégorie, l'histoire littéraire néerlandaise nous offre des revues comme De Nieuwe Gids (1885-1894) aux Pays-Bas, et Van Nu en Straks (1893-1901) en Flandre.
Après la seconde guerre mondiale, nous connûmes successivement les revues où se produisaient les écrivains ‘expérimentalistes’ des années 50 - Braak (1950-1951), Tijd en Mens (1949-1955) -, et celles qui exprimaient les diverses variantes de néo-réalisme. Cela commença dès 1958 avec Barbarber (1958-1971) de J. Bernlef et K. Schippers, suivi quelques années plus tard par un avatar plus dur de De Nieuwe Stijl (1965-1966). En Flandre, le nouveau-réalisme se développait dans des publications comme Ruimten (1961-1973) et Yang (1963-) jusqu'à prendre conscience de soi, en 1971, dans un manifeste dû à L. Deflo, rédacteur de Kreatief (1966-).
Au cours d'une description et d'un inventaire de ces publications, il n'est pas toujours possible de tirer des lignes bien nettes. Au fil de leur existence, bon nombre de revues défendent, au hasard de la relève des équipes de rédaction, des tendances
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‘Raster’, depuis 1977, édité par les Editions ‘De Bezige Bij’, Amsterdam.
littéraires très divergentes, ou évoluent de l'anthologie au programme ou inversement.
Quelques exemples typiques de ces vicissitudes sont donnés par Gard Sivik, Kreatief et Yang. Gard Sivik fondé en 1955 par des poètes comme P. Snoek, G. Gils et H.C. Pernath, constituait au premier chef une réaction de la deuxième génération de poètes expérimentalistes de Flandre contre le cénacle passablement fermé de Tijd en Mens. La rédaction s'étant élargie aux Pays-Bas, l'accent glissa pourtant peu à peu vers le néo-réalisme, tant et si bien même que la dernière livraison, le numéro 33 (1963), représente, en même temps qu'un désaveu du passé de la revue, un manifeste orienté vers le néo-réalisme le plus froid et le plus objectif.
Kreatief évolua de l'anthologie au programme pour revenir ces dernières années à l'anthologie. Si nous regardons la production des cinq dernières années, nous pouvons cependant y trouver à nouveau quelques publications qui ont manifestement leur visage propre, qui prennent plus ou moins explicitement une option et défendent un programme.
Aux Pays-Bas paraît depuis peu Raster (1977-) dont la rédaction comporte des gens comme H.C. ten Berge, J.F. Vogelaar et J. Bernlef: Raster, sous sa forme actuelle est une nouvelle version du Raster (1967-1972) qui paraissait sous la rédaction de H.C. ten Berge, et tirait son principal intérêt de l'information qu'il faisait passer sur la littérature d'avantgarde à l'étranger et les nouvelles tendances dans l'étude scientifique de la grammaire textuelle et l'approche linguistique des oeuvres littéraires. Le nouveau Raster continue pour une part à remplir cette même fonction mais en outre (c'est essentiellement l'apport de J.F. Vogelaar) il met très nettement l'accent sur une critique littéraire inspirée par la sociologie et le marxisme. Sur le plan de la créativité, il présente surtout des textes qui visent à déplacer les frontières stylistiques ou sociales. La plupart des livraisons se concentrent sur un thème, comme ‘l'avant-garde’, ‘les nouveaux développements des sciences de la littérature’ et autres du même genre. Dans Raster la littérature est tout autant une démarche très consciente qu'une entreprise pleine d'aléas.
Pour le reste, le paysage des Pays-Bas n'offre guère de reliefs marqués. On peut certes mettre en évidence une différence de mentalité ou d'atmosphère entre des publications comme Tirade et De Revisor,
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‘Tirade’, depuis 1957, édité par les Editions Van Oorschot, Herengracht 613, Amsterdam.
mais on n'y trouve pratiquement pas de programmes proclamés ni de prises de position bien définies. Par contre les polémiques, portant surtout sur les normes de la critique, ne font pas défaut mais il ne s'agit pas là de donner des impulsions et une direction à la production et à la créativité littéraires. Du reste, aux Pays-Bas, une bonne part de ces discussions littéraires trouve place plutôt dans les quotidiens et surtout dans les hebdomadaires non spécialisés que dans les revues littéraires, qui apparaissent de plus en plus comme des vecteurs trop lents pour la défense de prises de position qui collent à l'actualité. C'est pourquoi celui qui recherche une information à jour trouvera en définitive le mieux sa pâture dans les hebdomadaires De Groene Amsterdammer, De Haagse Post ou Vrij Nederland.
Ce n'est pas du tout le cas en Flandre où la presse non spécialisée n'accorde qu'un intérêt réduit ou des plus mitigés aux questions littéraires. Mais cette indifférence se trouve compensée par un plus grand éclectisme des revues littéraires elles-mêmes, qui, à défaut peut-être d'une qualité littéraire homogène, font preuve de plus de vie et de variété. C'est ainsi que Impuls (1969-) après des années de léthargie, a publié en 1975 un numéro contenant une ‘Esquisse d'un Manifeste d'Impuls’, signée par les poètes W. Adams et M. Bartosik. En partie par réaction contre ce que l'on nomme l'unidimensionnalité du néo-réalisme, on y plaide pour une poésie axée essentiellement sur l'exploration de la langue. On y défend une forme de ‘néo-expérimentalisme’ dans laquelle le dynamisme de l'inspiration cher aux écrivains des années cinquante fait place à une écriture consciente, mathématique, visant au mythe et à l'histoire, dans la tradition de Mallarmé et de G. Benn. De Tafelronde, au départ fervent adepte de la tradition mais rapidement devenu l'organe des poètes ‘post-expérimentalistes’ comme A. de Roover et consorts, a évolué depuis en forum par excellence de toutes les tendances concrètes, visuelles et auditives de la poésie néerlandaise (et internationale). Dans ce contexte paraît depuis des années dans cette revue, un flot ininterrompu de manifestes qui suivent comme leur ombre les développements de cette forme artistique originale, quand ils ne la devancent pas. Labris (1962-1973), revue des
‘ultra-expérimentalistes’, fit un bout de chemin dans cette direction avec De Tafelronde avant de disparaître il y a quelques années. Kreatief qui devint le carrefour du néo-réalisme en Flandre, s'est de plus en plus attaché, ces dernières années, à fournir des ‘numéros-dossiers’ bien documentés, qui présentent des sujets très
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‘De Revisor’, depuis 1974, édité par De Revisor B.V. en coopération avec les Editions Athenaeum, Polak & Van Gennep, Amsterdam.
divers comme ‘littérature et psychiatrie’, ‘la poésie des Pays-Bas’, ‘Berthold Brecht’ et ‘la littérature au pays de l'apartheid’. Yang, qui fut longtemps la tribune de tous ceux qui, dans la région de Gand, s'occupaient de ‘littérature et de communication’ - comme l'annonce le sous-titre -, ouvre de plus en plus ses colonnes à une faune bariolée de jeunes poètes très divers mais à qui il n'est pas rare de se retrouver dans une même tonalité fondamentale de sentiment romantique de la vie. Mérite une mention spéciale Heibel, qui, comme tant de revues flamandes, émerge d'une histoire troublée. Fondée en 1965 par F. Depeuter, R. Hannelore et W. van den Broeck, cette revue se proposait au premier chef de distribuer quelques furieuses ruades à ce qu'elle appelait ‘le petit monde littéraire satisfait de lui-même et corrompu’. C'était la période où prospéraient les ‘follicules’
‘De Tafelronde’, depuis 1957, édité par Paul de Vree, Camille Huysmanslaan 46, 2020 Antwerpen.
critiques et polémiques de cet acabit: cf. Bok (1963-1964) et Mep (1965-1968). Au fil des années, les rédacteurs aussi devinrent des gens pondérés et, à l'entrée de la 10e année, ils transmirent leur publication à une nouvelle rédaction, qui ne parvint d'aileurs pas à se maintenir, si bien qu'en 1977 un Heibel de la troisième génération, et aux toutes nouvelles options vit le jour. L'intérêt de ce nouveau Heibel, c'est qu'on tente d'y intégrer la littérature dans un complexe plus large de communication par le texte (et l'image) en y accordant une attention toute spéciale aux fonctions sociales et idéologiques. Des rédacteurs comme W. van den Broeck, D. Robberechts etc..., sont les garants d'une approche critique et judicieuse de la littérature et de la culture. On pourrait qualifier Heibel d'émule moins sophistiqué mais à mon sens plus efficace du Raster néerlandais. Cette comparaison vaudrait
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‘Heibel’, depuis 1965, édité par E. De Winter, Vrijheidsstraat 18, B-2300 Turnhout.
aussi en partie pour Restant (1971-) qui a fourni bien du travail méritoire en mettant la littérature vivante en contact avec l'étude littéraire universitaire. Dans le monde souterrain et passablement chaotique des petites revues de jeunes, on ne peut guère découvrir de ligne de conduite et de programme bien nets. Au risque de frustrer lourdement certains rédacteurs, je ne veux en nommer que quelques-unes. Dimensie (1976-) essaie, sous la direction de Jan Biezen, de grouper la dernière génération de poètes néo-romantiques, et mène dans ce but une politique de présence ostentatoire mais provisoirement passablement dénouée de talent critique ou créatif convaincant. Plus riche de promesses semble par contre Deus ex Machina (1977-) qui essaie de réconcilier
‘Dietsche Warande & Belfort’, depuis 1900, édité par les Editions Standaard Uitgeverij, Belgiëlei 147, 2000 Antwerpen.
les tendances romantiques et classiques et proclame avec beaucoup d'emphase un programme qui ne peut se piquer d'être un chef-d'oeuvre de clarté et qui, dans certaines de ses positions, en particulier au sujet du rôle prophétique, sacerdotal, du poète, a des allures franchement réactionnaires. Seul l'ancien reste pour l'instant authentiquement nouveau!
Même si l'on peut, dans ces revues, suivre le processus de naissance de la littérature, celui qui se limiterait à leur lecture risquerait pourtant d'être très partiellement et très partialement informé. Les revues anthologiques éclectiques, qui suivent la vie littéraire à quelque distance et essaient d'en récolter la fine fleur, d'où qu'elle vienne, si elles sont moins bigarrées,
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‘Nieuw Vlaams Tijdschrift’, depuis 1946, édité par les Editions Manteau, René Comhairelaan 107, 1080 Brussel.
présentent du moins l'avantage de voir plus large et de pouvoir déjà tabler sur la présélection des autres. Du plus loin qu'on se souvienne, paraissent en Flandre ‘les trois grandes revues traditionelles’, qu'on a coutume d'associer avec diverses tendances politico-idéologiques, ce qui, du moins en ce qui concerne le contenu, n'est plus guère vérifié. La plupart des articles, qu'ils soient de création ou de critique, sont interchangeables et pourraient tout aussi bien paraître dans Dietsche Warande et Belfort (1900-) prétendu catholique que dans Nieuw Vlaams Tijdschrift (1946-) réputé socialiste ou dans De Vlaamse Gids (1916) étiqueté libéral. La distinction idéologique ne joue plus guère quelque rôle que dans le recrutement des membres de
‘De Vlaamse Gids’, depuis 1916, édité par la fondation ‘De Vlaamse Gids’, Korte Nieuwstraat 28, 2000 Antwerpen.
la rédaction, les liens avec les maisons d'édition, et les divers milieux où ces revues trouvent la plupart de leurs lecteurs.
Il n'en reste pas moins que chacune de ces publications présente un profil plus ou moins reconnaissable... Dietsche Warande en Belfort est la publication qui joue avec le plus de conséquence son rôle d'anthologie et insère des textes des plus convenables. Mais le principal atout de la revue réside dans la large place qu'elle accorde à des chroniques de critique et d'information sur la littérature, la poésie, la prose et les revues littéraires du pays et de l'étranger.
Le Nieuw Vlaams Tijdschrift par contre met surtout l'accent dans sa sélection sur les textes ‘expérimentalistes’ et ‘avantgardistes’,
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‘De Gids’, depuis 1837, édité par la fondation ‘De Gids’ en coopération avec les Editions Meulenhoff, Postbus 100, Amsterdam.
sans y marquer pourtant trop d'esprit d'école. La rédaction ne craint pas d'insérer parfois des essais techniques ou analytiques souvent très spécialisés qui, en dépit de leur fréquente qualité exceptionnelle, n'en risquent pas moins d'effrayer l'amateur de littérature moyen. De toutes les revues anthologiques flamandes, c'est sans contredit le NVT qui serre de plus près la littérature vivante qui se nourrit d'expérimentalisme et de renouvellement.
Dans De Vlaamse Gids qui depuis 1975 ne paraît plus que six fois par an, la littérature créative ne s'exprime plus guère. La plupart des livraisons sont composées sur le même canevas. On présente un auteur, d'abord dans une interview, puis grâce à un choix succinct d'extraits de son oeuvre
‘Maatstaf’, depuis 1952, édité par les Editions De Arbeiderspers, Singel 262, Amsterdam.
récente, et enfin dans quelques essais de critique ou d'analyse. Dans la mesure où il reste encore de la place, on la remplit grâce à des articles disparates où c'est surtout l'humanisme et la libre-pensée qui donnent le ton. A l'ombre de ces trois grands mais sensiblement dans la même ligne, opèrent encore Kreatief dont nous avons déjà parlé, Nieuwe Stemmen (1944-1978) et Argus (1977-) qui vient d'être créé et qui se veut explicitement anthologique et pluraliste.
Aux Pays-Bas paraît depuis 1837 De Gids, la doyenne d'âge des revues littéraires de l'aire linguistique néerlandaise. Fondée par E.J. Potgieter, elle a survécu à toutes les tempêtes et son évolution l'a conduite à être aujourd'hui une publication de culture générale où la littérature ne se voit
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‘Hollands maandblad’, depuis 1959, édité par la fondation ‘Hollands Weekblad’ en coopération avec les Editions Meulenhoff, Postbus 100, Amsterdam.
accorder qu'une place relativement réduite, à côté d'articles qui traitent le plus souvent de questions historiques, sociologiques ou politiques et qui sont généralement de très haut niveau. La même exigence de qualité s'applique d'ailleurs à la littérature qui est la plupart du temps représentée par les seules publications pré-originales d'oeuvres d'auteurs en place.
Aux Pays-Bas plus qu'en Flandre, les grandes revues littéraires sont ‘l'organe domestique’ de maisons d'édition à rayon littéraire: De Gids et Hollands Maandblad émanent de Meulenhoff, Maatstaf de De Arbeiderspers, Tirade de Van Oorschot, De Revisor de Athenaeum-Polak & Van Gennep. Il découle de ce fait que nombre
‘Chrysallis’, depuis 1978, édité par les Editions Elsevier Nederland BV, Brussel/Amsterdam.
d'articles ont un rapport direct ou indirect avec le programme d'édition de la maison, soit sous la forme d'avant-publications, soit sous forme d'un essai qui informe sur un auteur étranger dont on prévoit des traductions. Nombre de rédacteurs exercent du reste en même temps dans les maisons d'édition concernées les fonctions de lecteur. La frappante tendance à insérer dans des revues à caractère d'abord quasi-exclusivement littéraire, un nombre toujours croissant d'articles sur toutes sortes de sujets culturels, est peut-être à mettre au compte (en actif ou en passif) de la même cause. Parallèlement à De Gids, ce sont surtout Hollands Maandblad (1959-) et Maatstaf (1953-) qui prennent de plus en plus
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‘Bzzlletin’, depuis 1971, édité par Bzztôh, Stille Veerkade 7, Den Haag.
ce chemin. Maatstaf insère surtout des articles sur l'histoire et une quantité surprenante d'information sur la littérature étrangère (assez rarement de la dernière fraîcheur); Hollands Maandblad ouvre assez souvent ses colonnes à des études politiques ou économiques. D'autre part, la sélection des oeuvres littéraires se limite avec assez d'étroitesse à des textes à forme traditionnelle et baignés d'une ironie passablement intellectuelle ou à des récits d'un élégant réalisme anecdotique. Le choix de textes de Van Oorschot, éditeur et longtemps aussi seul rédacteur de Tirade (1957-) est assez souvent parallèle à celui de Hollands Maandblad: il se cantonne dans une littérature où les expériences formelles, l'engagement social déclaré et la sollicitude pour la langue brillent par leur absence. C'est une publication qui conserve l'héritage de Forum (1932-1935) de Ter Braak et Du Perron et dans laquelle des auteurs qui font preuve dans leur oeuvre d'une personnalité moins marquante que leur éditeur lui-même, ont peu de chance de se voir publiés. Il en résulte quoi qu'il en soit qu'on peut en confiance s'attendre à une haute qualité de la littérature publiée.
De Revisor (1974-) enfin, qui, de toute la série, a le plus l'allure d'un magazine, est aussi le plus vivant et le plus jeune. Les rédacteurs qui sont passablement liés au milieu universitaire amstellodamois, n'ont pas peur des polémiques et il leur arrive plus d'une fois d'apparaître au monde extérieur comme des mandarins littéraires et des régents de la culture. Les oeuvres littéraires qu'ils publient se caractérisent aussi par la part prépondérante faite à la réflexion, à la conscience de soi et à l'intelligence. Sans se référer explicitement à un programme, De Revisor représente une littérature essentiellement littéraire et consciente d'elle-même.
Nous ne pouvons conclure cet aperçu sans mentionner encore au moins la publication qui porte le nom le plus original: Bzzlletin (1971-) et qui a publié quelques très intéressants numéros à thème, en particulier sur les poètes J.C. Bloem et H. Gorter, et la toute récente Chrysallis (1978-) revue littéraire et artistique rédigée par des dames pour les dames.
Les revues littéraires néerlandaises se distinguent enfin des flamandes, nous déplorons d'avoir à le constater, par le fait qu'elles abordent régulièrement toutes les littératures étrangères jusqu'aux plus invraisemblables, mais qu'elles ignorent presque systématiquement l'existence d'une littérature néerlandaise en Belgique. Dans ce domaine, les efforts d'intégration restent encore toujours à sens unique.
Il convient enfin de mentionner encore
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‘Ons Erfdeel’, depuis 1957, édité par la fondation flamando-néerlandaise ‘Stichting Ons Erfdeel vzw’, Murissonstraat 160, B-8530 Rekkem.
quelques revues de culture générale, où l'on traite régulièrement de la littérature, surtout par le biais d'articles informatifs ou de recensions.
Le plus important est sans contredit Ons Erfdeel (1957-), une revue animée par une équipe de rédaction flamando-néerlandaise qui, à côté d'une large information sur la production littéraire du domaine linguistique néerlandais, publie aussi des considérations sur les arts plastiques, le théâtre, la musique, le cinéma et consacre en outre bon nombre d'articles aux phénomènes de société et aux questions politico-culturelles les plus diverses tant de Flandre que des Pays-Bas. Du développement de cette revue est née en 1970 la Stichting Ons Erfdeel - Association à but non lucratif - qui publie Septentrion, Revue de culture néerlandaise, où paraissent aussi beaucoup d'articles sur la littérature néerlandaise dans sa plus large acception.
Kultuurleven (1933-) publiée par les Dominicains et Streven (1947-) publiée par les Jésuites, abordent la vie culturelle sous tous ses aspects, de la politique à l'art, dans un esprit chrétien, mais font preuve d'une ouverture et d'une disposition au dialogue exceptionnelles.
Dans la même ligne enfin, mais avec des articles moins spécialisés, Jeugd en Kultuur (1955-) vise un public de jeunes en cours d'études et les guide de façon idéale dans leur devenir d'intellectuels formés à la critique.
Il va sans dire que ce survol est loin d'être exhaustif et qu'en caractérisant la physionomie propre des publications, il lui arrive d'être injuste et sommaire ou de trop généraliser. Mais si tel ou tel lecteur se trouve poussé à prendre lui-même en mains une de ces revues qui ont parfois bien de la peine à tenir leur tête littéraire au-dessus de l'eau financière, nous considérons notre but comme atteint.
Traduit du néerlandais par Jacques Fermaut. |
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