idées dans un climat de liberté que, dès son plus jeune âge, il a voulu totale. Nul n'eut plus que lui le goût de l'indépendance - Pasteur protestant de l'Eglise Wallonne de Hollande, il se dégagea de ses liens sacerdotaux dès qu'il se sentit en désaccord avec les exigences de sa mission apostolique - Ecrivain consacré après le retentissant succès de ses lettres sur la Bible, journaliste renommé, il n'hésita pas à quitter son pays pour Java où il fonda un journal qu'il devait continuer à diriger de Paris où il décida de se fixer pour y passer les dernières années de sa vie.
Ce choix n'était en fait que l'aboutissement d'une lente maturation. Il nourrissait pour la langue et la culture française une dilection qui l'avait conduit à de nombreux séjours dans notre pays. Depuis toujours, les écrivains français avaient été ses auteurs préférés et c'est vers la critique littéraire qu'il se tourna pour mieux les approcher.
Si la littérature est la conscience de la vie, la critique est la conscience de la littérature. Elle ne peut donc se borner à constater et à classer, elle doit jouer le rôle d'un phare et quelquefois celui d'un moteur. Intercesseur des oeuvres auprès du public, il lui appartient de les découvrir, d'en dénoncer les taches ou d'en révéler les beautés.
Busken Huet fut pleinement fidèle à cette triple exigence. Lecteur infatigable, il passa les romans et les essais les plus marquants de son temps au crible de son ironie et de sa perspicacité. Par sa fécondité, on l'a parfois comparé à Sainte-Beuve dont il fit d'ailleurs le portrait littéraire dans un essai très élogieux - mais un Sainte-Beuve plus distant, moins soucieux de l'anecdote qui, s'il ne fut pas toujours infaillible - certaines de ses critiques ne sont pas exemptes d'un étrange aveuglement-, sut conserver intact son désir de connaître et d'admirer.
Ce besoin d'admirer, il le marqua également à l'égard de son pays d'origine dont, malgré son éloignement physique il resta toujours très proche. C'est à cette exigence que nous devons ce qui furent sans doute ses chefs d'oeuvre, Le pays de Rubens et Le pays de Rembrandt; ces deux géants de la peinture hollandaise furent pour lui une source d'inspiration lointaine et pénétrante.
Dans la maison devant laquelle nous sommes aujourd'hui réunis, Busken Huet demeura très exactement un an. Il y vécut au 4ème étage et y mourit la plume à la main. Renan, Taine, Sully-Prudhomme s'y sont croisés et, grâce à eux, grâce à lui, cet immeuble fut, le temps de quelques saisons, un des hauts lieux culturels de notre capital.
Le Conseil de Paris ne pouvait que s'associer au dernier hommage rendu à la mémoire de Busken Huet dont le nom, inscrit dans la pierre, perpétuera le souvenir.